« L’Urgence des arts, imaginer l’avenir » au Théâtre de la Ville du 14 au 17 décembre 2020
Télérama, le Théâtre de la Ville et la Scène de recherche de l’ENS Paris-Saclay proposent du 14 au 17 décembre 2020 une nouvelle série de rencontres, « L’Urgence des arts », pour imaginer l’avenir de la scène, des livres, du cinéma, des politiques culturelles. L’occasion de revenir sur « L’Urgence des alliances » déjà organisée en juin et ses 20 propositions.
Au mois de juin 2020, pendant toute une semaine, en partenariat avec le Théâtre de la Ville et la Scène de recherche de l’ENS Paris-Saclay, Télérama a organisé « L’Urgence des alliances », une série de débats avec des artistes, des scientifiques, ou des philosophes, pour réfléchir à ce que serait la culture dans le monde de l’après covid. Aujourd’hui, alors que la réouverture des lieux de culture a été reportée de 3 semaines et qu’un appel à se rassembler a été lancé pour le mardi 15 décembre à midi à Bastille, il semble urgent de débattre de ce que subit la culture désormais qualifiée avec persistance de secteur « non-essentiel » par le gouvernement.
Dans ce contexte, Télérama, le Théâtre de la Ville, la Scène de recherche ENS Paris-Saclay, lancent donc du 14 au 17 décembre une nouvelle série de rencontres au Théâtre de la Ville, « L’Urgence des arts, imaginer l’avenir », pour imaginer l’avenir de la scène, des livres, du cinéma, des politiques culturelles : « Comment imaginer l’avenir ? Comment le mettre en scène, en mots et en images ? Comment en faire un récit qui nous porte et nous guide ? ».
Makery s’y associe, d’autant plus que nous avions contribué à inspirer la neuvième proposition des 20 qui avaient émergées de « L’Urgence des alliances » au mois de juin. Nous republions à cette occasion l’intégrale de ces 20 propositions en 10 mots clés.
L’URGENCE DES ALLIANCES
ALLIANCE
Les médecins avec les artistes, les artistes avec les enseignants, les artistes avec les spécialistes de l’écologie, les uns comme les autres avec les patients, les élèves, les étudiants, les citoyens ou citoyennes : le désir d’alliances est le grand gagnant de nos échanges. Réaction à la distanciation sociale et à l’isolement du confinement ? Plus encore volonté d’ancrer dans une vie qui se réinvente l’autre mot-clé de la pandémie : la solidarité.
Proposition 1
Former localement un grand réseau d’alliances entre les acteurs de la culture, de la santé, de l’environnement, de l’éducation et les associations d’usagers et d’habitants.
• Construire des partenariats sur mesure entre structures culturelles – musées, théâtres, centres chorégraphiques, cinémas, galeries d’art, associations culturelles – et établissements de soins – hôpitaux, cliniques, Ehpad et centres médico-sociaux qui accueillent les adolescents et les enfants.
• Fédérer les centres de ressources et de conseil aux acteurs de la culture pour limiter leur impact environnemental, avec le soutien des ministères de la Culture et de l’Environnement.
• Organiser des ateliers multidisciplinaires pour les jeunes en rupture scolaire, associant artistes, enseignants et éducateurs.
Proposition 2
Encourager la formation au plan régional de pôles mutualisés de production, de diffusion et de soutien à la création artistique.
• Mutualiser à l’échelle régionale la production et la diffusion des spectacles et productions artistiques de toutes disciplines.
• Stabiliser les emplois culturels non délocalisables et consolider les bassins d’emplois culturels.
• Repenser l’exigence d’exclusivité d’un artiste que pratiquent aujourd’hui certains lieux subventionnés. Parce qu’ils produisent ses spectacles, ils lui interdisent de jouer ailleurs, pensant éviter la concurrence. Cette manière de témoigner leur attachement à un créateur l’empêche de tourner dans un périmètre proche, ce qui devient contraire aux contraintes environnementales et favorise la surproduction de spectacles. Privilégier un droit aux premières représentations – au lieu des exclusivités – permettrait de mieux faire tourner les œuvres. Et de toucher ainsi un plus large public. De plus les frais engagés seront diminués puisque supportés par d’autres lieux partenaires.
• Sortir du goulot d’étranglement entre surproduction et sous-diffusion du spectacle vivant. La plupart des créations sont vues par un nombre restreint de publics, faute de tourner suffisamment dans d’autres lieux. Imaginer des moyens de faire circuler ces projets en passant par d’autres circuits que les théâtres. Par exemple en investissant les universités où ne se déroule presque plus aucune activité artistique.
CHARTE
Toute période de refondation appelle sa charte, ou ses chartes. Et un regard critique sur les réformes passées, à réviser ou à compléter. Le grand vide du confinement a fait apparaître en creux la nécessité d’une politique culturelle vraiment coordonnée entre acteurs publics. L’urgence sanitaire et climatique vient percuter cet enjeu avec celui de la responsabilité. Personnelle et collective.
Proposition 3
Repenser une vraie politique culturelle dans les écoles, les universités, les centres de soins et les entreprises.
• Engager l’acte III de la décentralisation culturelle, redéfinir le sens de la mission des collectivités publiques autour d’une priorité : assurer la présence des œuvres et des artistes au plus près des populations concernées, dans les écoles, les universités, les centres de soins et les entreprises.
• Réaffirmer la mission et soutenir l’action des associations culturelles et sociales qui jouent un rôle essentiel d’intégration dans les territoires. Les doter d’une instance de coordination entre les multiples silos ministériels (Culture, Éducation, Enseignement supérieur, Économie, Environnement, Industrie) et territoriaux (Villes, Régions, Départements) concernés.
Proposition 4
Intégrer le secteur culturel à la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et lui donner les moyens effectifs de contribuer à la maîtrise du risque sanitaire et du changement climatique.
• Généraliser le bilan carbone dans l’ensemble des établissements culturels.
• Créer une charte Risque sanitaire pour encourager la responsabilité individuelle sur les lieux de fabrication et de diffusion de la culture (répétitions, tournages, représentations, tournées) avec l’aide des médecins responsables.
• Diffuser les bonnes pratiques, en rassemblant l’ensemble des chartes déjà existantes, qui proposent des mesures concrètes pour réduire l’empreinte écologique des acteurs culturels.
• Créer et animer une charte éthique du financement de la culture par le mécénat et le partenariat pour contrôler l’écoblanchiment par les entreprises qui utilisent l’argument écologique comme outil de marketing.
CORPS
Isolés, disciplinés, confinés et malades, nos corps ont souffert. Ils ont été réduits à l’état d’objets. Il est temps d’en refaire des sujets qui pensent, parlent, partagent et se touchent. Entre le présentiel et le distanciel, le choix est fait, toujours en maîtrisant le risque. La culture est la solution, pas le problème.
Proposition 5
Faire des festivals et événements culturels des relais d’information santé et environnement.
• Engager l’ensemble des festivals de musiques actuelles, théâtre, cirque et arts de la rue dans une pédagogie de terrain, particulièrement en direction des jeunes générations, avec l’aide de médecins référents.
• Organiser des « académies santé et culture » avant la rentrée scolaire et universitaire, portées par les hôpitaux et les établissements culturels référents.
Proposition 6
Oser la prescription. Mettre en place des référents et des projets « culture » dans les établissements de soins, et des référents et projets « santé » dans les établissements culturels et d’enseignement.
• Décliner en France, dans tous les domaines artistiques, l’initiative du musée des Beaux-Arts de Montréal : permettre aux médecins de ville de prescrire une visite gratuite dans un musée, un théâtre, une salle de musique, en accord avec ces établissements qui la prennent en charge. Cet acte de prescription au bénéfice du patient n’est pas remboursé par la Sécurité sociale.
• Développer le dispositif Culture et Santé. Attacher à chaque hôpital un(e) référent(e) « culture » chargé(e) d’assurer une programmation légère mais régulière d’événements artistiques à destination des patients, des soignants et des personnels. Attacher à chaque institution culturelle ou d’enseignement importante un référent « santé » en charge de ces actions.
• Faire essaimer dans les hôpitaux le dispositif des consultations poétiques et scientifiques initiées par le Théâtre de la Ville avec l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
ÉVEIL
Viser l’inclusion par l’éducation et la transmission est parfois devenu lettre morte. L’urgence de faire sortir la culture de ses murs et de son périmètre est aujourd’hui nécessité. Le but n’est pas d’assigner à l’art une mission sociale. Voir revenir en force les notions d’éducation populaire et d’éducation artistique et culturelle est au contraire la promesse d’une grande rencontre artistique et humaine pour les artistes de toutes disciplines, professionnels et amateurs.
Proposition 7
Relancer un programme ambitieux d’éducation à l’art et par l’art.
• Inscrire enfin dans les programmes la réalisation de projets artistiques menés conjointement par des enseignants et des artistes.
• Mobiliser les crédits nécessaires pour rendre effectif le parcours artistique et culturel inscrit dans la loi de Refondation de l’école.
• Organiser des chantiers d’été (dès cet été) associant artistes, enseignants, éducateurs sociaux et jeunes amateurs en s’appuyant sur les infrastructures des établissements chargés d’une mission de service public (lycées agricoles, universités, établissements culturels).
• Organiser des ateliers hebdomadaires pluridisciplinaires 15-18 ans pour les jeunes décrocheurs, destinés prioritairement aux lycéens issus des filières professionnelles où se concentrent les jeunes en rupture scolaire, réunissant trois ou quatre artistes (comédiens, musiciens, chorégraphes, écrivains ou réalisateurs).
• Clarifier les conditions de rémunération des artistes intervenant dans ces projets d’éducation artistique et culturelle, et augmenter le quota d’heures éligible pour les intermittents.
• Conforter l’action, trouver un toit pour les « écoles de la première marche », qui permettent à de nombreux jeunes issus de la diversité sociale et culturelle de se former aux métiers du théâtre, du cinéma et de la danse, et d’accéder aux écoles supérieures artistiques.
Proposition 8
Organiser la formation des formateurs et mettre en place le label 100 % Éducation artistique et culturelle.
• Croiser les formations des enseignants, des artistes et des éducateurs sociaux, déployer à l’échelle nationale les formations du futur Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle qui ouvrira ses portes à Guingamp en septembre 2021. Sensibiliser dès les IUFM les futurs enseignants à la pratique de l’art.
• Faire parrainer tous les établissements scolaires et universitaires par des artistes et inversement faire parrainer tous les établissements culturels par des professeurs.
• Créer un label 100% EAC pour marquer la mobilisation autour d’un engagement partagé pour l’éducation artistique et culturelle de tous les acteurs d’un territoire, collectivités, communauté éducative, monde culturel, acteurs sociaux, secteur associatif, société civile et État.
LABORATOIRES DE CRÉATION
Aider la recherche et la création, c’est bien. Les abriter dans des lieux, c’est mieux. Mieux encore : ouvrir ces lieux au grand public. Le temps de la pandémie a totalement déréglé celui des artistes et des chercheurs. Il les a enfermés en leur laissant pour seule fenêtre celle de leurs smartphones et ordinateurs. Priorité au large essaimage des lieux où peut se déplier la pulsion de vie de la recherche et de la création. Investir dans la curiosité et le partage des savoirs est le bon choix, pour aujourd’hui et pour demain.
Proposition 9
Faire vivre les laboratoires de création dédiés à l’expérimentation et aux croisements arts-sciences-technologies-société dans les établissements de soins, les écoles, les universités, les laboratoires scientifiques, les entreprises.
• Trouver et réserver dans ces lieux des espaces dédiés à l’accueil d’artistes et de formes de création légères : expositions, musique, danse, théâtre.
• Organiser des résidences d’artistes dans ces mêmes lieux et dans les laboratoires de sciences fondamentales, sciences pour l’ingénieur et sciences humaines et sociales.
• Inscrire dans la charte de ces lieux d’expérimentation le droit à l’erreur, la nécessité de la durée et le respect de la singularité des démarches artistiques et scientifiques.
• Ouvrir la science, partager les données, faire connaître les initiatives d’éducation populaire par les sciences et les laboratoires de pratiques innovantes tels La Main à la pâte, Les Petits Débrouillards, La Paillasse, Makery.
Proposition 10
En finir avec la traditionnelle séparation création-patrimoine.
• Faire de la commande artistique un vrai outil de fabrication du patrimoine de demain en multipliant les commandes croisées qui permettent aux artistes de travailler dans la durée et aux œuvres de vivre plusieurs vies au-delà de la « première », encourager ces commandes croisées entre associations et acteurs culturels, mais aussi avec les acteurs de la santé, de l’environnement, de l’éducation et du monde de l’entreprise.
• Encourager une politique de commandes par les nombreux festivals qui animent partout en France les monuments historiques et lieux patrimoniaux, souvent dans une logique d’où la création est absente.
• Soutenir l’action des centres de ressources qui recueillent les traces de la recherche scientifique comme celles des formes de création éphémères vouées à l’oubli (danse, théâtre, musique, cirque, marionnettes) ou arts technologiques menacés par l’obsolescence de leurs supports. Ils fabriquent notre mémoire du présent et notre patrimoine de demain.
MONDIALITÉ
Le repli identitaire et nationaliste est une réalité européenne et mondiale, pas un mauvais rêve de nos imaginations inquiètes. La double crise de la pandémie et du dérèglement climatique a révélé nos interdépendances et la vulnérabilité de nos démocraties. La seule position tenable et durable est offensive, pas défensive : ouvrir nos frontières physiques, mentales et culturelles.
Proposition 11
Écouter la langue de l’autre, favoriser la mobilité des textes et des visions du monde.
• Faire entendre les littératures étrangères, classiques et contemporaines, dans leur langue originale, partout sur le territoire national, dans les écoles et universités comme en dehors du champ de l’enseignement.
• Préserver et redéployer, dès que les conditions le permettent, les programmes de mobilité de jeunes européens mis en péril par la situation sanitaire et plus encore par le repli des nations dans leurs frontières.
Proposition 12
Renforcer les programmes européens de soutien à l’émergence de jeunes artistes, rayonner à l’international.
• Faire connaître et mieux utiliser les programmes transversaux européens associant un consortium d’artistes, d’ingénieurs et de scientifiques.
• Organiser un véritable soutien technique et d’ingénierie, sous l’égide du ministère de la Culture et de la Communication pour aider les artistes et les acteurs culturels à obtenir les financements des programmes européens.
• Organiser à l’échelle nationale, sous l’égide de ce même ministère, le soutien à l’international des réseaux d’acteurs culturels. Ces derniers étant engagés dans les enjeux environnementaux, le dialogue arts-sciences ou les arts numériques, tels Exoplanète Terre, la Transversale arts-sciences ou le Réseau national des arts numériques et des cultures hybrides.
NUMÉRIQUE
Par obligation ou par choix, le confinement a fait exploser nos connexions sur les réseaux et nos abonnements aux plateformes culturelles en ligne. Il a aussi révélé l’ampleur des fractures numériques : inégalités sociales et générationnelles d’accès aux outils numériques, déficit général et spectaculaire de l’appropriation de ces outils. Le numérique façonne nos vies comme nos imaginaires, au quotidien. Il y a urgence à en maîtriser les apports comme les risques.
Proposition 13
Doter la création et la culture de leur batterie d’outils et de ressources numériques.
• Créer une plateforme culturelle éditorialisée du spectacle vivant, comportant outre un catalogue étoffé, des ressources artistiques, pédagogiques et scientifiques.
• Organiser un « Valois du numérique » qui abordera la question critique de la rémunération des auteurs et interprètes dans le contexte de l’explosion des plateformes de streaming et de la crise de l’économie de la diffusion du disque, du livre et du spectacle vivant.
• Mieux faire connaître, mutualiser et démocratiser les outils numériques pour l’ensemble des artistes (sonores, visuels, du spectacle vivant) et des populations : outils de la réalité augmentée, outils de la spatialisation, de l’intelligence artificielle. Pour voyager intelligemment dans l’ingénierie sonore ou visuelle – studios en ligne ou salles virtuelles.
Proposition 14
Consolider le réseau des initiatives et des lieux dédiés aux usages et à l’appropriation des outils numériques, à leurs enjeux artistiques, sociétaux et éthiques.
• Élargir le réseau des Fablabs, Livinglabs, Expelabs dédiés aux usages du numérique aux écoles, collèges, lycées, universités et dans les structures associatives locales.
• Au croisement de l’action des ministères de la Culture, de l’Éducation, de la Recherche et de l’Économie, fédérer les festivals et les lieux de création qui engagent les citoyens dans un débat critique sur la technoscience, leur proposent des actions concrètes d’appropriation des outils numériques, alertent sur leur potentiel d’aliénation, éclairent leur pouvoir d’émancipation.
• Mutualiser ces expériences et bonnes pratiques sur une plateforme collaborative art-sciences-technologies-éthique-société à l’échelle nationale, connectée à l’international.
PERMACULTURE
Inventons la génération des « permaculturels », ces citoyens qui savent qu’ils ne sont qu’une partie du vivant. Elle permettra la bifurcation nécessaire et vitale qu’imposent les risques de pandémie et la certitude des transformations durables de l’environnement. Penser ensemble culture et nature, création et transition, résilience et biodiversité est un enjeu majeur pour les artistes comme pour leurs publics. Une révolution culturelle qui invite à repenser les cycles de vie – des individus comme des œuvres – à l’aune du bouleversement de notre rapport à notre environnement.
Proposition 15
Éduquer une génération 100 % permaculturelle.
• Inscrire au carnet de santé de tout jeune enfant la notion d’éveil culturel, prévoir une consultation longue une fois par an pour observer son développement global, qui inclut l’éveil sensible et culturel.
• Inclure les images et représentations de la biodiversité dans ces activités d’éveil, revoir l’iconographie traditionnelle de la basse-cour pour y inviter l’infinie diversité des espèces animales et végétales menacées.
• Encourager la création d’œuvres artistiques pour les tout-petits.
• Engager des artistes (comédiens, musiciens, chorégraphes, plasticiens, auteurs ou réalisateurs) pour travailler aux côtés des éducateurs sur le volet biodiversité et développement durable de l’« été apprenant » et des « colonies apprenantes » lancés par le gouvernement.
• Associer les écoles d’art aux écoles supérieures d’agronomie et aux établissements de recherche dédiés aux sciences du vivant.
Proposition 16
Maîtriser le cycle de vie des œuvres.
• Créer des lieux d’approvisionnement en écomatériaux coconçus par des artistes, les départements recherche et développement des entreprises et les start-up éco-innovantes, destinés aux acteurs du secteur culturel (arts plastiques, arts vivants, mode, architecture, urbanisme).
• Créer, avec le soutien des ministères de la Culture et de l’Environnement, un centre de ressources et de conseils pour aider les artistes et responsables culturels à réduire l’impact environnemental de leurs activités, avec l’aide d’experts en écoconception et en stratégie bas-carbone.
• Engager les artistes et responsables culturels à examiner les possibilités de réemploi, de prêt ou d’échange de matériaux au lieu de réfléchir en termes de tri des déchets.
• Construire la bibliothèque idéale des prisons, en organisant et en éditorialisant les dons de livres, à l’initiative d’associations ou d’établissements culturels.
RÉCIT
Nous avons un besoin vital de nouveaux récits. Savoir nous représenter dans notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. L’image de l’homme « maître et possesseur de la nature », que l’on doit au philosophe René Descartes, a été ébranlée par la pandémie. Elle s’est brisée dans notre course effrénée à l’exploitation des ressources naturelles. Par quoi la remplacer ? La bataille des représentations est ouverte. Problème : la production de récits et d’imaginaires est entre les mains des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) qui véhiculent surtout un idéal de consommation. Comment dessiner l’incertain, comment écrire les récits et mythologies du monde d’après, dont nous avons tant besoin pour nous aider à nous reconstruire ?
Proposition 17
Repenser l’enseignement de l’histoire des sciences et de l’art à travers les notions de récit et de regard critique.
• Privilégier l’enseignement des sciences à travers la notion de récit, rendre à cette pédagogie sa fonction inclusive, au lieu d’en faire un instrument de discrimination sociale par la mémoire et le bachotage.
• Intégrer la culture et l’histoire de l’art à l’enseignement des médecins, organiser des rencontres entre étudiants de la filière santé et des écoles d’art, en présence des artistes.
• Expérimenter avec des scientifiques, des ingénieurs, des artistes, des designers et avec le grand public de nouvelles formes de partage de la science, questionner la rigidité de ses protocoles de communication, transformer le résultat scientifique en culture, par le récit et l’imagination.
• Compléter les cursus scientifiques de formations en art, en histoire, philosophie et sociologie des sciences.
Proposition 18
Lancer un vrai et ambitieux programme de commandes publiques aux artistes de toutes générations.
• Pour soutenir l’activité des créateurs et des écrivains, faire aussi bien ou mieux que le Federal Project Number One de Roosevelt, groupe de projets culturels mis en place après la crise de 1929 dans le cadre du New Deal. Soit développer et stimuler, par un grand programme de commandes publiques porté par l’État, la production d’œuvres dans toutes les disciplines artistiques.
• Assurer, par ce programme, la vitalité de la création artistique française et la protection de la rémunération des artistes, lourdement impactée par la pandémie.
VILLES
Comment inventer un nouveau projet pour nos villes, entre le grand projet hygiéniste d’aménagement urbain né au XIXe siècle et l’obsession technophile de la Smart City, qu’on serait tenté de remiser sur les étagères du XXe siècle ? Quelle place pour l’art et la nature dans les villes du XXIe siècle qui concentrent plus de la moitié de la population mondiale ? À quoi ressemblera la France post-exode urbain à l’heure de l’urgence climatique ?
Proposition 19
Engager des ateliers collaboratifs sur les enjeux culturels et sociaux des mutations urbaines.
• Remettre la solidarité intergénérationnelle au cœur de nos chantiers sur la ville de demain, cibler les deux maillons de décrochage dont la pandémie a révélé cruellement toute la fragilité, adolescents et personnes âgées, mobiliser les ressources de l’art et des technologies pour faire des Ehpad des lieux de vie, accompagner les travaux des scientifiques sur la prévention de la fragilité chez les seniors.
• Repenser la présence de l’art dans la ville, engager une réflexion sur une nouvelle conception de l’espace public associant artistes, architectes, paysagistes, designers et habitants.
• Examiner l’impact du développement exponentiel des tiers-lieux et autres espaces collaboratifs dans la transformation culturelle et sociale des villes.
Proposition 20
Développer la commande sociale et les commandes artistiques dans le secteur privé.
• À l’image du programme des Nouveaux Commanditaires porté par la Fondation de France, encourager la commande sociale dans tous les lieux de la vie collective, avec l’aide de médiateurs responsables du dialogue avec les artistes et de l’intégration de l’œuvre au sein de la communauté dans laquelle elle s’inscrira.
• Élargir le dispositif actuel du 1 % artistique – qui associe à la réalisation ou à l’extension d’un immeuble public par un promoteur la commande d’une œuvre d’art – à tous les projets de rénovation ou d’aménagement urbain dans le secteur privé. Pour que soit constitué un fonds d’activité artistique et culturel qui promeuve de nouvelles relations sur un territoire entre la population, les artistes, les investisseurs privés et les acteurs publics, et assure des revenus aux artistes.
• Profiter des transformations urbaines à l’œuvre (Grands Paris, Bordeaux, Lyon ou Marseille) pour mettre à contribution promoteurs et aménageurs. Cette action, qui repose jusqu’ici sur le volontariat et la bonne volonté, pourrait devenir un objectif d’action publique, mené par un État chef d’orchestre qui le rendrait obligatoire.
« L’Urgence des arts, imaginer l’avenir », 4 débats pour imaginer demain, du 14 au 17 décembre 2020 au Théâtre de la Ville.