Chronique d’une makeuse en matériaux #4
Publié le 6 avril 2015 par Caroline Grellier
L’objectif pour mars de La Termatière, le projet de valorisation des sous-produits viticoles de Caroline Grellier: définir ses besoins en investissement. Soit un mois sous le signe de la finance, en tête-à-tête avec les tableurs Excel, afin de passer du bricolage de l’échantillon à une production en série.
Un troc de compétences entre designer et chercheur ?
Le chercheur étant un spécimen très sollicité, qui jongle entre ses travaux et la recherche de financements pour poursuivre ses travaux, la collaboration avec les deux unités de recherche de l’Institut National de Recherche Agronomique (Inra) qui m’accompagnent va mettre un peu de temps à se mettre en place. Les sous, toujours les sous… Je pensais pouvoir aller au-delà avec mon approche de makeuse en matériaux, mais quand il s’agit d’appuyer sur les boutons de machines qui coûtent quelques milliers d’euros, il n’y a plus de bricolage qui tienne. Normal.
Etant donné que je n’ai pas de chèque à 5 chiffres à signer dans l’immédiat, nous discutons de la forme que pourrait prendre cette collaboration designer-chercheur, inédite pour l’Inra, avec ce dada commun qui nous réunit : le développement de matériaux locaux bio-sourcés. Des pistes sont à l’étude pour définir ensemble un partenariat gagnant-gagnant en terme d’échanges mutuels. Et cette façon de procéder par « troc de compétences » me plaît bien.
Rencontre avec les pros du broyage
LE rendez-vous du mois, que j’attendais de pied ferme, m’en a mis plein les mirettes. J’ai pu visiter les plate-formes de l’unité IATE de l’Inra, spécialisée dans la valorisation des matières premières végétales sous forme d’aliments, d’énergie, de biomatériaux ou de biomolécules.
Après avoir fait un repérage des machines dont j’aurai besoin (extrudeuse, presses, séchoirs, mélangeurs), j’ai découvert des dizaines de façons de broyer les matières : du gros galet qui secoue et écrase la mixture contre les parois du cylindre façon râpe à fromage haute-performance, des principes de séparation de micro-poudres par électrolyse, des bombones d’azote, du tuyau par-ci, du tamis par-là, bref, un vrai parc d’attraction pour mes petites mains de designer : des machines de compèt’ inspirantes.
Mon challenge ? Sortir d’ici septembre une première petite série de feuilles de calage pour le transport des bouteilles de vin, fabriquées à partir de sarments défibrés. Qui dit première vente, dit premiers sous ! Et comprendre la comptabilité de son entreprise, c’est une toute autre histoire que de gérer son compte en banque… J’ai donc dû me plonger ces dernières semaines dans les plans de financements, prévisionnels de dépenses et comptes de résultats, éléments indispensables à présenter dans les dossiers de concours auxquels je participe.
Couleur lie de vin
Pour m’aérer, rien de tel qu’un détour dans le décor provençal du Lubéron, à l’occasion de la journée professionnelle des Rendez-vous de la couleur organisée par le conservatoire des ocres Ôkhra à Roussillon le 27 mars.
Une journée de conférences riche en rencontres avec des artistes, des peintres, des anthropologues de la couleur, des stylistes du Comité français de la couleur, Culture couleur, des scientifiques incollables sur le rouge préhistorique, le bleu maya, l’indigo indien, ou encore la fameuse ocre de Roussillon. L’occasion d’échanger avec ces experts sur les potentiels colorants de la lie de vin, sur les techniques d’extraction de pigments, sur les attentes quant aux pigments de demain, sur les teintures naturelles, et de communiquer sur la gamme chromatique de mes matériaux viticoles.
L’économie circulaire à l’honneur
J’avais rendez-vous à Paris le 2 avril pour assister à la soirée Impact2, organisée par le Comptoir de l’innovation, visant à faire se rencontrer des porteurs de projets et des investisseurs. Le discours d’introduction de la maire Anne Hidalgo a de suite donné le ton : économie sociale et solidaire, économie collaborative et économie circulaire au programme pour les entreprises de demain. En dépit de discours institutionnels parfois en décalage avec les problèmes évoqués (réchauffement climatique, inégalités sociales, défis environnementaux) car n’accordant à mon sens que trop peu de place aux porteurs de projets pour exposer leurs solutions, je retiens surtout l’intervention de Lionel Zinsou. Cet économiste franco-béninois dirige depuis début 2015 la fondation AfricaFrance, et a dressé le portrait d’une Afrique créative, s’appuyant naturellement sur ces modèles économiques en composant avec sa culture et ses difficultés.
Et c’est justement depuis l’Afrique que j’écrirai ma prochaine chronique, à la découverte des processus low-tech de R&D en matériaux locaux, sources d’inspirations pour La Termatière.
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