Depuis 12 ans, Ultra défend un design libre et inclusif pour favoriser l’autonomie du plus grand nombre. Une philosophie que l’association insufflera aussi à Artlabo Retreat, événement d’une semaine sur l’île de Batz, co-organisé du 5 au 11 juin 2023 avec Makery dans le cadre du programme Rewilding Cultures.
Depuis 2011, Ultra promeut le design libre sur le territoire breton. « Nous avons fondé l’association en se replongeant dans le travail du designer Enzo Mari », retrace Claire Laporte, cofondatrice et directrice artistique de l’association. Avec son projet Autoprogettazione, le designer, architecte et illustrateur italien offrait dès 1974 une intention forte et engagée sur le partage des objets et sur la signification politique de construire soi-même. Dans la galerie qui accueille sa performance, il offre à son public des plans pour construire en deux jours du mobilier en bois pour toute la famille. « J’ai pensé que si les gens étaient encouragés à construire de leur main une table, ils étaient alors à même de comprendre la pensée cachée derrière celle-ci », expliquait-il alors de sa démarche. Une édition de ces plans est toujours disponible.
50 ans plus tard, l’Association Ultra poursuit cette vision et la défense du design libre, c’est-à-dire « des connaissances que l’on peut travailler, diffuser et pratiquer, définit Claire Laporte. Nous voulons lever l’abstraction des objets et regagner en autonomie dans le savoir-faire ». Un discours qui aujourd’hui fait son chemin mais était encore minoritaire lors du lancement d’Ultra, précise la cofondatrice. Des associations comme Le Collectif Etc ou Entropie diffusaient alors ces idées, « mais nous étions très peu nombreux ». Inspirée par ces précurseurs, Ultra construit sa propre programmation. Celle-ci est conçue sur le temps long avec des projets de trois ans, période pendant laquelle l’artiste invité bénéficie d’une résidence de recherche, une résidence de production et une exposition. « On se pose la question comment faire émerger des formes innovantes dans d’autres contextes qui ne sont pas ceux de l’art mais ceux du domaine du handicap, des champs de l’économie sociale et solidaire, avec nos structures partenaires. La co-création est chez nous un temps très fort. »
Oasis culturel
Ateliers, stages, projets pédagogiques, formations pour les engagés volontaires en service civique, résidences, expositions et autres événements… le programme est protéiforme et le public vaste. « La programmation de l’Association Ultra s’ancre dans une réflexion tournée vers des pratiques artistiques résilientes, réalisées à une échelle locale ou en micro édition. Nous attirons les curieux, les bricoleurs, les gens qui s’intéressent aux questions des transitions, ceux à la sensibilité écologique. Nous avons des personnes qui aiment l’art contemporain, d’autres qui s’intéressent au design, nous avons aussi un ancrage territorial très fort », se réjouit la directrice artistique. L’inclusivité est au cœur de la pratique de l’association. « Un atelier peut être adapté aux tout petits autant qu’aux personnes en situation de handicap. »
Un lieu d’accueil pour tous, idéalement situé dans une gare, au Relecq-Kerhuon près de Brest, qui tend vers le concept d’Oasis. « Dans sa forme la plus aboutie, une oasis se construit autour de cinq principes fondamentaux, cinq leviers de changement individuel et collectif, définit Ultra sur son site : agriculture et autonomie alimentaire ; éco-construction et sobriété énergétique ; une gouvernance respectueuse ; l’accueil et l’ouverture sur le monde ; mutualisation. » Si Ultra ne prétend pas à l’autonomie alimentaire, elle s’approche de l’oasis culturel, un « lieu de partage et d’ouvrage pour les colibris que nous pouvons être », précise Claire Laporte. Afin de parfaire cette vision, la fondatrice se forme dans des éco-lieux qui portent cet ethos, de La Ferme des enfants de Sophie Rabhi à l’écovillage de Pourgues, dans les Pyrénées.
Retraite archipélique bretonne en collaboration avec Makery
Claire Laporte porte ce design d’autonomie et le partage de connaissance dans le projet que Ultra co-produit avec Makery : Artlabo Retreat, un événement d’une semaine sur l’île de Batz, en face de Roscoff. Cette fois-ci, c’est la « pensée archipélique », théorisée par le romancier, poète et philosophe Édouard Glissant, qui inspire le rassemblement. « Comment travaille-t-on ensemble, vit-on ensemble, fait-on œuvre commune et comment chacun peut embarquer sur une pirogue pour aller à la rencontre des autres ? » La programmation est tournée vers la biologie marine, l’alimentation durable et la cueillette sauvage. Makery et Ultra ont invité artistes, scientifiques et designers pour travailler dans un « mentorat horizontal » avec des groupes d’étudiants, présente la directrice artistique. Ainsi, la designer Camille Bernicot réalisera une carte sensible, à la subjectivité assumée, en collaboration avec les participants mais aussi les habitants de l’île ; l’artiste d’origine hongkongaise Joanna Wong, membre fondatrice du collectif Enoki, partagera sa vision de l’univers culinaire comme support de réflexions politiques ; tandis que le Design Social Club nous invitera à créer des objets biosourcés. Le collectif p-node tiendra quant à lui un atelier radio « les pieds dans l’eau ». Une « communauté de savoirs multiples », présente la directrice artistique, réunie pour inventer une écologie insulaire à partager.
En savoir plus sur l’Association Ultra. Consulter Flatshape, son site de diffusion des ressources de design, ou suivre l’actualité de l’association sur ses pages Facebook ou Instagram.
En savoir plus sur Artlabo Retreat, du 5 au 11 juin sur l’île de Batz. Cette résidence est soutenue par la Drac Bretagne / Ministère de la Culture et de la Communication, dans le cadre du volet Innovation Territoriale.
En savoir plus sur Rewilding Cultures, programme co-financé par l’Union Européenne.