Cinq ans après Fukushima, Safecast attaque la pollution de l’air
Publié le 1 mars 2016 par Cherise Fong
Tout juste cinq ans après l’explosion catastrophique du réacteur nucléaire à Fukushima le 11 mars 2011, Safecast, le collectif à l’origine du petit compteur Geiger DiY bGeigie, champion de la science citoyenne pour la surveillance environnementale, prototype des compteurs de pollution de l’air.
Tokyo, de notre correspondante (texte et images)
Vendredi midi, au 8ème étage d’un immeuble en plein quartier de Shibuya à Tokyo, trois visionnaires, dont deux co-fondateurs du collectif Safecast, Sean Bonner, Pieter Franken et Ray Ozzie, sont réunis autour d’une grande table couverte de circuits, de boîtiers, de prototypes et d’ordinateurs. Ils discutent des derniers développements de la série de prototypes Safecast Air de mesure de pollution de l’air.
Depuis cinq ans, les bGeigie Nano, ces compteurs Geiger portables en kit qu’ils ont conçus dans la foulée de la catastrophe de Fukushima, ont été leur porte d’entrée pour la science citoyenne, bien au-delà du Japon. Ces boîtiers mesurent les taux de radiation nucléaire au niveau local et individuel, et ce, à travers le monde entier. Les résultats de ces mesures sont mis à jour en permanence sur la carte collaborative de Safecast. En plus du réseau Pointcast de capteurs fixes à travers le monde, le succès public et open source du bGeigie, à travers la recherche, les ateliers, la pédagogie et la vente aux particuliers (un millier ont été distribués dans le monde, selon Sean Bonner), continue de porter le projet Safecast.
Depuis Fukushima, la conscience globale environnementale a grandi elle aussi, et notamment récemment avec la fuite de gaz naturel de Porter Ranch près de Los Angeles, aux Etats-Unis. Les citoyens s’inquiètent de la qualité de l’air qu’ils respirent tous les jours.
Sean Bonner, directeur global de Safecast, observe cette angoisse générale : « Chaque personne avec qui je parle pense que la qualité de l’air est ce qu’il y a de plus important dans sa ville, et ce, partout dans le monde où je suis allé. Contrairement à la radiation nucléaire, où les gens considèrent que c’est un problème qui vient d’ailleurs, lorsqu’il s’agit de pollution de l’air, les gens pensent que c’est leur propre problème – et que c’est particulièrement grave chez eux. D’une manière générale, la qualité de l’air, c’est un problème très personnel. »
Safecast Air
D’où le projet Safecast Air de surveillance de la qualité de l’air. Mais c’est quoi exactement, la pollution de l’air ? Celle qui est la plus souvent citée dans les médias se présente sous forme de particules fines (PM). Avec les fuites de gaz naturel (dont le méthane est le plus courant, mais aussi le plus dangereux à court terme), le niveau de particules et de méthane est particulièrement scruté par les gens.
Au terme de deux ans de recherche, l’équipe de Safecast Air a mis au point plusieurs prototypes, chacun disposant d’une configuration de capteurs spécifique aux polluants recherchés. Le premier, énorme, mesure trois niveaux de particules fines et trois gaz. Le deuxième, un quart de la taille du premier, assez portable pour être installé en différents lieux, mesure les PM10, PM2.5, PM1.0, le méthane, l’ozone et le dioxyde d’azote, avec la possibilité de changer de capteurs. Le troisième, la moitié de la taille du deuxième et entièrement mobile, est consacré exclusivement au taux de méthane. Une quinzaine de ces protos en mode bêta sont déjà déployés en Californie…
Sean Bonner fait la démo du 2ème proto de Safecast Air (en anglais):
Sean Bonner affirme qu’une dizaine d’institutions et d’associations sont déjà sur liste d’attente pour recevoir 10 à 100 Safecast Air. La petite équipe que dirige ce boursier de la Fondation Shuttleworth, qui emploie également deux ingénieurs chez IO Rodeo aux Etats-Unis, n’a cependant pas fini d’expérimenter les différentes configurations et n’a pas encore décidé quel prototype serait reproduit en kit. Son prix n’est pas non plus fixé, mais il est certain qu’il coûtera plus cher qu’un bGeigie, les capteurs étant plus coûteux.