« The Soil Assembly » est un rassemblement international de plantes, de microbes, d’humains, de champignons, d’algues, de graines et d’autres acteurs de la chaîne de la vie, soulignant l’importance de la (bio)diversité et de l’interconnexion de tous les êtres vivants. Elle s’est déroulée du 1er au 5 février 2023 à la Biennale de Kochi-Muziris, dans le sud de l’Inde. Makery résume ici 16 heures de présentations et de discussions inspirantes.
Ce rassemblement hybride en ligne/hors ligne de passionnés des sols était organisé par le Srishti Manipal Institute of Art, Design and Technology (SMI) et encadré par Ewen Chardronnet (rédacteur en chef de Makery), Maya Minder, Neal White et Meena Vari (SMI). En discutant des perspectives de diverses disciplines, The Soil Assembly cherche à inspirer et à éduquer un large public sur des sujets tels que l’écologie des sols, le transport des denrées alimentaires et des aliments pour animaux et leur impact sur le changement climatique, ainsi que sur les « pédagogies vivantes » pratiquées dans les écoles d’art et de design du monde entier. Il s’agit d’une célébration de la diversité des pratiques liées à ces sujets et d’un rappel que tout est lié dans un réseau de vie qui s’étend au-delà des frontières des disciplines et des pays.
Cet article se veut une chronique des trois premiers jours de The Soil Assembly. Elle comprend un bref résumé des 24 interventions des conférenciers et des discussions qui ont suivi. Les jours 2 et 3 ont commencé par des ateliers qui mériteraient certainement leur propre article, le jour 4 a été consacré à plusieurs courts-métrages en rapport avec les sujets, suivis d’une table ronde. Le jour 5 a été marqué par un dernier panel avec les organisateurs pour résumer l’événement et la projection du film « The Mushroom Speaks » de Marion Neumann.
Jour 1, futurismes écologiques et écologies des sols
Geetha Narayanan, fondatrice de l’Institut Srishti Manipal (SMI), a souligné la nature interdisciplinaire de ce rassemblement lors des discours d’ouverture. Elle a également exprimé l’espoir que ce rassemblement marque le début d’un mouvement « visant à construire un monde durable et créatif grâce à nos propres efforts ». Après d’autres introductions inspirantes par les commissaires de l’assemblée, la première série de présentations s’est concentrée sur « Ecological Futurisms », un collectif d’artistes et de chercheurs basé au Centre for Research and Education in Arts and Media (CREAM) à l’Université de Westminster. Le collectif explore l’intersection de l’art et de l’écologie pour imaginer des futurs possibles qui soient durables et justes. Uriel Orlow, Neal White & Tina O’Connell, ont été rejoints par Cédric Carles (Atelier 21) et Vasanthi Dass (SMI). Lors du débat qui a suivi les présentations, le rôle de l’art dans la résolution des multiples crises auxquelles l’humanité est confrontée a constitué un thème central. Les méthodes artistiques peuvent non seulement être utilisées pour rendre la recherche accessible à un public plus large qui ne lit pas les revues universitaires, mais aussi pour élargir l’horizon des scientifiques qui peuvent devenir trop retranchés dans leurs domaines respectifs pour avoir une vue d’ensemble.
La deuxième session de présentations, animée par Elisabetta Rattalino, a réuni des intervenants de plusieurs groupes qui abordent le thème des « Écologies des sols » sous des angles très différents. Malte Larsen a présenté le travail de la mikroBIOMIK Society et de l’association MIYA, en mettant en avant des projets liés à la construction de communautés, à la culture de champignons, aux forêts urbaines et à la régénération des sols. Le public s’est engagé dans une discussion, posant des questions sur les habitats de la faune urbaine, les techniques d’amélioration de la qualité des sols et la lutte naturelle contre les parasites. Un autre sujet important qui a été soulevé concerne la valeur des forêts anciennes et les difficultés liées à la recréation artificielle de ces systèmes à l’aide de la méthode Miyawaki.
L’artiste et philosophe Baruch Gottlieb a présenté DISNOVATION.ORG, un collectif de recherche international qui travaille à l’intersection de l’art contemporain, de la recherche et du hacking. Ses activités visent à rendre plus tangibles des questions complexes à grande échelle, telles que l’abandon des combustibles fossiles dans le contexte du changement climatique. La présentation de Baruch s’est concentrée sur le projet « Life Support System », une installation composée d’une « ferme » de 1 m2 qui donne à voir tous les intrants nécessaires à la culture du blé dans un environnement contrôlé. Le système produit environ 500 g de blé tous les 90 jours avec des coûts d’intrants compris entre 200 et 600 euros. Le projet vise à souligner l’importance des services écosystémiques fournis par des sols sains, la pluie, le soleil, le vent, etc. – et conclut que la culture d’aliments de base dans des systèmes artificiels n’est pas une entreprise raisonnable. La discussion s’est poursuivie sur cette voie en soulignant l’impasse dans laquelle notre « mode de fonctionnement du capitalisme du désastre » [Baruch] actuel nous a conduits, et le défi de trouver des voies alternatives pour une production alimentaire plus durable.
La présentation suivante a été faite par Anne-Laure Franchette, une artiste basée à Zurich avec une formation en histoire de l’art et en beaux-arts. En tant que membre de TETI (Textures et Expériences de la Trans-Industrialité), elle a présenté un bref résumé de plusieurs projets du groupe, y compris une revue de leur récente publication Mobile Soils. Ce recueil d’essais examine le rôle du sol en tant que matériau et récit dans nos territoires interconnectés, tout en réfléchissant aux pratiques des auteurs et aux pressions écologiques auxquelles nous sommes actuellement confrontés. Au cours de la discussion, le terme « mobilité » a été approfondi, ainsi que le concept des ateliers et des dîners qui accompagnaient la publication du livre.
Le dernier exposé de cette session a été présenté par Dharmendra Prasad, qui a raconté l’histoire de la zone humide de Deepor Beel dans l’Assam, en Inde. Traditionnellement utilisés pour la pêche et l’agriculture, les marais, lacs et rivières de la région sont aujourd’hui confrontés à une industrialisation croissante. Dans une série de dessins accompagnés de courts textes, Dharmendra adopte le point de vue de la zone humide elle-même, d’un poisson, d’une rivière qui y contribue et d’un agriculteur qui travaille les sols inondés de façon saisonnière. En utilisant cette zone humide comme exemple, il met en évidence la contradiction entre ce qu’il appelle la « notion écologique du temps » et la « notion industrielle du temps », avant d’examiner la relation entre la connaissance, le pouvoir et l’agriculture. L’exposé s’est conclu par une brève présentation des activités du « collectif kNOw School », qui organise des ateliers avec des enfants de communautés rurales. Le débat a permis d’approfondir les concepts d’enseignement qui n’impliquent ni syllabus, ni hiérarchie, ni groupe d’âge, et de discuter de la distinction entre l’extraction et la construction des connaissances dans différents environnements d’apprentissage.
Jour 2, communautés et pédagogies
Le deuxième jour de Soil Assembly a commencé par deux ateliers : le premier, intitulé « Living Sculpture » et animé par Kush Sethi et Aastha Chauhan, invitait les participants à construire une sculpture à l’aide d’objets trouvés ou recyclés, de graines et de plantes sauvages. L’atelier avait pour but d’entremêler le paysage existant et les sculptures créées avec des histoires du passé et de l’avenir. L’atelier « Placing Arts with Food and Agri-Culture » de Suresh Kumar s’est concentré sur les méthodes d’agriculture et de jardinage indigènes. Il a permis aux participants de se rapprocher de la communauté locale et de son environnement tout en intégrant les systèmes alimentaires aux arts et à la culture.
La première série de présentations de l’après-midi était consacrée au thème des « Projets & communautés vivantes » et a débuté par une initiative indonésienne, appelée « MotherBank ». Ismal Muntaha, Bunga Siagian et George Clark ont présenté l’idée de parvenir à l’autonomie financière et à l’action collective grâce au leadership des mères d’une communauté. Plus qu’une simple banque alternative, le projet a permis d’accroître l’autosuffisance de la production alimentaire locale et de créer un marché régional pour échanger les excédents. Les résidences et autres événements organisés par les membres de la MotherBank elle-même ont servi d’outil d’autonomisation et de méthode de diffusion des pratiques dans d’autres régions d’Indonésie. En outre, à l’initiative des mères participantes, un groupe s’est constitué et parcourt actuellement le pays. La discussion a porté sur l’importance de soutenir les communautés rurales et de les rendre plus résistantes aux effets du changement climatique, d’une part, et à la pression violente de l’industrialisation, d’autre part.
La session s’est poursuivie avec le Laboratory for Ecology and Aesthetics représenté par Dea Antonsen et Aziza Hamel, qui se sont concentrées sur leur projet d’exposition actuel « Hosting Lands ». Ce projet d’exposition rurale décentralisée, qui en est encore à ses débuts, implique de nombreux partenaires internationaux et vise un engagement à long terme. Les artistes et les collectifs qui y collaborent s’engagent dans diverses formes d’activisme qui soutiennent la transformation sociale résiliente et la protection directe de la terre et de ses habitants. La discussion qui a suivi a porté, entre autres, sur les différentes approches de la relation à la terre au-delà de l’idée capitaliste de la propriété.
Ravi Agarwal a présenté le projet The Sea of New Sands, qui porte sur son engagement de quatre ans auprès d’une communauté locale de pêcheurs sur la côte du Tamil Nadu, en Inde. De courtes scènes tirées de deux films issus du projet comprenaient des poèmes anciens sur le lien entre l’amour et le paysage. Ravi a contextualisé ces poèmes avec des images qui montrent comment ce paysage est modifié par l’élévation du niveau de la mer et les efforts assidus déployés pour la contenir. Il ne se contente pas de mettre en lumière les luttes d’une communauté en transition, mais soulève des questions sur la justice environnementale et la justice pour les multiples espèces. Loin de romancer les communautés traditionnelles et leurs hiérarchies sociales, Ravi nous encourage à nous inspirer de leurs modes de vie pour naviguer dans notre propre transition loin des pratiques destructrices.
En tant que dernier intervenant de la session, Vivek Vilasini nous a donné un aperçu de son travail artistique, ainsi que de l’importance de la permaculture dans la création de sa forêt nourricière en 2008. Il a décrit son parcours personnel depuis la lecture de « La Révolution d’un seul brin de paille » de Masanobu Fukuoka et d’autres auteurs jusqu’à l’apprentissage du concept de culture multicouche, de biochar et d’inoculants microbiens. Au cours du débat qui a suivi, les participants ont exploré une série de questions stimulantes, notamment ce que le concept de « nature » signifie pour différentes personnes et l’idée d’un « inconscient écologique ». La discussion a également abordé les questions de l’oppression et de la lutte, l’importance de reconnaître les différences entre les expériences historiques et la nécessité (mais aussi les dangers) de développer un langage commun pour la communication autour de l’écologie.
La deuxième série de présentations a porté sur le thème des « pédagogies vivantes ». Pauline Gillard de l’école d’art de Belfort a présenté « Les Jardins Suspendus », un projet expérimental et participatif d’agriculture urbaine. En collaboration avec ses étudiants, Pauline a réaménagé plusieurs jardins, notamment en créant un étang, en installant des ruches et en plantant des arbres. Le projet comprend également des ateliers de botanique et de jardinage qui visent à rapprocher les participants des systèmes écologiques qui les entourent.
Les jardins suspendus:
Xavier Fourt représentait le collectif Bureau d’études et a parlé principalement de la Ferme de la Mhotte, un projet social à la croisée de la culture, de l’agriculture et de l’éducation en Allier. La communauté fonctionne grâce à un système auto-organisé de conseils et d’assemblées, tout en rejetant la propriété individuelle. En explorant les concepts d’économie solidaire et de structures d’apprentissage ouvertes, le projet sert de plateforme expérimentale pour la vie rurale et l’agriculture. Xavier a souligné l’importance de la subsistance en tant que forme d’art et espère inspirer la croissance de petites exploitations agricoles durables, non seulement en France, mais dans le monde entier. La discussion a porté sur leur participation au Territoire-école des Vallées du Chamarron où se trouve la Ferme de la Mhotte, sur la nature dynamique d’un programme d’études dans les pédagogies vivantes, sur l’interdisciplinarité dans l’enseignement de l’art et du design et sur la cartographie non anthropocentrique.
L’exposé suivant a présenté The School of Soil Futures, une initiative en ligne visant à soutenir la justice sociale et écologique dans le monde entier. Des artistes, des militants écologistes et d’autres praticiens y partagent leurs connaissances et surtout leurs pratiques de la vie quotidienne au sein de leurs communautés et environnements respectifs. Représentés par Anna Santomauro, de l’organisation britannique Arts Catalyst, ainsi que par Gatari Kusuma et Sanne Oorthuizen, du collectif indonésien Struggles for Sovereignty, les intervenants ont abordé différents aspects de leurs activités et de leur impact sur les questions écologiques auxquelles sont confrontés les participants. La perspective indonésienne met en lumière la lutte pour l’autodétermination sur les ressources essentielles au milieu de la crise écologique et des influences capitalistes. Au cours de la discussion, les participants ont exploré les avantages et les obstacles de la collaboration à distance par le biais de la communication en ligne. En outre, la décision d’utiliser le terme « école » dans le titre de l’initiative a été remise en question et discutée.
Une approche très inspirante de l’éducation à la nature a été présentée par Kush Sethi, un jardinier écologique et un collecteur de plantes sauvages qui travaille dans la méga-métropole de New Delhi. Il a raconté comment il s’est intéressé à la nature sauvage et à la lutte pour la préservation de différents types d’environnements naturels. Préoccupé par l’impact du changement climatique et inspiré par la résilience des écosystèmes forestiers, Kush a développé des stratégies pour encourager les gens à s’immerger totalement dans la nature et à en faire l’expérience avec tous leurs sens. Des promenades en forêt au clair de lune à la recherche de nourriture et à la cuisine en milieu urbain, les activités ont de plus en plus fusionné avec des pratiques artistiques. Au fil des ans, d’autres projets ont vu le jour : la création de petits jardins urbains imitant certains aspects des écosystèmes sauvages et des approches pédagogiques créatives avec des étudiants en art et en design.
Le dernier exposé de la soirée, présenté par Nora Hauswirth de Tera Kuno, portait sur l’agriculture durable et le travail communautaire près de Manaus, au Brésil. Bien que situés dans l’un des écosystèmes les plus productifs du monde, les habitants de Manaus et d’autres villes du bassin amazonien consomment principalement des aliments importés d’autres régions du Brésil. En collaboration avec l’agroécologiste Emerson da Silva, le projet Arte & Escola Na Floresta soutient les pratiques indigènes de production alimentaire et les associe à l’agroforesterie. En intégrant des arbres dans la production agricole, on imite un écosystème forestier, ce qui présente divers avantages pour la production d’aliments biologiques. Par le biais d’ateliers et d’activités collectives, ils ont réussi à attirer la population urbaine de Manaus dans les paysages ruraux qui l’entourent et à la mettre en contact avec différents aspects des écosystèmes naturels et de la production alimentaire.
Le débat d’experts a fait ressortir diverses perspectives sur la pédagogie et les tactiques permettant de combler le fossé entre les communautés urbaines et rurales. La question de la négligence des entités non humaines dans les conversations et de la propagation involontaire ou intentionnelle des espèces végétales sur les différents continents a également été abordée.
Troisième et dernier jour du symposium : communautés et transport alimentaire
Le troisième jour de Soil Assembly, les participants ont eu l’occasion d’approfondir les pratiques artistiques autour du sol et des plantes en rejoignant les ateliers de Kush Sethi, Aastha Chauhan et Suresh Kumar. Ils ont pu approfondir les activités de la veille ou commencer quelque chose d’entièrement nouveau, mais toujours en faisant l’expérience de ces pédagogies vivantes qui ont été discutées avec tant de passion auparavant.
De retour dans la salle de réunion, Ewen Chardronnet a présenté le thème « Transport alimentaire, changement climatique et commerce maritime ». Il a souligné la grande accélération et la mondialisation qui se sont produites depuis les années 1950, et l’immense contribution de notre système actuel de production alimentaire aux émissions de gaz à effet de serre. Ewen a ensuite résumé une étude récemment publiée montrant que les émissions attribuées au transport des denrées alimentaires sont beaucoup plus élevées que ce que l’on estimait jusqu’à présent. Environ 90 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation peuvent être attribuées au seul transport. Il a également abordé la question du gaspillage alimentaire dans les transports et exploré des stratégies visant à réduire l’impact du transport alimentaire sur le changement climatique, notamment en consommant des aliments cultivés localement et de saison.
Suresh Kumar, qui animait également l’un des workshops, s’est ensuite plongé dans les défis de la production alimentaire locale à Bangalore, en Inde. Au cours de sa présentation, Suresh a montré une vidéo d’une ferme locale située à la périphérie de la ville, qui cultive une gamme variée de légumes biologiques à l’aide de semences traditionnelles. Il a ensuite présenté son initiative, Sarjapura Curries, qui se concentre sur la production de légumes hyperlocaux et de plantes sauvages comestibles et qui est également impliquée dans la construction de la communauté. Il a examiné comment les mouvements de population entre les continents entraînent le déplacement des semences et des plantes et comment la production de cultures commerciales affecte la flore locale et la production de légumes. Les effets ne se manifestent pas seulement par un changement de régime alimentaire, mais aussi par la disparition des semences indigènes et le remplacement des anciennes variétés par des hybrides qui conviennent au système économique et social capitaliste moderne. C’est pourquoi Suresh préconise fortement l’utilisation de semences locales héritées pour l’agriculture biologique. La discussion a porté sur les avantages d’une alimentation saine et sur l’importance de faire circuler les connaissances sur les plantes comestibles et médicinales au sein des communautés. L’une des anecdotes racontées par Suresh illustre parfaitement un problème central de notre époque : alors qu’il archivait des recettes traditionnelles, il a remarqué que les instructions avaient survécu, mais que les ingrédients n’étaient plus disponibles.
Suresh Kumar à propos de Sarjapura Curries:
L’histoire très personnelle de Suresh a été suivie d’une présentation de Gabriel Gee, qui a cofondé le groupe TETI et a participé à l’édition du livre Mobile Soils, qui a été présenté le premier jour de Soil Assembly. Gabriel a décrit les difficultés qu’il a rencontrées en essayant d’acheter du poisson local dans plusieurs villes portuaires européennes et les perversions sous-jacentes produites par un système de marché axé sur le capital. En prenant l’exemple du cabillaud de l’Atlantique et du calamar du Pacifique, il a montré que la cuisine côtière traditionnelle ne peut plus être soutenue par le poisson pêché localement et qu’elle dépend donc fortement du transport à longue distance. Gabriel a ensuite présenté plusieurs projets du TETI portant sur la recherche artistique, le dialogue culturel, les routes de migration des recettes traditionnelles et les conteneurs d’expédition en tant que canaux de connectivité.
Rob La Frenais a commencé son exposé en évoquant l’histoire de sa propre famille, descendante d’immigrés français venus en Inde au XVIIIe siècle, et le cercle étrange qu’il a fait en vivant aujourd’hui en France. Il a ensuite présenté le projet Future of Transportation, en commençant par son histoire à l’Institut Srishti Manipal. Le projet ne porte pas sur le transport des denrées alimentaires, mais plutôt sur la réalité hautement problématique de la mobilité humaine et sur une variété d’interventions artistiques autour de ce thème. Rob n’a pas seulement présenté des travaux réalisés par lui-même, mais aussi d’autres projets liés au sujet, comme le véhicule rétro-futuriste SEFT-1 qui a été construit pour récupérer les réseaux ferroviaires abandonnés au Mexique et le voyage de Naveen Rabelli dans son tuk-tuk à énergie solaire de l’Inde au Royaume-Uni (lire l’ article de Makery).
Le dernier exposé de cette session a été donné par Tim Boykett, qui a présenté l’organisation Time’s Up et a repris l’introduction d’Ewen sur les questions écologiques et sociopolitiques liées au transport des denrées alimentaires. Il a fait valoir que les carburants alternatifs, l’augmentation de l’efficacité et l’amélioration des systèmes d’acheminement ne suffisent pas à résoudre les problèmes fondamentaux de notre système de transport actuel. Pour proposer une solution tangible, Tim a présenté six voiliers de transport de marchandises actuellement en service et plusieurs projets de transport sans émissions en cours de développement. Il a également examiné le potentiel de mise en place d’un réseau commercial de cargos à voile autour de l’océan Indien.
Au cours du débat, les participants ont approfondi la faisabilité économique des transports neutres en carbone et les politiques nécessaires pour encourager la multiplication de ces initiatives. En outre, ils ont exploré l’art du jardinage, de la préparation des aliments et du transport, en soulignant leur lien avec les principes de la permaculture et le travail communautaire.
La dernière session de Soil Assembly a approfondi le thème « Projets & communautés vivantes », déjà abordé le deuxième jour. La session a commencé par une présentation d’Aastha Chauhan de l’Institut Srishti Manipal, qui a parlé de radio communautaire en mettant l’accent sur un projet dans l’Uttarakhand, en Inde. Elle a souligné le lien philosophique du projet avec l’activisme régional, comme le mouvement « Sauvez les semences » et la protestation contre la construction du barrage de Tehri. La région est confrontée à de nombreux défis, tels que de graves incendies de forêt, l’affaissement des terres dû à de grands projets de construction, le changement climatique et la migration urbaine. Aastha a examiné comment la radio communautaire contribue à résoudre bon nombre de ces problèmes en connectant et en unissant la population rurale, en diffusant des informations dans des zones autrement isolées et en offrant des possibilités d’éducation. Il est intéressant de noter que la plupart des bénévoles qui travaillent pour la radio sont également des agriculteurs qui apportent leur nourriture et leurs semences à la station, contribuant ainsi à l’échange de pratiques et à l’autonomie alimentaire.
La présentation suivante a porté sur le pouvoir de la narration et sur la manière dont le projet A Growing Culture l’exploite pour construire une solidarité mondiale et remettre en question les faux récits qui nous ont conduits à la situation désastreuse à laquelle nous sommes actuellement confrontés. Loren et Rohan nous ont rappelé que nous produisons plus de nourriture qu’il n’en faut pour nourrir la population mondiale, mais qu’un milliard de personnes souffrent encore de la faim. Toutefois, il ne s’agit là que de la partie visible du problème, qui ne peut être résolu sans s’attaquer aux questions sous-jacentes telles que l’inégalité et la mentalité extractiviste des systèmes néolibéraux. Il est donc urgent de repenser et de reconstruire notre système alimentaire tout en réévaluant notre rôle dans l’écosystème.
Marc Dusseiler de Hackteria a parlé de l’histoire de la recherche collaborative du réseau et des activités de ses nombreux partenaires internationaux. Il a souligné les influences qui ont façonné sa façon de penser et la manière dont il comprend les termes « science ouverte » et « transdisciplinarité radicale ». Après avoir présenté divers projets réalisés au cours des dix dernières années dans ce contexte, il s’est concentré sur une initiative internationale et interdisciplinaire récente appelée UROŠ (Ubiquitous Rural Open Science Hardware).
Représentant Food Culture Days, Margaux Schwab a parlé de son expérience dans l’organisation d’événements axés sur le lien intrinsèque entre l’alimentation et l’écologie. Elle cherche à impliquer le public dans des questions telles que la relation avec la nature, les semences, l’eau, la terre, l’air et l’identité culturelle. Outre les expositions et les performances, Margaux organise un événement biennal qui réunit des artistes, des scientifiques, des agriculteurs, des cuisiniers et d’autres experts pour aborder l’alimentation en tant que sujet de recherche et outil d’interaction.
À la fin de la journée, nous avons finalement eu assez de temps pour discuter de toutes les questions soulevées lors des présentations : comment la gouvernance communautaire améliore la santé des sols et la biodiversité ; comment de nouvelles idées d’ateliers et de boîtes à outils sont développées de manière ludique lors de rassemblements temporaires ; pourquoi l’imagination est un élément important du changement ; et bien d’autres choses encore. La discussion s’est enflammée autour de la question de savoir comment les mouvements environnementaux et sociaux se rapportent au « sol » et à la « terre », compte tenu des histoires complexes et des émotions associées à ces termes.
The Soil Assembly s’est poursuivie le lendemain avec la projection de plusieurs courts-métrages, sélectionnés par Vasanthi Maria Dass, suivie d’une table ronde. Le dernier jour, les organisateurs ont résumé l’événement lors d’un panel final et la soirée s’est achevée avec le film de Marion Neumann The Mushroom Speaks.
Le site web Soil Assembly (vidéos complètes des présentations et des tables rondes).