Après l’Internet des objets, Inupathy invente l’Internet des chiens
Publié le 12 avril 2016 par Cherise Fong
«Vous savez quoi, je suis heureux», disait le fameux basset à l’air triste de Tex Avery. Pour enfin savoir ce que ressentent les chiens, voici Inupathy, le collier à capteurs acoustiques du rythme cardiaque qui affiche l’humeur des toutous. Un prototype japonais qui dessine une nouvelle ère d’échanges inter-espèces.
Tokyo, de notre correspondante (texte et photos)
Aujourd’hui, il existe des colliers connectés pour surveiller, mesurer et communiquer avec son chien (ou chat). Certains sont équipés de GPS, d’autres de caméra, haut-parleur, capteurs, comme ces colliers mesurant le rythme cardiaque du type Petpace et Voyce, qui focalisent sur la santé de l’animal. Avec quelques menus inconvénients : les mesures de rythme cardiaque captent aussi des bruits parasites, l’utilisation de l’accéléromètre limite leur précision à l’état de repos (ou de rêve), et enfin, les informations ne sont visibles que sur un appareil associé (PC, smartphone, etc.).
Le collier Inupathy (« chien » + « empathie »), avec ses capteurs acoustiques mesurant exclusivement le rythme cardiaque du chien, et qui affiche couleurs et motifs codés selon son état mental en temps réel, privilégie le bien-être de son porteur. Et selon Joji Yamaguchi, son créateur, celui-ci dépend directement de la bonne entente avec son partenaire humain.
Inupathy affiche l’état mental du chien (démo):
Simpliste, dites-vous ? « Beaucoup de personnes me disent qu’elles savent tout sur leur chien, remarque Joji. Mais quand je leur demande si elles savent tout sur leur enfant, elles disent non. Quelle est la différence entre un enfant et un chien ? Le chien est une toute autre espèce, c’est impossible de tout savoir sur lui. C’est important d’admettre qu’il y a des choses qu’on ne sait pas sur son chien et de faire l’effort de le comprendre. Son expression est importante, mais il y a des choses qu’on ne peut pas voir. Beaucoup de gens pensent que les chiens remuent la queue quand ils sont heureux, mais ce n’est pas toujours le cas. Les chiens peuvent aussi remuer la queue quand ils veulent faire plaisir à leur maître. »
Il y a quelques années, Joji, biologiste de formation et ingénieur informatique de profession, s’est mis a développer un collier à LEDs pour essayer de mieux comprendre son corgi Akane en analysant la variabilité de fréquence cardiaque (VFC). Il a notamment identifié des motifs particuliers correspondant aux états de bonheur et de concentration, qui se traduisent par des affichages multicolore et clignotant. Le reste du temps, le collier affiche une couleur correspondant au nombre de battements de cœur par minute, allant du bleu foncé (le plus calme) au rouge vif (le plus excité). Le résultat hyper-réactif ressemble à un détecteur de mensonges aux couleurs de l’arc-en-ciel.
Akane se concentre pour trouver ses gâteaux, son collier Inupathy clignote:
La première découverte qu’a faite Joji lorsqu’Akane portait le collier était que sa voix ne suffisait pas à calmer son chien après un tremblement de terre, par exemple. Il lui fallait le caresser pour voir la différence sur le collier revenu au bleu tranquille, alors qu’Akane avait la même expression. Joji a également vu la différence de rythme cardiaque lorsqu’Akane aboyait sur un chat (rouge : agressif) ou sur d’autres chiens (vert : désir de jouer), alors même que les aboiements se ressemblent.
« C’est comme avec un enfant. Quand votre enfant essaie de vous dire quelque chose mais que vous ne comprenez pas, il se décourage. Mais si vous montrez que vous comprenez, il essaie de vous dire plus. »
Joji Yamaguchi, inventeur d’Inupathy
« Depuis qu’il porte le collier, Akane est devenu plus expressif, plus audacieux, explique Joji. Il sait que j’apprends des choses sur lui, que je fais plus attention à lui. C’est un signe qu’on peut commencer à jouer ensemble. » Soit la découverte canine pour une relation humaine augmentée à long terme.
On imagine les services que pourrait rendre le collier Inupathy pour les chiens guide, d’assistance ou de secours, les vétérinaires et les entraîneurs. Et ce n’est qu’un début pour les objets connectés canins. Pour l’instant, Inupathy envoie ses informations via bluetooth à un ordinateur à proximité, (ou smartphone, tablette…) afin de rester chargé plus longtemps. Mais d’autres applications sont possibles : des jouets qui s’activent selon le taux d’excitation de l’animal, un distributeur de nourriture qui donne un gâteau lorsque le chien se concentre, une cuvette pour analyser l’urine ou les fèces… Joji a déjà imaginé tout un réseau Internet des objets (IoT) domestique centré autour du chien.
Alors que la campagne Indiegogo d’Inupathy arrive à son terme (avec un tiers seulement de promesses de don), Joji continue à chercher des sources de financement pour créer un moule en acier qui permettrait la production en série de colliers souples et résistants à l’eau. En attendant, Joji a promis à ses contributeurs (une quarantaine de colliers en pré-achat) de livrer des Inupathy imprimés en 3D et fonction de la taille du chien à partir de fin 2016.
L’assemblage étant encore trop compliqué, Joji ne prévoit pas de le fournir en kit. Mais se réjouit des futures inventions rendues possibles grâce au kit de développement Inupathy qu’il mettra bientôt en ligne : « Les gens pourront y ajouter de nouvelles fonctions… C’est excitant de rejoindre le mouvement maker. »