Adam Zaretsky est un artiste américain pratiquant en wet lab qui mélange écologie, biotechnologie, relations non humaines, performance corporelle et gastronomie. Quatrième essai de sa série estivale de textes spéculatifs, où il propose une « Philosophie dans le boudoir biologique, ou Prélude pour humains transgéniques ».
En considérant que certains médecins non orthodoxes sont déjà en train de travailler sur le clonage d’organismes humains, on ne peut s’empêcher de croire que l’espèce humaine sera bientôt capable de prendre en main sa propre évolution biologique.
En supposant que nous en avons déjà les moyens, devons-nous modifier le génome humain, et de quelle manière ? Ceci est une question de politique éthique, mais également d’art et d’esthétique. Il semble que beaucoup de nos philosophes qui discutent des enjeux des Orgies de modifications génétiques héréditaires (OMGh) disent plus ou moins les mêmes choses que les escrocs de l’éthique et leurs partenaires commerciaux. L’édition permanente et sur plusieurs générations du génome humain est une étape urgente et formidable de la techno-reproduction. Derrière le jargon et les détails qui embellissent la façade de la théorie pure et professionnelle, les idées sont très similaires.
Nous avons donc :
– Les Utilitaristes sous bonne protection : les camps opportunistes d’éthique pragmatique, qui cherchent à éviter les procès ;
– Les Futuristes naïfs : les camps de l’optimisme têtu, qui n’ont aucun sens des gros échecs, du techno-idéalisme, des cultes de la singularité, du transhumanisme Just do it ;
– Les Réjectionnistes : ceux qui sont contre les abominations d’OGM humains en tant que crimes de guerre pitoyables, la maltraitance des enfants qui ont subi la torture, les a-humains qui déstabilisent l’environnement, les spécimens de laboratoire étrangers, les migrants invasifs à handicaps divers introduits purement pour servir de sujets dans de futurs camps porno-meurtriers.
Cet essai fouille au-delà de la technicité, et examine l’esthétique de la sculpture génétique dans les possibilités de reproduction humaine. La philosophie dans le boudoir biologique est une guerre de mots capiteux, portée à une idéation extrême et fleurie, avec un degré zéro de séparation émo-textuelle. Le chœur intellectuel de l’Humain 1.0 nous renseigne et nous apporte quelques néologismes, de la turpitude ironique, et peut-être même, de manière baroque, de quoi réfléchir. Une discussion autour de la re-conception héréditaire de l’anatomie humaine, des attributs physiologiques et cognitifs en tant que mouvement artistique et esthétique, apporte de nouveaux points de vue au débat philosophique. L’esthétique de l’altérité mutagène intentionnée, le jeu d’ombres entre les meilleures et les plus mauvaises intentions, les séminaires d’orientation de produit, tous ne font que présager les humains transgéniques vivants des OMGh. Cet essai est dédié à toutes les générations destinées à vivre, à incarner et à réfléchir en tant qu’Art de procréation médicalement assistée (APMA).
Il suffit pour l’instant de préciser que, en ce qui concerne la prochaine époque, la politique de l’espèce sera décisive : si oui ou non l’humanité (ou du moins sa faction culturelle décideuse) sera capable de trouver un moyen efficace de se dompter elle-même. La culture contemporaine est en train de vivre une bataille titanesque entre nos pulsions civilisantes et bestialisantes et les medias associés. Il est certain que tout succès en matière d’apprivoisement serait étonnant, étant donné la vague sans précédent de développements sociaux qui semble irrésistiblement éroder les inhibitions. Reste à savoir si ce processus entraînera une réforme génétique de l’espèce, si l’anthropotechnologie présente annonce une détermination future explicite des caractéristiques, si l’espèce humaine ira vers la transformation de la fatalité des décès à la naissance en une optimisation des naissances et une sélection prénatale. C’est ces questions, qui à l’horizon de notre évolution, toujours aussi flou et risqué, commence à poindre.
La technologie utilisée pour la modification génétique héréditaire (MGH, ou édition génétique des cellules germinales) est en place. Il existe des scientifiques qui sont déjà capables et partants pour ajouter des caractéristiques afin d’augmenter la santé, le bonheur, la nouveauté et la libido. Le seul inconvénient, c’est de choisir le bon moment. Les agents des relations publiques attendent justement le moment opportun pour engager le public dans l’actualisation d’un rêve ou d’un cauchemar majeur. « On dit que le but de l’éthique, c’est de ralentir le débit des événements. Confronté à l’accélération générale des phénomènes dans notre monde hyper moderne, ce freinage de conscience semble assez peu convaincant. » Nous en sommes encore à la phase où parler de la vie re-conçue implique une discussion éthique suite à la « détermination étrangère » d’une « vie prépersonnelle ». Cela suppose qu’il n’existe pas actuellement d’humains transgéniques parmi nous. Sur ce point, je voudrais juste lever le doigt pour signaler la crédulité du public. La technologie est dans les usages depuis des années, des embryons transgéniques non viables ont été fabriqués et rendus publics. On se demande donc quelle forme de progéniture transhumaine est en train d’être préparée en secret, et par qui.
Dans une déclamation d’anti-nihilisme quasi nihiliste, la voix aiguë du philosophe Paul Virilio ne contribue guère à convaincre le public quant à cette nouvelle technicité de l’humain. Son article déclamatoire « Un art sans pitié » est un exposé déchaîné du sacrilège et de la honte sur lesquels nous embarquons. Il demande ce que sera ou ne sera pas l’édition génétique germinale. « Démontrer ou “monstrer”, telle est la question : qu’il s’agisse de pratiquer une sorte de démonstration esthétique ou éthique, ou de pratiquer le lavage de toute “nature”, toute “culture” à travers l’efficacité technique d’une simple “monstration”, un spectacle, une présentation flagrante de l’horreur », Virilio est convaincu que la reprogrammation biotechnologique de notre génôme mondial revient à vénérer le culte repro-fasciste qui ramène et associe la science à la saleté de l’art corporel extrême. « Thanatophilie, nécro-technologie, et bientôt un jour, tératologie… Cette transe génétique est-elle encore une science, une nouvelle alchimie quelconque, ou s’agit-il d’un art extrême ? »
La science comme film snuff
Le fait de considérer la science comme un art extrême est-il vraiment un insulte ? Le spectre de s’impliquer dans la scène de l’art corporel menace-t-il d’écarter les scientifiques du plaisir du graffiti génomique ? L’avis de Jürgen Habermas s’approche de celui de Virilio, tout en étant plus restreint dans son livre L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral : « Le choix irréversible que fait une personne en ce qui concerne la constitution désirée du génome d’une autre personne initie une relation entre ces deux individus qui menace la précondition pour la compréhension morale de soi d’acteurs autonomes. » Ceci ne semble nullement troubler les avant-gardistes de la biotechnologie. Est-ce la notion que « le moteur incessant du développement biotechnologique, et non pas les visions naturalistes du monde, ébranle les présupposés naturels (et par conséquent moraux) d’une forme de moralité dont personne ne veut critiquer explicitement », dû au fait que « la biotech n’a pas d’anxiété vis-à-vis du corps » ? Ou est-ce simplement que certains estiment que l’on confie trop aux destins de Cupidon et des phéromones ? Il y a les idéologues optimisto-extropiens qui se sentent plus en sécurité dans la technologie que dans le tendre tinder actuellement en place, qui consiste à perpétuellement « se reproduire sans reproducteur, une dérive bioculturelle sans agent ». Est-ce vraiment mal de pratiquer la sélection uniquement sur la quête de beaux culs lors de tripotements à tâtons dans l’obscurité de la luxure irrationnelle ?
Comment l’édition ou le collage de caractéristiques dans des blastulas pluripotentes diffère-t-elle de nos autres diverses formes d’expression sexuelle ? Eugene Thacker, dans son article « Life Resistance and Tactical Media » ajoute un troisième terme, la machinerie de notre chair, au duo dynamique du travail mort de Marx et « notre travail immatériel actuel… nous avons maintenant un “travail biomatériel” par lequel la biologie reproduit la biologie dans un contexte industrialisé ».
D’où la riposte de Virilio : « On ne fait pas de la littérature avec du sentimentalisme, disent-ils. Et ils ont sans doute raison. Mais jusqu’où allons-nous dans l’autre sens ? Jusqu’à la LITTÉRATURE SNUFF, où le conformisme de l’abjection innove un académisme de l’horreur, un spectacle officiel de l’art macabre ? »
Il s’agit ici d’humour noir MGH, valeur ajoutée en motif moiré brassé en avance dans les vagues annulaires de la culture populaire. La culture de masse fétichise déjà l’horreur et le snuff du fait de la marchandisation de la chair industrialisée et des aspects morts-vivants du métabolisme. Même si « les morts-vivants sont semi-vivants, ce qui implique que la transgénétique est semblable à la culture de tissus dans le sens où, bien que la transgénétique puisse s’appliquer à l’organisme tout entier, l’injection informatique réduit cet organisme vivant à un état semi-mort, où il est industrialisé ou réinjecté dans la production pour un usage enzymatique ». Lorsque le corps est programmé pour exprimer des caractéristiques acquises, il agit à la fois en tant que corps vivant et une sorte de machine matérialiste.
Ce que le travail biomatériel (ou le travail mort-vivant) a d’unique, c’est que vous ne vous en rendez pas compte, ou seulement partiellement : votre corps continue à produire des enzymes à la chaîne. Allons-nous trop loin en disant qu’il s’agit là de la « zombification de la biologie » ?
L’article de Peter Sloterdijk, « Règles pour le parc humain » oscille entre le sérieux absolu et la raison post-cynique hyper pince-sans-rire, proposant tour à tour avertissements et soutien de la reprogénétique : « Pour le lecteur moderne, en reconsidérant le gymnase humaniste de l’Etat bourgeois et l’eugénisme fasciste qui auguraient déjà l’ère de la biotechnologie, le caractère explosif de ces considérations est inévitable. » Cette citation semblerait être en accord avec les avertissements effrénés de Virilio contre une avancée nonchalante vers une réduction morale sans pareil. Selon lui, « Ayant brisé les tabous de la culture bourgeoise suffocante, maintenant on est supposé brisé l’être, l’unicité de l’humanité, à travers l’explosion imminente d’une bombe génétique qui sera à la biologie ce que la bombe atomique était à la physique. » Sloterdijk poursuit la controverse dans le même article, d’un ton moins platoniste infernal, en défendant l’élitisme germinal.
Bref, l’anthropotechnologie royale exige à l’homme d’état qu’il sache comment réunir les gens libres mais influençables afin de faire ressortir les caractéristiques les plus avantageuses à l’ensemble, pour que sous sa direction, le zoo humain puisse réaliser l’homéostasie optimale. Ceci arrive lorsque deux optima relatifs de caractère humain, de courage guerrier et de contemplation humaniste philosophique sont tissés ensemble dans la tapisserie de l’espèce.
Reste à savoir si Sloterdijk cherche à sauver l’humanisme de l’archive ou simplement à euthanasier notre débâcle anthropocentrique déjà bredouillant avec des ruses de reproduction technologique qui reposent sur des vénalités aristocrates archaïques. Vu à travers le prisme de la pratique artistique, ce débat philosophique sur la MGH prend une toute autre guise. Virilio semble le savoir, en affirmant que la MGH est essentielle pour dissoudre complètement toute trace de témérité.
Grâce au déchiffrage du génome humain, les généticiens se servent actuellement du clonage dans la quête du chimère, l’hybridisation de l’humain et de l’animal. Comment peut-on ne pas voir que ces « extrémistes scientifiques », loin de se contenter de menacer l’unicité de la race humaine avec le trafic d’embryons, s’attaquent à toute la panoplie philosophique et physiologique qui donnait auparavant à la SCIENCE sa propre signification ? En agissant ainsi, ils menacent de faire disparaître la science même.
Habermas répond avec une conjecture posthumaniste. Si nous allons promouvoir l’édition germinale de l’humain, il faudrait au moins que nous passions en revue un méta récit dangereux qui désavoue toutes les suppositions morales en demandant :
Pourquoi les sociétés complexes ne lâchent-elles pas simplement et entièrement leurs fondations normatives, pour se convertir à des mécanismes de pilotage systémiques (!) (ou à l’avenir, biogénétiques) ? Il n’existe pas d’argument issu du jeu de langage moral contre un auto-détournement de l’espèce humaine qui puisse changer les règles mêmes du jeu.
Habermas ne propose pas que nous devrions éliminer les jeux de langage moral, mais simplement les automatiser pour coincider avec les diverses possibilités offertes par la palette des bio-options. Sa proposition est théorique, faite pour montrer les échecs de l’exposition de corps transgéniques. Nous attendons de voir cette expo ouvrir dans les centres d’achat d’ici la fin du siècle. Quant à Thacker, il se peut qu’il soit en train d’écarter la bioéthique, d’une façon Deleuzo-Spinoziste (voire transhumaniste) lorsqu’il demande avec moins d’ironie : « comment peut-on développer des modes d’évaluation et de contestation de “la vie elle-même” sans recourir à des paradigmes économiques ou, pire, moraux ? » Bien que banal, le dilemme philosophique de Thacker sur comment aborder la vie de manières secondaires plus appropriées, plutôt que de se reposer sur la loi morale (ou les bilans économiques) signale un (post)humanisme plus avancé que la lecture de Sloterdijk, qui voit la perte des derniers vestiges de la vertu humaine reconnaissable, le bénévolat étroit qu’implique le développement bien réglé du déblaiement.
« BioARTCAMPhExtruded » : direction, interviews, caméra, montage par Jeanette Groenendaal et Zoot Derks, 2011:
« Une bataille entre humanistes et superhumanistes »
S’il y a une qualité des êtres humains qui mérite d’être évoquée de manière philosophique, c’est avant tout celle-ci : les gens ne sont pas forcés à se cantonner dans des parcs à thème politiques, plutôt ils se placent eux-mêmes dedans. Les humains sont des créatures qui s’auto-cloisonnent, qui se rangent toutes seules dans des enclos. Où qu’ils habitent, ils créent des parcs autour d’eux. Dans les parcs urbains, les parcs nationaux, les parcs provinciaux ou étatique, les parcs éco… partout les gens se créent des règles qui gouvernent obligatoirement leur comportement.
Habermas continue à préciser pourquoi il faudrait exiger un moratoire sur les pré-personnes génétiquement modifiées, en insistant sur le respect des êtres pré-personnels, qui sont fabriqués au lieu d’être cultivés, et les expériences autonomes d’éventuelle identité personnelle, vers lesquelles ces pré-personnalités évoluent souvent.
En choisissant selon ses propres préférences (ou habitudes sociales) morales, le designer n’enfreint pas les droits moraux d’une autre personne… Plutôt, il change les conditions initiales de formation d’identité d’une autre personne de manière asymétrique et irrevocable.
Ceci alimente la boucle de réactions autour de la notion de « la vie elle-même » employée par Eugene Thacker, qui est réglée par « un principe de contrôle [biotechnologique] dont on retrouve un exemple dans les premières expérimentations avec l’ADN dans les années 1970. Il s’agit du principe selon lequel “la vie elle-même est ouverte à l’intervention technique, tout en restant la vie elle-même” ; la biologie devient un domaine de la technique, tout en restant biologique ». Habermas est d’accord lorsqu’il dit que « Ce qui dérange, c’est que la ligne séparatrice entre la nature que nous sommes et le matériel organique que nous nous donnons devient floue. » Sloterdijk ajoute le contexte de la nuisance consciente au contexte historique :
Mais le discours sur la différence et le contrôle de l’apprivoisement et de la reproduction (en effet, la suggestion même du déclin de la conscience en ce qui concerne la façon dont les êtres humains sont produits) ainsi que des indications d’anthropotechnologie, sont des perspectives dont on ne peut aujourd’hui détourner les yeux, afin qu’elles ne soient de nouveau présentées comme inoffensives.
Si le processus des arts héréditaires est sans doute néofasciste (aujourd’hui une esthétique nationale rétro), le scientifique en tant qu’artiste sans formation est souvent magnifique en terme d’expression génétique (y compris la plupart de créatures transgéniques en tant qu’art, dans leurs messages involontairement kitsch et séduisants, efficaces et énigmatiques, en excluant toute existence agréable). « En ce qui concerne la science et la biologie contemporaines, le doute n’est plus possible : la génétique est en cours de devenir un art, une culture de l’embryon pour des fins purement performatives, précisément comme l’espéraient les eugénistes du début du vingtième siècle. » Une partie du problème avec le débat autour de cette technologie, c’est qu’il est supposément rembourré de la liberté d’expression. Mais les avances technologiques putschistes sont déployées sans écouter le chœur qui chante dans le vide des contrôles dans la bioéthique internationale. Même les mots qui en ont enflamé quelques uns lors de leur apparition sont devenus des banalités digérées.
D’une certaine manière, le fait accompli est soutenu par une bataille publique et continue « entre ceux qui souhaitent reproduire pour minimiser et ceux qui souhaitent reproduire pour maximiser les fonctions humaines, ce que l’on pourrait appeler une bataille entre humanistes et superhumanistes ». Cette bataille entre les Utilitaristes sous bonne protection de la MGH, défenseurs de la santé fascinés par la génétique et convaincus du contrôle de l’expressionnisme génétique, et les Futuristes naïfs, défenseurs de l’augmentation obsédés par l’immortalité perfectionniste des OMGh, représentent le scénario type du duo good cop – bad cop (duo du gentil flic – méchant flic), tout en obscurant l’idéalisme réjectionniste de la dignité embryonnaire humaine et le droit de naître avec un génome non-édité.
La MGH est édulcorée en thérapie ou en augmentation, mais le concept de la mutation organique qui supplante la reprogrammation du génome est réduit à la sanctification superstitieuse luddite, quand il s’agit plutôt de la joie des processus médiocres, lents, évolutionnistes et fragmentés de déformation d’organismes à titre expérimental, autrement dit, une histoire d’amour et de pur hasard. La prévention technologique de la préservation d’humains antiques ne devrait pas être éclipsée par ces anthrotechnologistes qui travaillent sur les grands fugues génomiques du futur. Écoutez profondément ces voix écologistes qui prônent des notions étranges comme la nutrition complexe, la redistribution égale des ressources et la fin des déchets toxiques. Les OMGh sont en conflit avec ces trois visions du monde, car toutes trois prétendent mettre en opposition le génome anthropocentrique et la dégénération de notre espèce et, d’une perspective d’eugénique critique, sont toutes trois une forme de sadisme.
Le dégustation, de la dégradation en passion
Mais il existe un autre choix. On aurait peut-être la possibilité de choisir différemment. De sortir de la trinité feu rouge, feu orange, feu vert de l’ennui bioéthique. D’accepter les techniques de la MGH sans le super arrière-goût. Si le monde est plein de transhumanistes optimistes par défaut, il en existe très peu d’aussi traditionnel et peu convaincant dans leurs tendances eugénistes que Nick Bostrum, qui dans son article « In Defense of Posthuman Dignity » admet volontiers qu’ « il y en aurait peut-être qui se transformeront en post-humains dégradés. » Bostrum continue :
Aujourd’hui, il y a des personnes qui mènent des vies humaines assez dépourvues de valeur. C’est regrettable, mais le fait que certains individus fassent de mauvais choix n’est généralement pas un motif suffisant pour révoquer le droit des gens à choisir.
Quelle est la gamme de codifications pour les mauvaises lignées reproductrices ? Comment la théorie queer, les posthumanités et les études sur le handicap influencent-elles les juges paternalistes et suffisants qui disent « savoir ce que c’est qu’une reproduction humaine de valeur » de tous les enfants de demain ? Y a-t-il un moyen de réhabiliter l’audace de Bostrum, de la haine conventionnelle à un geste libérateur ? Quel écart de divergence apparaîtra véritablement dans le menu des options ? Peut-être qu’avec une gamme mondiale parmi tous les êtres vivants de buts hérités, nous pouvons accepter le fait que « les arts extrêmes, comme les pratiques transgéniques, ont pour objectif rien de moins que d’embarquer la BIOLOGIE vers une sorte d’“expressionnisme” où la tératologie ne se contentera plus de simplement étudier les malformations, mais partira en quête de leur reproduction chimérique. »
Eh oui, nous sommes là, nous sommes subalternes, subgéniaux et subversifs. En tant que sculpteurs de promotion de corps monstrueux, nous ressentons la critique exprimée par Max Nordau reflétée dans la criminalisation par Virilio de la génomique d’expression. A partir de quel moment a-t-on le droit de naître en tant qu’OMGh issu d’une édition humaine innée et lascive ? Quelles malformations peuvent-elles être tolérées dan un art brut de spectacle négationniste critique ? Ces enfants tactiques sont-ils antiantiantiart ? Ceci n’est pas une série de questions mais une invitation à une série de quêtes à travers la dégradation et jusqu’à la passion.
L’éthique du trop tard
C’est ainsi que l’esthétique théorique de l’art influence les économies comparatives, les contradictions qui fournissent l’essentiel de l’altération environnementale que nous vivons. Par exemple, c’est ainsi que nous comparons la valeur sociale des applications industrielles et agricoles de ces nouvelles technologies à des productions artistiques qui furent inventées à des fins très différentes. C’est ainsi que nous pesons la valeur et le coût vis-à-vis de ces êtres qui ont été instrumentalisés et sculptés au nom de la production culturelle dans le monde des entreprises, la recherche et le développement militaires, les arts et les sciences. Nous sommes séduits par l’attraction de la pente savonneuse, l’attrait du processus. Il est facile de lire l’économie libidinale de la production anatomique de la performance extrême transgénique en direct. Elle est à la fois « pure comme la neige » et abjecte par le magnétisme de ses atrocités médico-charnelles. Il reste à explorer la palette possible des gonades/parents inscrits dans les gènes humains. Il s’en suit une liste non-exhaustive de techniques, de buts anatomiques, d’édifices architecturaux et de possibilités esthétiques pour la sculpture humaine de l’avenir en tant qu’art biologique, technologique, conceptuel et temporel.
« DIY Embryology », Mellon Institute, Carnegie Mellon, monté par Jonathan (Jae) Minard, avec Elizabeth (Liz) Buschmann et Sondra Hart, 2013 :
Méthodes d’injection génétique
Comment insérer des modifications dans l’édition germinale humaine ?
Où insérer des gènes dans la cascade de l’hérédité humaine ? Comment faire rentrer les gènes ? Où dans l’architecture génétique ces modifications entrent-elles en jeu ? Quelle est la mécanique de ce processus ?
Technologie d’insertion génétique : méthodes de transgénèse
1. Constructions vectorielles d’infection humaine et constructions CRISPR (souvent utilisées dans les essais de thérapie génétique chez les humains et les embryons humains)
2. La biolistique (pistolet à gènes), Fusillage
3. L’électroporation, Choc
4. Microinjection, Injection
5. Lipofection
6. Chromosomes artificiels
Buts de la modification génétique humaine
Où se trouvent les nouveaux buts génétiques dans l’anatomie humaine ?
Lieux possibles pour insérer les gènes dans la cascade héréditaire à l’intérieur du corps humain :
1. Les gonades humaines : le sperme dans les testicules, les ovules dans les ovaires, chez les enfants et adultes femelles et chez les adolescents et adultes mâles.
2. Le zygote ou la blastula qui se développe à l’extérieur du corps pendant la fécondation in vivo (FIV) dans le processus de la procréation médicalement assistée (PMA). Il est encore nécessaire de l’implanter dans un utérus pseudo-enceint.
3. Directement chez l’embryon humain à l’intérieur d’une femme enceinte. Les gonades des embryons sont en phase de développement : pré-ovules (oogonia) et pré-sperme (spermatagonia).
4. Les cellules souches d’un embryon humain cultivées dans la culture de tissus et triées par fluorescence. Cultiver jusqu’à ce qu’elles deviennent des corps embryoïdes, puis implanter. Le clonage des post-humains est possible en utilisant cette méthode à l’aide de plusieurs mères porteuses qui s’intéressent à l’accouchement collectif d’un clan techniquement original.
Lieux d’édition génétique humaine
Quels sont les espaces spécialisés en technologie repro-sexuelle ?
1. Les départements d’endocrinologie reproductive et d’infertilité
2. Les départements d’obstétrique et de gynécologie
3. Les cliniques de FIV/fertilité
4. Les essais de thérapie génétique en hôpital
5. La production d’animaux transgéniques
6. Les cliniques d’avortement – planning familial
7. Les agences de service de mères porteuses
8. Les agences de don de sperme et d’ovules
9. Les cellules souches d’embryon humain, certaines lignées commerciales
10. Les déchets médicaux : ovaires et testicules (donnés ou récupérés de cadavres frais), zygotes, embryons et fétus (supplémentaires des cliniques de fertilité ou des cliniques d’avortement)
11. Les expérimentations en cellules souches d’embryon humain de la Station Spatiale Internationale (ISS)
Types d’altérations humaines transgéniques possibles
Quels gènes choisir, acheter et mettre à jour dans vos parents et pour quelles raisons ?
1. Les « augmentations » : la force, l’intelligence, la mémoire, la longevité, la guérison, la résistance (à la radiation ou autres agents tératogènes fatals), la beauté, la virilité sexuelle pour la vie militaire, le voyage dans l’espace, des trajectoires d’espèces perfectionnistes, économiques, sportifs ou autres.
2. L’exubérance : tirée de toute la diversité organismique, des gènes ou des classes de gènes (des lézards, des méduses, des kangourous, des vers, des arbres, des bactéries, des champignons, des dinosaures, des mangues, etc.) Par exemple, la peau d’un ver de terre, la poche d’un kangourou, les pattes d’un lézard, le crâne d’un arbre, la salive d’une mangue ou les caractéristiques reproductrices des champignons (humains spores). La gamme complète de couleurs, de peaux (écailles et fourrures), types de cerveaux (dauphin ou ornithorynque), compétences métaboliques (voies cannabinoïdes) et glandes. Des origines culturelles de conception des légendes anciennes jusqu’aux médias d’aujourd’hui. L’utilisation de gènes préservés de personnages historiques (i.e. les gènes de Ghengis Khan ou Cohen disponibles chez Ancestry.com).
3. Les altérations de la structure morphologique du corps : tailles (hauteur, largeur, longueur, proportions transformées) multiples — plusieurs yeux, plusieurs bras, plusieurs clitoris et les problèmes morphologiques de leur emplacement (dans un endroit anormal) et leur rattachement au cerveau et au système nerveux central afin d’assurer leur « bon fonctionnement ».
4. Au-delà de la conception terrienne : taille interplanétaire, entités (rhizomiques) décentralisées, architectures permutantes, l’usage d’autres planètes comme des boîtes de Petri pour diffuser des êtres inimaginables. Ces formes de vie devraient être plus agaçantes que l’humain, en tant qu’attraction prophylactique qui séduit les bribes récoltées par un étranger d’une société d’informations grâce à l’existence même de l’humain. En plaçant des post-personnes expérimentales radicalement diverses dans des galaxies multiples, nous exposons en quelque sorte notre monde intérieur comme étant une infestation interstellaire de prétendants désireux. Nous devons envoyer dans l’espace notre art brut anatomique comme une invitation venant de notre population érotomaniaque dans l’attente astrobiologique de la panspermie.
En plus d’explorer la gamme de l’anatomie et du métabolisme humains du futur, il y a d’autres questions. Qui est produit ? Comment vivent ces individus au jour le jour avec vos choix anatomiques, métaboliques ou purement esthétiques ? Afin d’éviter des problèmes psychologiques douloureux pour les humains transgéniques, il faut que nous développions un langage de choix génétiques relatifs à l’esthétique et la sensibilité. Un lexique descriptif peut nous aider à comprendre le détail massif qui constitue la vie. Toute l’histoire de l’art est ici un agent thérapeutique potentiel. Il y a la possibilité que les humains expérimentaux germinaux des OMGh — en tant que personnes issues d’art sculptural, cinétique, technologique, temporel, transgénique, conceptuel et actuel — devanceront les néo-préjudices en diversifiant l’appréciation du grand public pour les êtres mutants. Ceci devrait impliquer que tous les aspects multidimensionnels de la biologie de la croissance peuvent et devraient culminer en des gammes extraordinaires d’incarnation adolescente au fil du temps.
RÉFÉRENCES :
J. Habermas, The Future of Human Nature, trans. Hella Beister and William Rehg, Malden, MA, Polity Press, 2006: 21.
P. Sloterdijk, ‘Rules for the Human Zoo: A response to the Letter on Humanism’. Traduit en anglais par Mary Varney Rorty, Environment and Planning D: Society and Space 27, 2009: 12-28: 25. [Originally Nicht gerettet: Versuche nach Heidegger, Suhrkamp, 2001]
S.K. Templeton, ‘Scientist team creates first GM human Embryo’, Times Online, UK, May 11 2008.
G. Stock and J. Campbell, Engineering the Human Germline: An Exploration of the Science and Ethics of Altering the Genes We Pass to Our Children, New York, Oxford University Press, 2000.
P. Virilio, ‘A Pitiless Art,’ in Art and Fear, traduit en anglais par Julie Rose, London, Continuum, 2003: 27.
E. Thacker, ‘Life Resistance and Tactical Media,’ in E. Thacker, Biomedia. Minneapolis, University of Minnesota Press, 2004: 26.
Snoop Dogg, ‘Drop It Like It’s Hot,’ R&G (Rhythm & Gangsta): The Masterpiece (feat. Pharrell Williams), Doggystyle/Star Trak/Geffen, 2004, compact disc.
N. Bostrum, ‘In Defense of Posthuman Dignity,’ Bioethics 19, 2005: 210.
M. Nordau, Degeneration, 7th ed., New York, D. Appleton and Company, 1895.
Grandmaster Melle Mel, ‘White Lines (Don’t Don’t Do It),’ Greatest Mixes, paroles de Melle Mel, Sylvia Robinson, Sugarhill Records, 1983, vinyl, 331⁄3 rpm.
« iGMO: inherited Genetic Modification Orgiastics, Philosophy of the Biological Bedroom, a Prelude for Transgenic Humans » est publié en anglais dans Institutional Critique to Hospitality: Bio Art Practice Now. A critical anthology, publié chez Assimina Kaniari, pg 87-103, 2017, SBN: 978-960-612-019-0.