Chronique de makers-farmers en formation (1)
Publié le 3 octobre 2017 par Alexis Rowell
Un maker peut-il habiter la campagne sans imprimante 3D? Nos experts zéro déchet Alexis et Blanche le pensent. Sur six hectares dans le Perche, ils créent une ferme en permaculture pour une vie à faible impact.
Alexis et Blanche vivent à Paris, elle est institutrice, lui est écolo-warrior, consultant en solutions contre le réchauffement climatique. Il y a quelques mois, ils se sont lancés dans la vie « zéro déchet » et l‘ont chroniquée pour Makery. Cet été, ils ont décidé d’aller encore plus loin en achetant dans le Perche une ferme à retaper, pour tenter une expérience de permaculture, dans une écologie de moyens et une philosophie du faire. Ils nous raconteront régulièrement leur transformation en « makers-farmers ».
En 2016, nous avons décidé de chercher une maison avec terrain dans le Perche, à deux heures de Paris, pour transformer mes rêves en aventure, en mode de vie et même en entreprise durable. Et pourquoi pas en source d’inspiration pour les autres.
Depuis plus de dix ans, j’ai utilisé la permaculture, cette boîte à outils pour la vie à faible impact, pour jardiner mes balcons ou, avec d’autres, les petits coins de Londres et Paris. La permaculture m’a en quelque sorte servi à organiser ma vie (faible impact, zéro déchet, alimentation saisonnière et bio, zéro énergie fossile, etc.). Mais j’avais toujours au fond de moi l’envie d’aller plus loin sur ma propre terre, de construire quelque chose en utilisant les principes de la permaculture, et de transmettre mes connaissances à d’autres.
Quand j’en ai parlé à Blanche, qui est professeur des écoles dans un quartier défavorisé de Paris, elle a immédiatement adhéré au projet, bien qu’il soit juste de dire qu’elle n’envisage pas d’y vivre à plein temps ni de transformer la ferme en centre de formation de permaculture !
Paysage comestible
Et donc c’est quoi exactement le projet ? Eh bien, cela dépend de la façon dont on le regarde !
De mon côté, je voudrais une maison confortable et zéro carbone (pas d’énergie fossile). J’aimerais créer un paysage comestible, une forêt-jardin. Blanche veut que la maison ait suffisamment de lits et de salles de bains pour accueillir la famille et les amis.
Jusque-là, nous sommes d’accord. Nous nous sommes donné cinq ans pour faire les travaux et créer la forêt-jardin. Après, on verra. J’aimerais que la ferme inspire d’autres personnes et gagner ma vie en enseignant la permaculture, en vendant des fruits et des noix et peut-être en louant des écocabines. Pour Blanche, l’idée que la ferme pourrait être plus qu’une belle maison de campagne pour les week-ends et les vacances n’est pas acquise.
Notre première et plus redoutable tâche a consisté à trouver la propriété parfaite. Nous avons opté pour le Perche, un parc régional à mi-distance de Paris et Nantes, et posé une série de critères : que la maison soit accessible à vélo depuis une gare, qu’elle ne soit pas trop loin d’une boulangerie et d’un bon restaurant, que le bâtiment soit traditionnel, avec deux hectares de terrain au moins, un ruisseau, aucune agriculture industrielle dans les champs voisins et pas trop de circulation sur les routes. Etc.
D’octobre 2016 à février 2017, nous avons visité une vingtaine de maisons. Un tableau Excel compliqué avec des scores pondérés pour nos critères nous a permis de choisir le gagnant… La Grande Raisandière, située dans un village délicieusement nommé La Chapelle du Bois.
La Grande Raisandière est une petite ferme comprenant quatre bâtiments en pierre et grès jaune typique du Perche. Il y a également une belle mare, au moins dix grands chênes majestueux, et une belle haie traditionnelle d’aubépines, de noisetiers, d’églantines, de ronces, de prunelliers et d’argousiers tout autour du terrain.
Une des multiples raisons de notre coup de cœur pour cette ferme a été que Steve, le vendeur, a développé un intérêt pour la permaculture depuis quelques années. Il a planté des fruitiers et des arbres à noix et bien d’autres arbres encore. Il a également recouvert la terre de paille lorsqu’elle était nue. Grâce à lui, nous avons déjà quinze châtaigniers, une dizaine de pêchers et de noyers, deux cerisiers, deux pommiers et un poirier, plus des framboisiers, des mûriers et des groseilliers. Miam !
Ce nom, La Grande Raisandière, ne veut absolument rien dire. Sur Internet, la seule chose qu’on trouve, c’est notre maison ! D’après l’ancien propriétaire, elle porte ce nom depuis 1550. Après quelque mois difficiles côté prononciation (pour moi !) et orthographe, nous avons décidé de lui donner un deuxième nom : The Big Raise (La Grande Hausse) en anglais. Un nom clairement plus facile pour les non-francophones, mais qui conserve sa racine dans la prononciation de l’original en français : La Grande RAISE-andière. Un nom pour souligner que la ferme est à un tout autre niveau que mon jardinage sur les balcons de Londres et Paris. Et qu’avec le temps, nous parviendrons à augmenter le niveau des compétences des participants à nos cours de permaculture !
On y entend aussi un écho au « Grand Tournant » de Joanna Macy, le nécessaire besoin pour l’humanité de travailler avec la nature plutôt que contre elle, et à la « révolution des attentes croissantes » d’Alexis de Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution, qui dit que « les nations qui ont subi avec patience et presque inconsciemment l’oppression la plus écrasante, ont souvent éclaté contre le joug au moment où elles commencent à devenir plus légères ».
Et si nous pouvions donner aux gens un peu de liberté en les inspirant, notre ferme pourrait faire partie de cette « révolution des attentes croissantes »… Le Grand Tournant… The Big Raise !
Au cours des prochaines semaines, mois et années, nous nous efforcerons de chroniquer notre histoire au fur et à mesure qu’elle se déroule. La fin n’est pas encore écrite, et les chapitres sont en cours !
Alexis et Blanche ont créé un site web pour documenter leur expérience qu’ils lancent en simultané de cette chronique pour Makery