Les prothèses émo-kawaii de Neurowear
Publié le 15 décembre 2015 par Cherise Fong
Né au pays d’Hello Kitty, le jeune collectif japonais Neurowear prototype des prothèses ludiques (oreilles de chat, queue de chien…) qui suscitent tout de suite le sourire… en exploitant nos ondes cérébrales. Entrez dans la communication à l’ère de l’émotion!
Tokyo, de notre correspondante
Et si la communication du futur consistait à ne plus passer par la parole ? Finis les malentendus du langage, les traductions traîtres, les faux-pas culturels de nuances trop subtiles… Et si ne restaient que les émotions pures, et le pouvoir de les exprimer à travers des prothèses mignonnes ? C’est le pari que fait Neurowear, un collectif expérimental qui explore la communication entre humains et notre rapport aux objets qui nous entourent.
La communication en mode raccourci
Pour Kana Nakano, un des quatre membres de l’équipe, et par ailleurs « techno-créative » à l’agence de publicité Dentsu, la révolution de la communication personnelle à l’âge d’Internet a déjà passé plusieurs étapes : au début, on a publié des blogs, puis on a posté des tweets, ensuite on s’est contenté de « liker ». Aujourd’hui, le plus souvent, on envoie un emoji pour exprimer ses sentiments.
« Au fur et à mesure que la communication devient de moins en moins verbale, dit-elle, peut-être qu’à l’avenir on ne passera même plus par les mots. Dans ce cas, quel outil peut-on imaginer ? Nous y avons réfléchi, discuté, puis (Tomonori) Kagaya-san (autre membre du groupe, ndlr) a pensé au capteur d’ondes cérébrales. On s’en est servi pour créer un nouvel organe de communication pour l’être humain. »
Les prothèses animales
Depuis 2010, Neurowear développe des prototypes ludiques commandés par les ondes émises par le cerveau, toujours en collaboration avec des chercheurs et ingénieurs spécialistes.
Leur premier produit à succès, développé en collaboration avec le créateur de robots Kiluck, et le seul à être produit et fabriqué par l’entreprise américaine Neurosky en 2011, est Necomimi (« oreilles de chat » en japonais). Attachées à un casque équipé d’un capteur d’ondes cérébrales, les oreilles en peluche se dressent lorsque la personne se concentre, tombent lorsqu’elle se relaxe, et s’agitent légèrement quand son état mental est intermédiaire.
Vendu comme un jouet, avec un capteur de sensibilité moyenne, Necomimi ne marche pas toujours parfaitement, mais le seul fait d’augmenter son corps d’oreilles connectées et contrôlées fait plus que sourire.
Necomimi, vidéo de présentation par Neurowear:
Shippo (« queue » en japonais), la suite toujours populaire du projet de prothèse animale développée 18 mois plus tard, fonctionne comme une queue canine qui accompagnerait les oreilles félines. Plus la personne est concentrée, plus la queue remue vite. Activé par le même capteur et équipé de la même puce Neurosky, Shippo marche cependant un peu moins bien que Necomimi, notamment à cause de sa mécanique plus lourde. Les deux extensions nécessitent que le capteur soit placé en plein milieu du front…
Shippo, vidéo de présentation par Neurowear:
Emogadgets
A l’âge du post-Google Glass, et une dizaine d’années après la sortie du thriller post-futuriste hollywoodien Final Cut, où chaque citoyen était implanté d’une puce qui enregistrait sa vie entière en vidéo, Neurocam est présenté comme un autre « gentil » jouet qui permettrait d’augmenter nos expériences, ou de filtrer notre mémoire.
Conçu pour créer des souvenirs vidéo de nos instants de bonheur, le prototype comprend une caméra qui enregistre des Gifs animés de 5 secondes lorsque le taux d’intérêt (ou de stimulation, même négative) de la personne dépasse les 60 %, toujours selon ses ondes cérébrales. Ici, l’interface est plus transparente, qui affiche l’analyse des signaux dans une application mobile. La vidéo est directement enregistrée sur le smartphone. Avec capteur au milieu du front et téléphone portable sur la tempe, Neurocam est déjà un peu moins kawaii et un peu plus Glasshole pour les idiots…
Neurocam, présentation par Neurowear:
Grâce à la même technique du neurotagging, qui utilise un algorithme co-développé par le laboratoire Mitsukura à l’université de Keio (Tokyo) pour analyser les ondes captées par la puce Neurosky, Mico (« Music Inspiration from your subconsciousness ») vous fait écouter de la musique choisie en fonction de votre humeur.
Ce dernier prototype musical, pensé par Yasuhiro Tsuchiya, autre membre de Neurowear et techno-créatif chez Dentsu lui aussi, promet bien d’autres applications commerciales potentielles pour la génération post-Pandora, post-Spotify…
Retour au kawaii avec Mononome (« l’œil de l’objet » en japonais), qui anime n’importe quel objet en lui greffant deux yeux expressifs et qui réagissent à leur environnement. Equipé de capteurs de lumière, de mouvement et de vibrations, ainsi que d’une trentaine de réactions piézo-électriques sonores (style R2D2), ce tout dernier prototype, présenté à la Maker Faire Tokyo en août 2015, donne presque l’impression d’être une créature vivante qui adore l’interaction, avec toute la gamme d’émotions qu’il est possible d’exprimer avec ses yeux de dessin animé.
Mononome, présentation par Neurowear:
A l’heure de l’Internet des objets, où tout appareil domestique sera bientôt connecté, au courant de notre routine quotidienne et capable de prendre des initiatives pour nous faciliter la vie, le principal objectif de Mononome est d’insuffler un peu d’émotion et de merveille dans notre rapport aux objets, aussi anthropomorphiques soient-ils… La communication du futur sera-t-elle kawaii ?