Le MakerTour a fait des petits: après l’Europe, l’Asie
Publié le 9 janvier 2018 par la rédaction
En 2015, deux mordus du mouvement des labs imaginaient MakerTour, un voyage en France puis en Europe. Dans leur sillage démarrait MakerTour Asie, qui vient de s’achever. Petit bilan commun.
Début 2015, Etienne Moreau et Mathieu Geiler se mettaient en tête d’explorer et de partager la diversité des ateliers collaboratifs du monde. Avec l’association MakerTour et l’aide des labs français, ils créaient une méthode de documentation, un site web et finançaient leur projet. Avec un prototype d’expédition de six mois à la rencontre d’une cinquantaine d’ateliers européens. Leur MakerTour, qu’ils avaient chroniqué pour Makery.
Depuis leur rencontre à Shanghai, à peu près à la même époque, Marie Levrault et Lucas Graffan exploraient des ateliers de fabrication numérique tout en rêvant d’Asie. Après avoir poussé les portes du Amman makerspace en Jordanie et du Fablabil en Israël, ils découvraient le projet MakerTour, écrivaient au culot à Etienne et Mathieu et les rencontraient à Paris. A l’été 2016, ils s’envolaient pour FAB12 à Shenzhen, la conférence annuelle internationale des fablabs du MIT, et se mettaient au travail sur une V2 de MakerTour. En mars 2017, top départ du MakerTour Asie : Marie et Lucas partaient pour huit mois à la rencontre de cinquante ateliers collaboratifs de l’Iran au Japon.
Le tour d’Asie achevé, MakerTour poursuit ses aventures en 2018… en Amérique latine et centrale et avec une autre équipe de labtrotteurs. D’un tour à l’autre, Makery a demandé à Etienne Moreau (MakerTour Europe) et Lucas Graffan (MakerTour Asie) de se prêter au jeu du retour d’expériences.
Quel bilan tirez-vous de votre tour des ateliers?
Lucas: C’était incroyable ! Depuis FAB12 à Shenzhen en 2016, nous avons eu la chance de voir de nos propres yeux l’effervescence du mouvement en Asie, quel que soit le pays et sa culture. De l’Iran au Vietnam, les ateliers mènent surtout un combat pour l’éducation, l’agriculture occupe les esprits en Inde, l’humanitaire prend le dessus au Népal, alors que l’entrepreneuriat et l’industrialisation sont les rois de Singapour au Japon.
C’est rare de pouvoir rencontrer autant de personnes qui veulent faire bouger les lignes. Toutes et tous nous ont accueillis, raconté les problèmes et opportunités de leur communauté et leur pays, ainsi que leur vision pour demain. Ça donne de l’énergie et l’envie d’en faire plus.
Etienne: Deux ans après, on reste marqués au fer rouge par notre tour d’Europe. On ne vit rien de tel dans sa vie quotidienne ! Et on grandit avec le mouvement depuis. Quand nous avons pris la route, le monde des labs avait besoin d’apprendre à se connaître, de comprendre la diversité des pratiques. Aujourd’hui, l’enjeu est ailleurs, dans la structuration du réseau, les collaborations et l’ouverture au-delà du mouvement. FAB14 et le premier FAB Summit distribué en France cet été tomberont à pic !
Quels ont été les moments les plus épiques, compliqués, drôles ou décourageants de votre tour?
Etienne: Je laisse la parole à Lucas, puisqu’on a déjà pas mal raconté le meilleur des anecdotes du tour d’Europe ici-même sur Makery !
Lucas: Huit mois de MakerTour en Asie ne sont pas un long fleuve tranquille, notre estomac a payé le prix et je vous passe les galères logistiques ! Le moment le plus marquant reste nos trois jours à Vigyan Ashram. Imaginez : un fablab rural perdu au cœur de l’Inde, une vie au rythme de la communauté avec réveil le matin à 5h, prières puis méditation le soir, ponctué par une documentation par 45° sans clim’. Les projets foisonnaient aussi, on a découvert un tracteur fait à base de récup’ ne coûtant que 500$ à fabriquer !
Notre moment le plus “gênant” s’est produit au Japon : nous avons perdu nos cartes de visite en arrivant à Kyoto, la veille d’une de nos conférences dans un atelier d’entreprise. Or là-bas, c’est un rituel professionnel sacré d’échanger sa carte avec chaque personne rencontrée… Raconter l’anecdote nous a permis d’éviter un manque de respect fatal !
Est-ce que la relation avec les ateliers et makers était semblable en Asie et en Europe? Quels liens avez-vous gardé avec eux?
Etienne: Après avoir rencontré (presque) tout le monde au Fablab Festival en 2015, on a eu beaucoup de soutiens pour lancer MakerTour. Comme un J’irai dormir chez vous des fablabs, on n’a payé qu’une nuit en six mois et on a été invités à dîner en famille à de nombreuses reprises. On garde des liens forts et une complicité inébranlable avec certains !
Lucas: De notre côté, il y a vraiment eu deux phases. De l’Iran à Singapour, on a vécu avec les ateliers comme lors du tour d’Europe, le pro et le perso fusionnaient. Alors qu’après, de Taïwan au Japon, la venue de MakerTour était “professionnelle”. Tous les labs ont néanmoins été aux petits oignons et très disponibles, la culture est simplement différente. On croise les doigts pour en revoir un maximum lors de FAB14 !
Est-ce qu’aujourd’hui vous sentez une culture différente autour du Faire et des ateliers collaboratifs entre la France, l’Europe et l’Asie?
Lucas: En Inde, Project Defy crée des makerspaces à 500$ dans des zones sinistrées. Des femmes ont appris à s’y servir d’Internet, ont créé des tutoriels de saris DiY et monté ensemble un business de confection de saris. Tout part de l’éducation et l’accessibilité. Imaginez-vous maintenant chez SZOIL au cœur de la Silicon Valley chinoise du hardware à Shenzhen, où des start-ups tech se créent et pensent industrialisation. Le contexte, les enjeux, l’approche sont uniques à chaque fois, mais les valeurs et l’état d’esprit maker circulent. Et c’est précisément pour cela que nous pouvons tant nous apprendre les uns les autres !
Etienne: Bien sûr que la culture est différente et heureusement ! Gildas Guiella du Ouagalab (Burkina Faso) l’explique bien : “En Europe, les fablabs veulent transformer leur société, alors que nous essayons d’améliorer les conditions de vie à 1km autour de l’atelier.” Les combats sont différents mais l’atelier collaboratif en tant qu’outil et l’amour du Faire Ensemble sont plus que jamais partagés !
Après l’Asie et l’Europe, qu’est-ce que MakerTour a en tête pour 2018?
Lucas: Léna Kernoa et Vianney Graffan, les deux petits nouveaux de MakerTour, lanceront un tour des ateliers d’Amérique latine de huit mois en juin prochain, qu’on prépare depuis FAB13 à Santiago au Chili l’été dernier !
A l’image des labs, MakerTour devra aussi se réinventer en 2018. Un nouveau site va voir le jour avec de nouvelles documentations d’ateliers, la possibilité de mettre à jour ses infos, mais aussi plus de projets, de ressources issues du terrain et de possibilités pour vous tous. Tout sera annoncé en ce début d’année, meilleurs vœux à toutes et à tous 😉
Retrouvez tous les ateliers explorés pendant MakerTour Europe et Asie ici