Alors, cette fédération des labs français, ça vient?
Publié le 5 octobre 2015 par Camille Bosqué
Ils étaient 40 en mai 2015, au FabFest de Toulouse, à signer pour une «fédération des labs». Et ensuite? Deux figures du mouvement maker échangent sur la difficulté à faire réseau: Olivier Gendrin, coordinateur du chantier de la future association, et Emmanuelle Roux, du FacLab.
Lors du FabFest de Toulouse en mai dernier, de nombreux labs français s’étaient rassemblés pour établir une fédération, ou en tout cas réfléchir à la structuration d’un réseau national. Ce moment « historique » a donné lieu à la constitution de nombreux ateliers de réflexion et de travail sur cette question.
Où en sommes-nous ? Faut-il ou ne faut-il pas donner forme à un réseau structuré et rassembler des lieux parfois très différents sous une même manière nationale ? Emmanuelle Roux, co-fondatrice du FacLab de l’université de Cergy-Pontoise, de la société Sc21 et du fablab zBis à la Roche-sur-Yon, et Olivier Gendrin, coordinateur des travaux préparatoires à la fondation de l’association française des fablabs (nom provisoire), se sont prêtés au jeu d’un entretien croisé sur ces questions.
Que s’est-il passé à Toulouse en mai dernier ?
Olivier Gendrin. Il y a chaque année à Toulouse un grand rassemblement lié aux fablabs, coordonné par Artilect, qui est l’un des plus anciens et plus grands fablabs de France. Cette année, ils ont décidé de consacrer une pleine journée à la question du réseau français des fablabs : comment s’organiser, pourquoi, sous quelle forme ? À l’issue de cette journée, trente-sept fablabs et lieux associés, ensuite rejoints par d’autres, ont affirmé haut et fort qu’une structuration nationale était importante à leurs yeux.
Le lendemain, nous nous sommes retrouvés à une quarantaine de personnes volontaires pour participer à des groupes de travail sur différents sujets liés à ce besoin de structuration. Les groupes de travail portent sur les valeurs que nous voulons défendre, la gouvernance et les statuts qui peuvent être adoptés pour cette structure nationale et comment accompagner les nouveaux fablabs et les fablabs existants.
Il y a aussi des groupes de travail sur la légitimité et la représentativité de cette structuration. Nous avons également lancé un groupe de travail sur la question de la documentation. J’ai été désigné pour faire la coordination globale de tout ce travail. Dans les jours qui ont suivi, nous avons aussi mis en place un wiki, un forum et un planet.
Emmanuelle Roux. Ces événements, comme le CCC en Allemagne cette année et OHM en Hollande il y a deux ans, Fab11 à Boston cet été ou encore le THSF (Toulouse Hackerspace Festival), Festival D à Nantes ou les Open Bidouille Camps un peu partout en France sont des moments importants où se tissent les liens entre tous, de pair à pair. Cette année, l’équipe d’Artilect a décidé de faire du FabFest un temps fondateur pour une fédération nationale des fablabs. Si le besoin d’une forme d’organisation pour faciliter les liens entre les labs français et développer leur capacité à agir ensemble semble faire consensus, le FabFest a formulé une autre proposition : créer une fédération.
Les labs en accord avec ce choix étaient donc présents. D’autres étaient absents et parmi eux quelques acteurs historiques, en attente probablement d’un autre schéma d’organisation qu’une forme pyramidale et fédérative.
Comment le projet d’une fédération des fablabs français se combine-t-il avec la charte déjà existante du réseau international ?
Emmanuelle Roux. Je n’étais pas présente physiquement au FabFest, mais ça m’intéressait de savoir sur quels modèles organisationnels les fablabs français présents réussiraient à se mettre d’accord, sur quelle formule ils se reconnaîtraient pour donner corps à cette fédération.
Mais la question n’a pas été posée de cette manière. Si l’on regarde le wiki, la forme (fédérative) a été choisie et définie alors que les valeurs qui devraient en être le ciment commun ne sont pas connues. Sans cette définition de ce qui nous rassemble, comment s’organiser ensemble ? Pour quoi faire ? Avec quels objectifs partagés ? Si les lieux présents se reconnaissent comme fablabs, la réponse me semble être déjà formulée. Le réseau international des fablabs existe déjà. Il réunit tous ceux qui se reconnaissent à travers le monde dans la charte éditée par le MIT, pour contribuer à un réseau mondialement distribué de lieux ouverts dédiés à l’innovation, la formation, l’expérimentation et la micro-production.
La définition que l’on peut trouver sur le site de la FabFoundation est très claire : “To be a Fab Lab means connecting to a global community of learners, educators, technologists, researchers, makers and innovators — a knowledge sharing network that spans 30 countries and 24 time zones. Because all Fab Labs share common tools and processes, the program is building a global network, a distributed laboratory for research and invention.”
Pourquoi donc vouloir réinventer un réseau formel et national alors que la philosophie fondatrice du mouvement repose sur l’idée d’un réseau international de lieux distribués ? De nombreux fablabs français que j’ai eu l’occasion de rencontrer ne priorisent pas cette dimension internationale, et la considèrent parfois comme accessoire. Monter une structure nationale ne risque-t-il pas de les encourager à s’isoler encore plus du réseau mondial ?
Développer la capacité à agir ensemble des acteurs de la fabrication numérique personnelle, qu’ils soient fablabs, makers, hackerspaces, entreprises de l’open hardware, ateliers de fabrication numérique est essentiel pour parvenir à démocratiser ces nouveaux espaces et leurs pratiques. De même, faciliter le partage d’expérience de pair à pair entre lieux français (nouveaux et plus anciens) mais aussi avec les lieux ouverts par nos voisins européens ou ceux d’autres continents est crucial. Enfin, la question de la représentativité se pose bien entendu. Nous avons besoin de promouvoir le mouvement, de l’expliquer et de convaincre les décideurs politiques, économiques et académiques afin de créer un paysage juridique et politique plus en phase avec la promesse portée par le réseau des fablabs : explorer de nouvelles formes d’organisation, un autre rapport au “faire ensemble” et à la propriété intellectuelle ; ouvrir de réels terrains d’expérimentation aussi bien en terme de pédagogie qu’en terme d’économie contributive ; inviter à repenser les organisations de travail, tout comme la répartition de la valeur.
Olivier Gendrin. Sur le fond, je suis d’accord avec ces idées, mais c’est la manière de procéder qui fait débat entre nous. Pour en revenir à la question de la charte, je ne la considère pas comme contraignante. C’est un guide moral important, qui donne une direction à suivre, mais un lieu spécifique peut ne pas adhérer à tel ou tel point, c’est le cas de l’Electrolab, qui n’est ouvert qu’à ses seuls membres. C’est aussi l’esprit de l’autoévaluation proposée sur le wiki islandais qui fait référence. Sherry Lassiter (présidente de la FabFoundation, ndlr) a d’ailleurs précisé : “Le FabLab doit être ouvert au public gratuitement ou en échange de services au moins une partie de chaque semaine.” Mais on trouve aussi cette explication : “Les FabLabs doivent partager des outils et processus communs. La liste des machines commune aux FabLabs se trouve à cette URL.” Donc peut-on dire qu’un lieu comme la Paillasse n’est pas un fablab ? Se priver de leurs expériences et points de vue serait très dommageable. Je crois aux interfaces et aux groupes flous, il y a de la richesse en marge des fablabs pure players, et il faut aller la chercher.
Où en est-on maintenant ?
Olivier Gendrin. Tout le monde est rentré chez soi, et a retrouvé l’énorme masse de travail qu’il y a à faire localement au quotidien. Donc ça n’avance pas. Ce qui me “rassure” un peu, c’est que peu de pays ont réussi à surmonter ce problème. J’ai aussi pris assez récemment conscience que c’est un problème de pyramide des besoins de Maslow : les besoins de base des fablabs ne sont pas encore satisfaits, puisque de nombreux fablabs se demandent encore s’ils existeront l’année prochaine. Bloqués par ces questions, ils ne peuvent pas s’attaquer à des objectifs plus lointains.
Emmanuelle Roux. Je constate les mêmes difficultés que celles que nous avons traversées à chaque tentative de nous organiser : nous manquons de temps et de disponibilité pour avancer et agir.
C’est en effet difficile pour chacun de sortir de la tête de son propre développement local afin de s’inscrire dans une dynamique nationale et internationale. Toutefois, faire vivre un réseau international distribué et prouver qu’il est possible de travailler ensemble sans appartenir à une même organisation est l’essence même du mouvement. S’intégrer à un mouvement plus vaste que son propre développement local permet d’assurer plus de pérennité à son projet et de trouver des soutiens dans les moments difficiles, sans compter le plaisir de ne pas rester seul face aux problèmes. En parallèle, des éléments très concrets et surprenants sont apparus comme par exemple une mailing-list “des représentants des fablabs français” qui acte l’introduction d’une légitimité reconnue non plus entre pairs sur “le faire” (do-ocratie) mais selon le statut d’une personne dans son lab.
Olivier Gendrin. Oui, le nom initial avait été mis un peu dans la précipitation, c’est “FabLabs en France” maintenant, ce qui est un peu mieux.
Emmanuelle Roux. Excellente nouvelle !
Pourquoi les fablabs français ont-ils besoin de s’associer au niveau national ?
Olivier Gendrin. Il y a trois aspects : interne, externe, et l’international. Au niveau interne tout d’abord, la question du réseau est présente dès le début du projet des fablabs, comme Emmanuelle l’a rappelé. On la trouve dans la première version de la charte écrite par Neil Gershenfeld : “Les fablabs sont un réseau mondial de laboratoires locaux.” C’est consubstantiel au projet. Mais j’ai le sentiment que, en tout cas en France, le réseau n’est pas encore en place. Ou alors, c’est encore embryonnaire. Il y a peu de rencontres en régions par exemple. On a vu quelques tentatives du côté du Grand Est, en PACA, en Bourgogne-Franche-Comté, il y aura bientôt peut-être la région parisienne, probablement aussi la Bretagne, mais cela se fait sans régularité. On peut aussi saluer la naissance de la fédération des fablabs en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
Statuts OK ! Motivation OK ! Bureau voté ! La Fedlab des Fablabs de @midipyrenees et @LaRegionLR prend son envol. pic.twitter.com/k5F8SIrh05
— FedLab (@FedLab_fr) 7 Août 2015
Ensuite, il y a aussi un besoin de support technique, par exemple sur les questions légales. Une structure nationale pourrait mutualiser le coût d’un juriste, qui pourrait répondre aux questions de gestion quotidienne, par exemple dans le cas du recrutement d’un fabmanager ou lorsque le premier vrai conflit de propriété intellectuelle éclatera. On pourrait aussi avoir un service de communication qui assiste les lieux dans la promotion de leurs événements… Cela pourrait aussi permettre d’organiser encore la formation continue des responsables du réseau, sur des questions qu’il faudra aborder : recherche de subventions, comptabilité, technique… On pourrait enfin offrir une sorte de “licence” (au sens de la licence sportive) qui permette aux membres des fablabs d’être assurés dans tous les fablabs membres de la structure nationale.
Au niveau externe, il y a énormément de travail à faire en communication auprès du grand public, de la presse, pour expliquer par exemple la spécificité d’un fablab par rapport à un simple service de mise à disposition d’atelier avec des machines. Il y a aussi un travail pédagogique — et, disons-le, de lobbying — à faire auprès des pouvoirs publics, pour faire évoluer certaines législations. Il y a encore la défense de la “marque” FabLab (déposée au niveau européen par le fablab de Barcelone) afin d’éviter que certains ne dévoient le sens du projet.
Enfin, bien sûr, il faut trouver des sources de financement pérennes à l’échelle nationale et locale.
Et il y a enfin le niveau international : nous devons participer au réseau mondial, y faire vivre nos spécificités et participer à la francophonie qui a parfois du mal à accéder à des contenus anglophones.
Emmanuelle Roux. Je ne partage pas cette opinion. Faire réseau ne nécessite pas de réinventer un réseau. J’ai du mal à comprendre pourquoi l’échelle locale et régionale demanderait à être renforcée, alors que l’objectif partagé est de contribuer à un réseau international.
La question du support technique peut être traitée sans structure juridique commune. Nous pourrions répertorier nos compétences locales, publier des modèles de contrats et autres documents, développer des expertises différentes dans chaque lab puis les partager. Un lieu pourrait ainsi se spécialiser dans une aide en communication, un autre développer des formations pour les facilitateurs ou fabmanagers et proposer ses services au réseau, en développant ainsi une source de revenus. La création par exemple d’une monnaie complémentaire au sein du réseau pourrait permettre aux lieux en manque de financement traditionnel de bénéficier de ces services.
La question du lobbying et de la promotion des labs ne s’appuie pas nécessairement sur une structure commune et encore moins une fédération. Il suffit de regarder l’exemple de la Quadrature du Net pour être convaincu qu’un groupe longtemps informel et soutenu financièrement par différents partenaires peut être très efficace. Ils ont stoppé un temps Acta en Europe sans fédération ni représentants officiels… C’est un exemple à suivre. Il me semble qu’ils n’ont formalisé une simple association qu’après cinq ans d’actions communes !
«Il ne s’agit pas de refaire une pyramide hiérarchique, il s’agit de donner à une, voire plusieurs personnes, les moyens d’avoir une vision globale du réseau, afin de donner les impulsions et de faire les mises en relations qui accélèrent le travail.»
Olivier Gendrin
Olivier Gendrin. L’exemple de la Quadrature du Net est excellent ! Effectivement, c’était une association de fait de 2008 à 2013, puis une association déclarée formellement, mais ils ont dès le début eu des moyens de coordination en propre et notamment des moyens humains, puisque Jérémie Zimmermann était salarié par FDNN pour travailler sur la coordination des actions de la Quadrature et du travail des bénévoles. Je parle bien de coordination, pas de direction ! Il ne s’agit pas de refaire une pyramide hiérarchique, il s’agit de donner à une, voire plusieurs personnes, les moyens d’avoir une vision globale du réseau, afin de donner les impulsions et de faire les mises en relations qui accélèrent le travail.
En 2013, ils annoncent un budget de 214 196 € . Début 2010, ils avaient trois salariés. Un autre exemple : nous sommes d’accord pour dire qu’un fablab gagne à avoir un permanent. Cela implique l’existence d’une structure qui gère les ressources.
Quelles sont les difficultés que rencontrent ceux qui travaillent à la constitution de cette fédération ?
Olivier Gendrin. La première difficulté, c’est bien évidemment que grosso modo, personne n’a de temps à consacrer à la structuration nationale. Il y a énormément de travail à faire localement, et aucun lab n’a encore réussi à produire des journées de 25 heures. La seconde difficulté, c’est de parvenir à faire travailler ensemble des gens et des lieux qui ont des fonctionnements diamétralement opposés. Les petits fablabs associatifs, les gros fablabs institutionnels, ceux qui sont bien installés dans leurs environnements locaux, ceux qui galèrent encore… Il faut aussi s’entendre sur un “minimum commun” qui permettra de faire le distinguo entre ce qui sera un fablab et ce qui n’en sera pas un. Et tout le monde à sa propre vision ! C’est le point le plus délicat, à mon sens.
Emmanuelle Roux. Oui, la première difficulté, c’est d’admettre que nous sommes différents et que nous devons nous retrouver uniquement autour d’un tout petit morceau d’ADN commun qui est la volonté de démocratiser la fabrication numérique personnelle (que l’on soit fablab ou non). Une fédération réunit normalement des membres homogènes alors que nous sommes un réseau distribué d’éléments hétérogènes se reconnaissant à travers des principes et des valeurs déjà écrits dans la charte fondatrice. La deuxième difficulté, c’est aussi de réussir à se percevoir comme déjà membre d’un réseau international partageant une philosophie, une ambition, une organisation… il ne servira à rien créer un sous-réseau en vase clos qui détachera les labs français des enjeux de ce réseau de lieux mondialement distribués.
Olivier Gendrin. Une autre difficulté, ce sera d’injecter de l’argent dans la structure nationale : la plupart des lieux galèrent déjà, est-ce qu’ils auront un budget à y consacrer ? Et a contrario, si nous bénéficions de financements externes, comment se structurer pour rester indépendants par rapport à cette source de financement ? Il est beaucoup plus dangereux de ne pas essayer de le faire. Malgré les conflits de personnes qui ne manqueront pas de survenir.
Certains sont réfractaires mais je crois que c’est plutôt une question de divergences quant à la manière de le faire. La plupart des gens s’accordent sur l’idée qu’il faut une organisation nationale.
Emmanuelle Roux. Le risque principal selon moi, si une structure pyramidale et fédérative était mise en place, c’est de délégitimer l’action des fablabs auprès de leur territoire, de leurs partenaires, des décideurs aussi bien économiques ou politiques ou simplement de leurs membres qui constateront que nous prônons de nouveaux modèles mais nous nous organisons dans les faits très classiquement.
Pensez-vous que le réseau des fablabs français parviendra à inventer un nouveau modèle pour se structurer, qui s’émancipera du schéma peut-être trop classique de la fédération ?
«Je ne suis pas la seule à exprimer l’idée qu’une partie de notre essence tient dans cette volonté d’expérimenter de nouvelles formes d’organisation et de gouvernance. Comment être légitime et ouvrir la voie à de nouveaux modèles si nous sommes les premiers à revenir aux recettes d’antan ?»
Emmanuelle Roux
Emmanuelle Roux. J’ai le sentiment que cette idée de “fédération” est le fruit d’une reproduction automatique d’un modèle reconnu. On constate une ambivalence dans l’écosystème sur les modèles politiques souhaités : d’un côté une volonté de contribuer à proposer de nouveaux modèles et d’être en capacité d’agir, souvent en réaction à un monde politique vécu comme lointain, inaccessible, non participatif. De l’autre côté, une réelle difficulté à remettre en cause la démocratie telle qu’on la connaît en France, maintenant : représentative, au suffrage universel, élective. Il est parfois même difficile d’ouvrir simplement ce débat.
Je ne suis pas la seule à exprimer l’idée qu’une partie de notre essence tient dans cette volonté d’expérimenter de nouvelles formes d’organisation et de gouvernance. Comment être légitime et ouvrir la voie à de nouveaux modèles si nous sommes les premiers à revenir aux recettes d’antan ? Pour autant la tentation de revenir “pragmatiquement” à des modèles connus, éprouvés et compris de tous, est grande car elle est simple. Elle requiert moins de débats, d’échanges et comporte aussi moins de risques de se tromper, de devoir réitérer.
Olivier Gendrin . Le fonctionnement réel de la “fédération” (ou quel que soit le nom qu’on lui donnera) est encore entièrement à écrire et pourra évoluer dans le temps. Les propositions d’Emmanuelle sont intéressantes, et j’espère que la commission en charge de l’écriture des statuts en tiendra compte. Cependant, et c’est évoqué à un moment où à un autre dans toutes les discussions qui ont eu lieu sur le sujet ces dernières années, il faudra avant tout que les gens se connaissent et se fassent confiance pour pouvoir élire leurs mandataires en connaissance de cause. On l’a bien vu encore récemment avec l’expérience de liquid feedback, qui n’a pas encore pris.
Attention aussi à ne pas déconcerter nos interlocuteurs par un fonctionnement trop complexe ou exotique. Notre fonctionnement doit rester lisible, en particulier pour les futurs nouveaux arrivants. Ce sera toujours à l’assemblée générale de trancher sur les évolutions du fonctionnement de la future structure.
Emmanuelle Roux. Et si on tentait un modèle sans assemblée générale ni élection de mandataires ? Pourquoi ne pas expérimenter par exemple la holacratie ? Ne peut-on pas simplement agir ensemble et construire une histoire commune avant de chercher à la figer sous une forme juridique donnée ?
Comment avancer dans le bon sens ?
Olivier Gendrin. Nous devons déjà trouver une appellation temporaire qui soit moins chargée symboliquement que le terme de “fédération”, adopté un peu rapidement et sans consensus. Je crois beaucoup à des rencontres physiques régionales pour que les gens se connaissent, échangent et travaillent ensemble. Je lance ce défi pour l’année prochaine : chaque fablab devrait participer à l’organisation d’une rencontre régionale d’une journée !
Il y a justement des associations régionales qui sont en cours de création : OpenAra en Auvergne-Rhône-Alpes, la FedLab en Midi-Pyrénées… C’est peut-être une piste intermédiaire, qui est plus simple à mettre en œuvre que l’organisation nationale ?
Emmanuelle Roux. Je suis complètement d’accord sur la question du nom. Pour ce qui est de la suite à donner, je dirais : agir ensemble, autour de sujets communs et pour faire avancer des sujets communs. Organiser des rencontres, je suis d’accord. Régionales pourquoi pas, mais thématiques me va très bien aussi. Juste agir, par petits groupes. Que ceux qui veulent prendre le lead sur un sujet lèvent la main, invitent ceux qui le souhaitent à y contribuer puis mènent jusqu’au bout le chantier. D’autres prendront le relai plus tard et peu à peu chacun pourra apporter sa pierre à l’édifice commun. Nous avons nombre de sujets à traiter dont l’édition de documents juridiques pour protéger les fabmanagers et responsables des labs, des plans de formations ou d’ateliers pour animer nos lieux, des argumentaires pour convaincre partenaires et financeurs, des recommandations à diffuser aux porteurs de projets open hardware pour éviter bien des pièges, des retours d’expériences sur l’organisation d’événements ou encore sur les business modèles, etc. Nous avons juste besoin que quelques-uns acceptent de contribuer quelques heures par mois pour démarrer, sans obligation d’engagement long. Rien de plus. Pour ma part, une demi-journée c’est très jouable. Si chaque groupe auto-organisé avance un sujet, nous pouvons rapidement avoir un corpus d’outils utiles qui nous feront gagner à tous le temps nécessaire pour se pencher, entre autres, plus précisément sur ces questions d’organisation.
Je crois surtout nécessaire d’oser ouvrir d’autres modèles et de ne pas prédéfinir la forme de notre future organisation. Si pour des raisons financières et juridiques une structure est vraiment nécessaire, comment la faire la plus légère possible pour qu’elle ne gêne pas les expérimentations souhaitables ni ne nous oblige à rentrer dans une logique de politique interne ?
Une des premières suites concrètes du FabFest a eu lieu le 17 septembre : une « réunion de coordination en vue de la création de l’association représentative des fablabs de France » a été organisée, lire le rapport de la rencontre