Chronique d’une makeuse en matériaux (19)
Publié le 24 octobre 2016 par Caroline Grellier
Après un séjour ressourçant en Afrique, notre designeuse est de retour en France où son agence de biodesign Termatière dispose désormais d’un premier matériau, un composite de sarments de vigne destiné à fabriquer des caisses de vin.
Après mes pérégrinations africaines, retour au bercail montpelliérain : de l’avion, j’ai sauté dans le train et c’était reparti. J’ai pour le moment rangé mes briques réalisées à partir de troncs et feuilles de bananier et de coques de noix de palme et de florentin, pour retrouver mes sarments de vigne. Afin d’échapper au traditionnel coup de blues du voyageur, au lendemain de mon retour, j’avais rendez-vous pour une synthèse de l’étude de marché de Termatière. Quand faut y aller, ben faut y aller !
Réorientation de la stratégie
En sortant de ce rendez-vous de deux heures sur le marché de Termatière, mon intuition s’est confirmée, avec éléments tangibles à l’appui et avis tranchés sortant de la bouche de potentiels clients.
En deux mots, une caisse de vin fabriquée en panneaux composites biosourcés issus de sarments et d’une colle réalisée à partir de tanins de pépins de raisin intéresse l’ensemble des acteurs de la filière.
Le concept séduit, certes, mais les plus intéressés sont surtout les grands comptes viticoles, pour qui le produit de Termatière permet de matérialiser des stratégies marketing et d’agir concrètement sur leurs politiques.
Cependant, le marché de la caisse de vin en France est relativement petit. Je me confronte donc à des équations de haut niveau entre le coût de revient de ma caisse (qui entre en concurrence avec des bois importés pas chers) et son volume de fabrication. Forcément, plus on fabrique, moins ça coûte… Encore faut-il pouvoir vendre tout ce volume.
Je m’oriente plutôt vers un mode de fabrication relativement artisanal, mais qui a l’avantage de pouvoir être mis en place davantage localement. D’autant que les machines dont j’ai besoin ne relèvent pas de la haute-technologie. Et c’est bien là tout l’intérêt de mon approche de makeuse.
Mon modèle économique et ma stratégie de développement d’entreprise prennent donc une direction à laquelle je ne m’attendais pas vraiment. Je vais devoir faire preuve de créativité sur ce plan aussi : la question se pose de savoir si ce projet « sarment » correspond toujours bien au positionnement et à la philosophie que je défends à travers ma création d’entreprise.
Il est trop tôt pour donner une réponse, tant les portes sont encore ouvertes aujourd’hui et cette stratégie en construction. Et puis, les doutes font aussi partie du jeu, sinon l’aventure ne serait pas aussi stimulante !
Malgré cette bifurcation, pas question d’arrêter en chemin. Je m’octroie encore quelques mois de travail pour terminer mon cycle de prospection et aller convaincre la clientèle. D’ici fin 2016, je me concentre sur ma démarche commerciale, sans oublier le prototypage.
Trois rencontres clés!
Pour ce faire, trois rendez-vous cruciaux m’attendent ce mois de novembre, dont ma participation au Chefs World Summit de Monaco, le premier congrès mondial de la gastronomie, du 27 au 29 novembre.
Je vois d’ailleurs les choses sous un nouvel angle après deux jours de formation sur la négociation raisonnée de Harvard, organisée par l’incubateur de l’école des Mines d’Alès. Je me suis complètement prise au jeu des saynètes que nous avons jouées comme au théâtre. D’abord acheteuse d’une voiture de collection, puis agent immobilier et enfin directrice marketing, j’ai mis en pratique des petites techniques toutes simples qui permettent d’atteindre les trois objectifs fixés pour une négociation raisonnée : obtenir plus, obtenir mieux, maintenir la relation. De quoi préparer sereinement mes trois rendez-vous à venir dans un univers (très) éloigné du mien.
Un coup de pouce de la Fondation de France
Enfin, la bonne nouvelle du mois est venue de la Fondation de France. Je suis lauréate avec Termatière de la bourse Déclics Jeunes 2016, qui récompense des jeunes de moins de 30 ans à la vocation affirmée. D’autres croient donc autant que moi aux potentiels et aux enjeux de développer des matériaux locaux à partir de résidus agricoles : de quoi m’encourager !
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