« Faire Tiers-Lieux », mais avec quels moyens ? Appel à mobilisation
Publié le 24 octobre 2024 par la rédaction
Après une première édition à Metz en 2022, l’événement « Faire Tiers-Lieux », organisé par France Tiers- Lieux, a fait son grand retour aux Halles de la Cartoucherie à Toulouse du 8 au 10 octobre et rassemblé plus de 1000 participants. Cette deuxième édition était centrée sur le « faire ensemble » et la « coopération » et avait pour objectif de réunir l’ensemble des parties prenantes afin de réfléchir ensemble à l’avenir des tiers- lieux et leur rôle dans la société. Pourtant en cette rentrée budgétaire au parlement, le projet de loi de finances prévoit une réduction de 80% des crédits alloués à la politique publique de soutien aux tiers-lieux. Ne resterait que 2,5 millions d’euros, c’est à dire presque rien. Appel à pétition et mobilisation.
Correspondance, texte de France Tiers-Lieux, photos de Nora Houguenade
Les trois jours de rencontres, de débats, de découvertes inspirantes, de visites, de moments de convivialité organisés à Toulouse, ont permis de réunir les tiers-lieux et leurs partenaires : acteurs de l’ESS, réseaux associatifs, collectivités territoriales, agents publics, élus, chercheurs, entreprises, banques, financeurs privés… Des thématiques comme l’Economie Sociale et Solidaire, l’amélioration de l’accès aux financements, le rôle des tiers-lieux à l’horizon des prochaines municipales, la recherche, ou encore l’urgence climatique et des dizaines d’autres sujets ont pu être abordés collectivement, croisant expériences locales de tiers-lieux, regards de chercheurs, paroles d’élus locaux, analyses d’institutions publiques, expertises de financeurs ou techniciens, etc.
La présence de Maxime Baduel, Délégué ministériel à l’ESS, d’Antoine Pellion, Secrétaire général à la planification écologique et de Thibaut Guilluy, Directeur général de France Travail, témoignait de l’importance du phénomène des tiers-lieux en France et de son rôle dans le développement de l’économie de demain : plus inclusive, écologique et d’utilité sociale. Les tiers-lieux montrent en effet qu’il est possible de « faire beaucoup avec peu », mais ils ne peuvent continuer à se développer sans un soutien accru des pouvoirs publics, des collectivités mais également des financeurs privés. La coopération, l’engagement local et l’investissement dans ces infrastructures sont essentiels pour pérenniser ces dynamiques.
Que retenir de ces 3 jours ?
Ces 3 jours de rencontres, de débats et de travail collectif ont révélé que la transformation démocratique et écologique que les tiers-lieux appellent de leurs vœux repose sur plusieurs leviers essentiels. Premièrement, elle nécessite une évolution profonde de nos institutions publiques, en renforçant la coopération entre l’État, les collectivités locales et la société civile organisée. Il est temps de valoriser le «faire ensemble», de briser les silos administratifs et d’encourager l’expérimentation et l’innovation sociale. Deuxièmement, cette transformation passera par des alliances solides entre les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), les associations, les coopératives et l’éducation populaire, mais aussi avec les banques et les investisseurs, pour accompagner et soutenir les lieux de création collective que sont les tiers-lieux. Enfin, il est crucial de renforcer le soutien à ceux qui font vivre ces dynamiques, en favorisant la mutualisation des ressources, la mise en place de projets collectifs et un dialogue constant entre les tiers-lieux, les élus et les agents publics.
Les tiers-lieux comme réponses concrètes aux tensions politiques et sociales
Devenus incontournables, les tiers-lieux sont en très forte progression comme l’a relevé le président de France Tiers-Lieux, Patrick Levy-Waitz interrogé par France 3 Occitanie : « les tiers-lieux ont explosé. Ils ont été multipliés par quasiment 2,5 ou 3. On imagine qu’ils seront près de 5 000 en 2026 et 2027. Ils étaient 1 800, il y a encore trois ans. Au fond, c’est l’expression d’un besoin de se retrouver, de faire du collectif, de refaire société ensemble et de faire ensemble un certain nombre d’activités en proximité ». Les tiers-lieux se dressent comme des espaces d’espoir et de solutions. Ils incarnent une réponse concrète aux divisions qui déchirent notre société en offrant des lieux de dialogue, de coopération et de création collective. Ce sont des lieux où se retisse le lien social, où l’on réapprend à faire ensemble dans un climat de respect mutuel.
À propos du devenir de France Tiers-Lieux
En septembre 2022, France Tiers-Lieux est devenu un Groupement d’intérêt public qui réunit 6 membres fondateurs à son démarrage : L’État, représenté par 5 ministères : les ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, du Travail, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, des TPE/PME, de la Culture ; l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; l’Association Nationale des Tiers-Lieux. Le groupement s’est donc donné en 2022 pour objet d’appuyer l’émergence, le développement et la pérennisation des tiers-lieux en France. De 1 800 dénombrés en 2018, ils sont près de 3 500 aujourd’hui.
Pourtant le nouveau gouvernement semble sonner le glas de la politique publique des tiers-lieux ?
Véritable phénomène de société, le mouvement des tiers-lieux est composé d’acteurs qui apportent en hyper-proximité des réponses aux enjeux de notre société : acteurs de la transition écologique, du réemploi, des circuits-courts, de la relocalisation de la production, de la transition numérique, de l’accès à une alimentation locale, durable ou encore de la démocratisation des pratiques culturelles … Malgré cela il apparait que le nouveau gouvernement veut réduire drastiquement la part du budget alloué à cette politique publique. Le projet de loi de finances 2025 annonce en effet 2,5 millions d’euros pour la politique publique des tiers-lieux, soit une baisse de 75 % par rapport à la loi de finance initiale qui prévoyait d’allouer 18 millions d’euros ! Au-delà du budget propre alloué à cette politique publique, d’autres budgets annexes prévoient d’être coupés à l’instar de ceux pour l’ESS mais aussi les 5 milliards d’économie auprès des collectivités territoriales sans compter les autres coupes sur la formation professionnelle, la culture, etc.
En quoi réduire (voire annuler) la politique publique de soutien aux tiers-lieux va-t-elle contribuer aux 60 milliards d’euros d’économie recherchés ? A-t-on mesuré le coût social et économique de la fragilisation des tiers-lieux, pour celles et ceux qui les fréquentent pour répondre au quotidien à leurs besoins de lien social, de numérique éthique, de commerce solidaire de proximité, d’accès aux soins et à une alimentation saine ?
Makery soutient la mobilisation pour alerter les députés et les sénateurs afin d’au moins maintenir les crédits à 13 millions d’euros, comme en 2024. Il faut absolument continuer de rappeler l’utilité sociale des tiers-lieux, aux côtés des autres acteurs de l’économie sociale et solidaire, des transitions écologiques, des droits culturels, de la solidarité et de l’inclusion. C’est essentiel pour que la visibilité des tiers-lieux partout sur les territoires, appuie le plaidoyer porté auprès des élus.
C’est pourquoi nous vous invitons, bénévoles, salarié.e.s, contributeur.ice.s, soutiens des tiers-lieux, à signer et faire circuler la tribune de l’association nationale des tiers-lieux. #AssociationNationaledesTiersLieux