A Londres, les premières pousses du Green Lab
Publié le 5 décembre 2017 par Elsa Ferreira
Depuis six mois à Londres, le Green Lab explore l’agritech et l’agriculture urbaine. On a participé à un atelier d’aquaponie pour les rencontrer.
Londres, de notre correspondante
Les chiffres sont accablants. Plus de 75 % des insectes volants ont disparu en vingt-sept ans des zones protégées en Allemagne. 70% des ressources en eau douce, selon les Nations unies, sont utilisées par l’agriculture (en 2011, et 44 % en Europe) alors qu’1% de l’eau disponible sur Terre est douce et à l’état liquide. Deux tiers des habitants de notre planète vivent déjà au moins une fois par an une pénurie d’eau. Si l’agriculture ne change pas, la Grande-Bretagne pourrait connaître une pénurie de terres arables d’ici trente à quarante ans, prévenait le ministre de l’Environnement Michael Gove en octobre dernier.
Ces statistiques alarmantes, c’est Jonathan Katona qui les déroule. « C’est un équilibre entre pessimisme et optimisme », tente de rassurer celui qui organisait mi-novembre un atelier sur l’aquaponie au Green Lab. Nous sommes à Londres, en visite dans cet espace de coworking, incubateur et atelier d’agritech et d’agriculture urbaine au sud de la Tamise.
Le commandant Cousteau des insectes
Le lab a été créé il y a un an par Andrew Gregson, après qu’il a fermé le Fablab London. « J’ai commencé à m’ennuyer parce que le champ d’applications était trop vaste », explique-t-il en rappelant qu’il avait ouvert ce fablab au centre de Londres « surtout parce que le nom de domaine fablablondon.org était disponible ». Après avoir fait carrière dans les technologies – Apple, BT, Yahoo, Sky TV… – et fondé plusieurs start-ups dans les communications, les réseaux sociaux et les big data, cet entrepreneur retourne à ses premières amours, l’environnement. « Quand j’avais 9 ans, j’étais passionné par le commandant Cousteau, l’environnementaliste Gerald Durrell et par David Attenborough (un réalisateur de docus animaliers très populaires, ndlr). Maintenant que j’ai les compétences en technologie, je veux les mettre à profit pour un projet environnemental. La boucle est bouclée. »
Depuis juin dernier, il ouvre les portes du Green Lab vers l’extérieur. Aux start-ups et artistes d’abord : 35 résidents, dont certaines toutes jeunes start-ups issues du Y Combinator, prestigieux incubateur de San Francisco, détaille Andrew Gregson. Comme Entocycle, lauréate de l’incubateur éthique Mass Challenge Platinum Award 2016, qui élève des black soldier flies, littéralement mouches soldats noires ou Hermetia illucens, pour créer de la nourriture durable pour les animaux d’élevage. On y trouve aussi des start-ups en biosynthèse, de fabrication de LEDs ou encore de micropousses (microgreens), ces jeunes légumes qui contiennent en moyenne cinq fois plus de vitamines et de caroténoïde que les légumes à maturité. « Nous avons aussi deux artistes en résidence », ajoute Andrew Gregson.
Larves de «Hermetia illucens» au Green Lab:
stout grains and #blacksoldierfly #larvae @entocycle prototyping looking great in @greenlaborg 8)
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Le Greelab s’ouvre aux visiteurs aussi. Ce 18 novembre, c’est le premier atelier public et il affiche complet (une vingtaine de personnes). Dans cette introduction à l’aquaponie, Jonathan Katona nous apprend à fabriquer notre propre système (on vous en reparle bientôt). Cet atelier sera le premier d’une longue lignée, assure Andrew Gregson. Au programme : comment avoir des intestins en bonne santé en faisant fermenter son propre kombucha (une boisson mongole acidulée), utiliser les protéines alternatives des plantes en faisant pousser sa spiruline (une microalgue utilisée comme complément alimentaire), faire pousser ses micropousses ou apprendre à faire son compost… « Ce sont des thèmes qui sensibilisent le public et qui aident les gens à développer leurs propres initiatives », explique le fondateur.
Au Greenlab, l’espace spiruline et hydroponie à 28°:
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Un château en Espagne
Troisième cible, les entreprises. Andrew Gregson a mis sur pied une équipe de consultants à même de conseiller les grands groupes. Ikea par exemple, avance-t-il : « Ils sont intéressés par ce qu’on fait et le seront encore plus quand on leur aura dit ce qu’on peut faire pour eux », dit-il, un poil cryptique. Il cite également l’association Friends of the Earth (Les Amis de la Terre) ou la banque Barclays. « Ils font des placements et veulent investir ou fournir des opportunités d’investissements à leurs clients fortunés. L’agriculture est un domaine en croissance », justifie Gregson. L’entrepreneur a aussi des idées pour les agriculteurs, eux aussi clients des banques, rappelle-t-il. « Si on peut aider le fermier à emprunter plus d’argent en lui donnant l’opportunité de produire plus de revenus pour son exploitation en diversifiant ses offres, ça intéresse les banques. Nous pouvons par exemple aider un éleveur de ruminants à monter son élevage de poissons. Cela double ses revenus et il aura besoin d’investissements pour que cela se produise. » Si l’activité de conseil ne tourne pas encore à plein régime (cela fait six mois qu’ils sont en activité, rappelle Gregson), c’est en tout cas l’objectif, « la situation idéale, là où nous voulons arriver », dit-il.
En ligne de mire aussi, l’Espagne. Green Lab a déjà établi un partenariat avec une ferme dans le nord-est de l’Angleterre pour accéder à de larges espaces agricoles et s’adonner à des expériences plus curieuses et grands formats. Ils souhaitent désormais acheter un terrain dans le nord de l’Espagne pour développer des agritechs pour des environnements arides. « Ce n’est pas loin de l’Afrique, le climat est assez similaire », pose le fondateur.
En attendant, la petite dizaine de personnes qui compose l’équipe du lab met en place un réseau de compost et s’intéresse au recyclage des matières organiques humaines, sous l’impulsion de la doctorante Eve MacKinnon. Un autre projet se tourne vers le « peeponics » (la pipiponie… meilleure traduction de notre crû), ou comment transformer l’urine en nutriments. Mais surtout, ne dites pas qu’ils sont fous. « A chaque fois que vous urinez, vous utilisez 8 litres pour tirer la chasse. C’est de l’eau potable. 1% de l’eau de la planète est disponible et on met toutes sortes de merdes dedans. » Un rappel bienvenu.
Pour guetter les prochains évènements de Green Lab et le site de Green Lab
Retrouvez prochainement sur Makery le compte-rendu de l’atelier d’aquaponie du Green Lab