Soil Assembly à la Biennale de Kochi: transport alimentaire, changement climatique et routes océaniques (1/2)
Publié le 21 avril 2023 par Tim Boykett
Lors de la « Soil Assembly » – du 1er au 5 février 2023 à la Biennale de Kochi-Muziris, en Inde – la table ronde sur les échanges océaniques a montré les enjeux du transport des denrées alimentaires, ainsi que les alternatives à faible émission de carbone, présentes et futures. Tim Boykett de Time’s Up a fait valoir que les carburants alternatifs, l’efficacité accrue et les meilleurs systèmes d’acheminement ne suffisent pas à résoudre les problèmes fondamentaux de notre système de transport actuel. Pour proposer une solution tangible, Boykett a présenté six voiliers de transport de marchandises actuellement en service et plusieurs projets de transport sans émissions carbone, en cours de développement. Il a également examiné le potentiel de mise en place d’un réseau commercial de cargos à voile autour de l’océan Indien. Boykett prolonge ses réflexions dans cet essai (première partie).
Le commerce n’est pas une nouveauté, les réseaux de transport maritime et terrestre remontent à des millénaires. L’un de ces réseaux avait pour point nodal la région de Kochi. Le transport et le commerce contemporains, tout comme l’agriculture contemporaine, font abstraction de ces banalités pour assurer le bon fonctionnement du commerce et de la société. Les expériences de préfiguration et autres désinvisibilisations dans les secteurs de l’activisme et des arts ramènent ces pratiques dans le domaine de l’expérience, soulevant des questions sur les processus transformés et les futurs alternatifs. Curieusement, il semble que leur succès conduirait, une fois de plus, à une marchandisation de la nourriture et du transport, perdant leur aspect culturel de « faire spécial » et devenant juste un mode de transport parmi les autres.
Le mouvement contemporain Sail Freight (Transport de frêt à la voile – NDT) a (ré)émergé au cours des 15 dernières années en expérimentant des moyens de transport propre pour faire face aux crises écologiques dues aux combustibles fossiles polluants. Si de nombreuses personnes sont issues du milieu nautique, un certain nombre d’entre elles viennent des mouvements de la permaculture, un système de conception qui utilise les systèmes naturels, l’horticulture et l’agriculture, ainsi que la théorie des systèmes pour comprendre et concevoir leur pratique.
Nous allons évoquer ci-après les questions relatives à la façon dont le sol et la voile s’entrecroisent. Nous commencerons par discuter de la manière dont les rôles du sol et de la voile s’entremêlent dans le temps profond de l’Holocène et de l’Anthropocène, puis nous réfléchirons à l’infrastructure en tant que lieu où ces éléments et d’autres sous-structures fondamentales de notre culture disparaissent. Imaginer des solutions pour sortir du réchauffement climatique et des autres crises que nous nous imposons à nous-mêmes nécessite une réflexion sur l’avenir, afin d’imaginer les futurs possibles et de choisir parmi eux celui qui est préférable et pour lequel nous souhaitons travailler. Le transport alimentaire à la voile se présente sous la forme d’un large éventail d’expériences, dont certaines permettent et encouragent des liens étroits avec des visions terrestres. Imaginer des réseaux sol-voile à travers les biorégions est quelque chose qui a du sens dans divers contextes culturels et artistiques. Nous terminerons en imaginant le déplacement d’artistes et d’œuvres d’art dans des voiliers sans carburant fossile (ou avec très peu), au lieu d’avions ; quelles répercussions un tel type de voyage pourrait-il avoir ? Et que se passerait-il si ces visions aboutissaient ? Se contentent-elles de se transformer en une autre forme d’infrastructure ? Le succès est-il essentiellement extractif ?
Anthropocène = Temps du Commerce ?
Kochi est depuis longtemps le nexus d’un réseau commercial qui remonte à la fin de la dernière période glaciaire. Alors que les Aborigènes australiens se retiraient de leurs régions côtières, que leurs légendes parlaient encore de la montée des eaux et que leurs traditions faisaient encore référence à des sources d’eau douce situées à des mètres sous la surface de l’océan, il existait un réseau commercial qui s’étendait sur la côte africaine et Madagascar, la mer Rouge, le golfe Persique, l’archipel vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le continent de ce qui est aujourd’hui la Chine. On peut affirmer que le commerce et les échanges océaniques sont aussi anciens que l’Holocène.
Selon le point de vue de chacun, la genèse des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, le réchauffement de la planète et le capitalisme du désastre, peut être constituée de nombreux développements. Par exemple, l’apparition des langues écrites, telle que décrite par Lewis Mumford et Fabian Scheidler dans leur concept de Megamachine. Ils évoquent des systèmes de pouvoir plus vastes, principalement industriels et militaires, dont ils considèrent qu’ils sont apparus avec l’invention et l’utilisation généralisée de l’écriture, de l’argent et des métaux. L’asservissement des individus à ces mégamachines, ou à la mégamachine suprême, sape la bioviabilité du monde et la place qu’y occupent les sciences humaines.
Nous pouvons également situer les racines de la crise dans l’Anthropocène, l’ère géologique façonnée par l’humanité. L’Anthropocène a de nombreuses dates de départ suggérées, y compris celle la création de l’agriculture (donc identique au point de vue de la mégamachine ci-dessus), ou celle de l’augmentation soudaine de l’utilisation des combustibles fossiles lors de la révolution industrielle. Si nous considérons que l’Anthropocène est délimité par la couche de plutonium et d’autres radionucléides déposée à la suite des diverses explosions d’armes nucléaires entre les années 1940 et 1970, cela correspond à ce que Piketty désigne comme le moment où l’inégalité entre les employés et les détenteurs de capital a atteint un minimum ; peut-être un moment qui aurait pu marquer la fin du capitalisme extractif. C’est aussi l’époque de l’invention du conteneur d’expédition, la boîte intermodale qui a accéléré le transport de marchandises à l’échelle mondiale.
Il ne s’agit pas détailler si les relations d’échange et de production nécessitent ou non de l’énergie nucléaire ou autre. Si nous qualifions l’ensemble des pratiques visant à maximiser les matériaux, l’énergie et le travail à partir du sol, de la terre, des animaux, des cultures et des personnes comme « extractivisme », celui-ci a une longue histoire. L’extractivisme peut être considéré comme pratique ne nécessitant pas forcément des combustibles fossiles, par exemple dans différents pays qui ont déforesté pour la construction navale ; La Grèce, l’Italie et l’Espagne, ont transformé leurs montagnes boisées en paysages karstiques stériles, et encore plus dans les îles de Croatie ou encore lors de la déforestation totale de Lampedusa pendant la colonisation par les Bourbons à partir de 1843. Ces processus ont dénudé la terre et la fertilité des sols a été perdue, une caractéristique observable dans une grande partie de l’Europe. Une assemblée des sols pourrait être le lieu où les sols perdus se réuniraient pour partager leurs expériences et lutteraient pour un retour à leur terre d’origine. Une assemblée des sols est un lieu où la construction navale du passé rencontre les désirs de développement de la couche arable du présent, pour envisager un avenir où le transport maritime ne dénude pas les paysages ou la société, où le transport maritime est intégré à la société comme pourrait l’être l’alimentation.
Suresh Kumar à propos de Sarjapura Curries :
Les pratiques agricoles et d’entretien des terres non extractivistes n’étaient apparemment pas très répandues en Occident, la tradition européenne étant celle de la culture sur brûlis, utilisée pendant une génération, puis transférée dans un nouveau village pendant que la forêt régénérait les terres précédentes. Cette pratique est encore en vigueur, par exemple, dans certaines régions de Papouasie-Nouvelle-Guinée où la fécondité du sol et la faible densité de population permettent à la terre de se régénérer. Lorsque les Européens ont adopté cette pratique pour leurs implantations en Amérique, ils ont d’abord transformé les rivières claires et poissonneuses en écoulements boueux (Roberts 2009), puis, lorsque les problèmes ont commencé à s’accumuler, avec par exemple les sécheresses et la perte de la couche arable lors du Dust Bowl, ils ont essayé de comprendre ce qui n’allait pas. Farmers of 40 Centuries (King 2004), publié à la suite d’un voyage d’étude au Japon, en Corée et en Chine effectué par King au début du 20e siècle, est largement considéré comme l’ouvrage de référence des pratiques agricoles régénératives et durables, à l’origine des développements de la permaculture de Bill Mollison et David Holmgren, et de tant d’autres approches plus équilibrées de l’agriculture.
Le concept de Permacircularité, développé vers 2014-2016, applique les principes de permaculture à la conception et à l’analyse des économies circulaires. Dans une analyse panoramique des modèles et pratiques de l’économie circulaire, Martin Calisto Friant et ses collègues ont adopté différentes perspectives pour analyser les discours sur l’économie circulaire. L’une d’entre elles est le tableau 2×2 ci-dessous. L’un des axes de l’analyse porte sur les considérations sociales, économiques, écologiques et politiques, les alignant entre des perspectives holistiques et des pratiques plus segmentées ou individualistes. L’axe orthogonal traite de la foi que chaque discours affiche dans les solutions technologiques. L’une des extrémités est une approche solutionniste selon laquelle les technologies peuvent résoudre nos principaux problèmes, par opposition à une attitude plus conservatrice, voire techno-sceptique. On peut soutenir que la permacircularité se situe dans le quadrant inférieur gauche du diagramme, mais avec une certaine souplesse pour s’approcher du quadrant supérieur gauche. Il est clair que les deux quadrants de droite encouragent des approches antagonistes et égoïstes qui ont peu de chances de nous sortir de la situation difficile actuelle. On pourrait prétendre qu’une approche appropriée consiste à agir comme si le quadrant inférieur gauche était la voie à suivre ; les technologies que nous savons pouvoir mettre au service de l’ensemble de l’humanité. Cependant, il est utile de garder au moins un œil sur le quadrant supérieur gauche, afin de permettre aux développements technologiques de nous faire évoluer vers un modèle peut-être moins frugal. Ce point de vue est en accord avec les discussions de Tack to the Future de Christiaan de Beukelaer.
Lors de Soil Assembly, Suresh Kumar G. a discuté de la réintégration de la production alimentaire dans ses pratiques et ses structures sociales traditionnelles avec le projet Sarjapura Curries. Faisant écho aux propos de nombreuses personnes, il éloigne la nourriture de son caractère banal et générique et lui redonne un sens et une relation, quelque chose de présent et d’agréablement problématique plutôt qu’une chaîne d’approvisionnement abstraite. L’infrastructure est, par définition, invisible, elle est la base sur laquelle nous construisons d’autres niveaux de signification. L’infrastructure en tant que métasystème est complice de son propre effacement comme nous le rappelle Paul Raven. Nous n’avons pas besoin de nous préoccuper de la conservation des produits du jardin lorsque nous pouvons avoir des petits pois surgelés dans le congélateur, dépendant de structures invisibles d’agriculture, de transport, de préparation des aliments, de fabrication de produits et d’approvisionnement en électricité. Une fois que nous n’avons plus à nous inquiéter, nous pouvons penser à la poésie et à l’art, à l’optimisation des transactions financières et aux plaisirs de l’amour plutôt que d’écosser des pois et de les conserver.
Infrastructures
Rendre visible l’invisible, telle pourrait être l’essence de plusieurs pratiques artistiques autour des sols, des transports, en fait de l’infrastructure en général. On pourrait dire que la civilisation et la culture consistent à faire abstraction de la cueillette, du partage et de la consommation de nourriture ; qu’il s’agisse des processus canoniques de développement de la civilisation, du chasseur-cueilleur nomade à l’accro au téléphone, ou des formulations plus complexes des David Graeber et Wengrow, le processus général consiste à s’éloigner du sol. Qu’il s’agisse des communautés de pêcheurs de l’Inde côtière ou des agriculteurs du Mühlviertel autrichien, il existe un désir d’aider la prochaine génération à s’éloigner de la terre ou de la mer, avec son travail éreintant et ses dangers répétitifs. Un désir tout à fait compréhensible, car le rôle d’un pêcheur ou d’un agriculteur dans le monde marchand d’aujourd’hui est définitivement un rôle de précarité et d'(auto-)exploitation.
The Anecdote Concerning the Lowering of Productivity (Anekdote zur Senkung der Arbeitsmoral) de Heinrich Böll en 1963, revient dans les réflexions sur le travail. Un cadre en vacances visite une ville portuaire banale. En discutant avec un homme qui pêche tranquillement dans l’après-midi, ils évoquent la vie du pêcheur. Ils se lèvent tôt, ramènent leurs prises, vont au marché local, déjeunent, se reposent et réparent. Ils discutent des marchés et de l’exportation, de la possibilité d’avoir un ou deux bateaux plus grands, de pêcher davantage pour l’exportation, peut-être un camion-congélateur ou des conserves, des revenus plus élevés et de la croissance. Ils discutent de l’objectif final, à savoir atteindre la retraite et la stabilité financière, où l’on peut faire ce que l’on veut. C’est-à-dire, peut-être, s’assoupir sur le quai en pêchant paresseusement. Le chef d’entreprise regarde l’homme qui pêche sans rien faire, et on ne sait pas s’il voit quelqu’un qui a atteint l’illumination ou non.
Un vieux dilemme est posé ici. Faut-il travailler pour avoir suffisamment de ressources (financières) pour faire ce que l’on veut sans avoir à le rendre financièrement gratifiant, ou faut-il faire ce que l’on veut et trouver un moyen de survivre tout en le faisant ? Une façon d’envisager ce vieux dilemme est de considérer que le premier est un processus de transfert, qui consiste à extraire de la valeur de l’emploi ou d’ailleurs afin de créer un environnement propice à la liberté d’action, tandis que le second est une approche intégrée de la création de valeur et de l’activité préférée.
La question qui reste la plus importante dans ces réflexions est peut-être de savoir si le processus d’abstraction et d’infrastructure d’un problème fondamental est positif, ou si c’est quelque chose où « ça dépend » ? L’argument de la mégamachine affirme que toutes les abstractions ont conduit à ce présent problématique et qu’elles sont donc toutes fausses, dans une forme de reductio ad absurdum historique à grande échelle. L’écriture, l’agriculture, les métaux, l’organisation, tout est problématique. Graeber et Wengrow notent par ailleurs que ce raisonnement n’est pas linéaire, qu’il y a de nombreuses tangentes sur la route qui mène à aujourd’hui qui auraient pu être prises, et beaucoup qui l’ont été, et qui n’ont pas conduit aux processus d’empire extractivistes, destructeurs, déshumanisants, coloniaux qui empoisonnent notre monde aujourd’hui. « Un autre monde est possible » est le cri de ralliement qui s’oppose au « There is No Alternative » de Thatcher ; notre travail, pourrait-on dire, consiste à examiner ces options et à nous demander laquelle des alternatives nous voulons, et comment nous pouvons désamorcer la tendance au « TINA ».
Cela aussi passera.
Mais peut-être pouvons-nous parler de la façon dont cela passera, et discuter de la façon dont les situations difficiles actuelles peuvent être redéfinies et utilisées comme des impulsions pour aller vers des avenirs meilleurs. Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons peut-être agir sur l’avenir.
La prospective est un processus (complexe) qui consiste à imaginer comment l’avenir pourrait se développer. Il est à la fois simple et intuitif, mais aussi contre-intuitif et compliqué. Il existe deux grands volets : les prévisions et les scénarios. Les prévisions sont basées sur des analyses scientifiques mesurables et vont du plus solide (les dates de l’équinoxe de nombreuses années et donc les dates de Pâques) au plus incertain (les modèles climatiques) en passant par le court terme (la météo). Les scénarios s’appuient sur l’absence de prédiction implicite dans les domaines sociaux et autres, en permettant aux praticiens d’imaginer « ce qui se passerait si » un ensemble d’événements se produisait. La réflexion sur les scénarios s’applique à la lutte contre les maladies et aux engagements militaires, aux activistes et au développement des entreprises. Si les scénarios élaborés dans le cadre d’un avenir possible imaginé ne surprennent pas, c’est peut-être qu’ils n’élargissent pas vraiment les alternatives. Jim Dator aime à dire que toute idée utile sur l’avenir doit d’abord paraître ridicule, et devrait donc susciter un bref souffle de reductio ad absurdum. L’absurdité est utile.
Après de nombreuses années de travail sur les scénarios, Jim Dator a constaté que la grande majorité des scénarios se classent dans l’une des quatre catégories suivantes : la continuité, l’effondrement, la discipline et la transformation. La continuité est souvent représentée par une ligne ascendante vers la droite ; l’effondrement par une courbe ascendante qui s’infléchit ensuite vers le bas et s’effondre ; la discipline implique une ligne plate quelque part, interrompant soit la courbe ascendante de la continuation et de la croissance, soit la courbe descendante de l’effondrement ; la transformation est souvent indiquée par une courbe orthogonale qui emmène la trajectoire ailleurs. Les trois premiers schémas sont assez faciles à imaginer, par exemple sous la forme de films : Minority Report, Mad Max, What Happened to Monday. La transformation est intrinsèquement difficile parce qu’elle implique de changer quelque chose de fondamental dans la façon dont nous imaginons le monde. Nous devons également nous rappeler que ces projets n’existent pas sous une forme pure ; l’effondrement d’une personne peut être la transformation d’une autre.
Les types de scénarios qui émergent dépendent fortement du type de question que l’on pose. La valeur des scénarios qui en résultent dépend également des questions que l’on pose, mais aussi de la diversité et de la profondeur des scénarios. Nous ne nous plongerons pas ici dans les scénarios, même s’il s’agirait d’un exercice intéressant et précieux à entreprendre avec diverses parties prenantes. Mais nous pouvons peut-être imaginer les types de scénarios qui pourraient être intéressants.
Au cours des dernières années, un nombre croissant d’artistes et de concepteurs ont participé à des spéculations et à l’élaboration de scénarios, à différents niveaux d’explicitation. La création d’expériences de futurs possibles et d’artefacts issus de futurs possibles, dépassant les tropes standards de la science-fiction et explorant des futurs plus mondains. Non seulement des objets de design et des environnements immersifs, mais aussi des répétitions en tant que médium artistique ont vu le jour. Les frontières entre ces pratiques et des pratiques plus activistes ou même entrepreneuriales, telles que les expériences anticipées de José Ramos, commencent à s’estomper.
Soil Sail Scenarios
Nous nous sommes intéressés aux futurs possibles du transport et de la production alimentaire, à la croissance des sols et au partage social. D’où l’invitation. The Soil Assembly était un programme organisé par Ewen Chardronnet, Maya Minder, Meena Vari et Neal White, qui s’intéressait aux pratiques des sols et de l’agriculture, à l’art et à l’activisme, aux imaginations futures et à l’esthétique relationnelle. Nous avons été invités à participer à une discussion sur le transport des denrées alimentaires, le changement climatique et les métiers de la mer. Une combinaison étrange, semble-t-il, mais qui offre de nombreuses pistes de réflexion.
Le mouvement Sail Freight, si l’on peut l’appeler ainsi, est une alliance souple d’organisations qui explorent les possibilités de déplacer des objets sur l’eau à l’aide de voiles plutôt que de moteurs. Des petites entreprises aux géants du transport maritime, des activistes radicaux qui réalisent l’impossible aux chefs d’entreprise rationnels à la tête froide, des voiles carrées classiques aux voiles rigides hyper modernes et aux rotors Flettner, il existe une multitude d’actions en cours, dont beaucoup se rassemblent sous l’égide de l’International Windship Association (IWSA). Plusieurs grands projets sont en cours de construction à l’heure où nous parlons, mais les projets opérationnels se comptent par dizaines, et sont tous des projets compacts et pratiques. Nous n’allons pas dresser une liste de tous les projets en cours.
Si une grande partie des projets de cargos à voile visent le marché européen du luxe, avec des fèves de cacao, des cafés, des rhums et des tequilas biologiques, d’autres sont plus banals, comme l’Apollonia qui transporte des céréales, des malts et des bières le long de l’Hudson. Les discussions sur les denrées alimentaires et le transport par voie d’eau, l’agriculture soutenue par la communauté et l’approvisionnement transocéanique, ont été très variées.
Bon nombre des points que nous pourrions soulever ont fait l’objet d’une réflexion dans le cadre des projets Vermont Sail Project et Maine Sail Freight, tous deux entrepris par des personnes du secteur agricole dans le nord-est des États-Unis en 2014 et 2015. Le Vermont Sail Project a été mené par un agriculteur, Erik Andrus, agissant pour sa communauté locale qui cherchait à transporter proprement ses marchandises le long de la rivière Hudson vers la ville de New York. Le projet Maine Sail Freight était davantage un « spectacle » visant à sensibiliser au transport à la voile et à incitant à le mettre en œuvre. La poursuite du projet du Vermont a suscité de l’intérêt, mais aucun marin n’a été trouvé pour faire fonctionner le navire ; il a également été dit que, bien que le navire Ceres soit basé sur les plans de Thames Barge, il n’a pas été construit selon les normes requises pour un projet de transport maritime à long terme. Quoi qu’il en soit, ces deux projets ont inspiré le projet Apollonia, qui assure le transport de marchandises le long de la rivière Hudson depuis trois ans et qui est appelé à se poursuivre.
L’aspect performatif / spectacle / pilote / préfiguration de tels projets apparaît également dans le projet Danube Clean Cargo que nous avons entrepris en 2020. Plusieurs autres imaginations de projets de voies navigables côtières et intérieures ont également vu le jour dans le cadre de diverses discussions.
Lire la seconde partie de cet article.
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