100 heures. C’est tout ce qu’il aura fallu à l’équipe de l’University College of London, aidée du département Formule 1 de Mercedes, pour mettre au point les premiers prototypes de ventilateur CPAP. En moins d’un mois, l’équipe a produit et documenté un appareil homologué et l’a distribué à plus de 10 000 exemplaires dans 60 hôpitaux à travers le pays.
Début mars, le gouvernement organise un « Ventilator Challenge » pour rassembler les industriels et les universités afin de mettre au point des ventilateurs mécaniques. « Ce que la Chine et l’Italie rapportaient est que lorsqu’un patient atteint du Covid-19 arrive à l’hôpital, il a besoin de support respiratoire car il n’a pas assez d’oxygène, retrace Rebecca Shipley, professeure au département d’ingénierie médicale à l’Université College of London (UCL). Pour apporter plus d’oxygène au patient, il faut donc ventiler mécaniquement le patient en insérant un tube jusqu’à ses poumons et laisser le ventilateur respirer pour lui. » Une action très invasive pour le patient qui nécessite sa sédation complète, explique-t-elle.
Au sein de l’University College of London, la riposte se met en place. Innovation Action est mis en œuvre pour soutenir et développer des projets et favoriser leurs fabrications locales à travers les pays à bas et moyens revenus. L’UCL bénéficie d’un réseau international bien développé. L’université est également rattachée à un centre hospitalier universitaire, l’University College Hospital, dont le service de soins intensifs travaille en proche collaboration avec le département d’ingénierie médicale. Les retours d’expérience font état de la nécessité d’utiliser des techniques non-invasives. L’attention de l’équipe se porte sur le CPAP, ventilation en pression positive continue, un appareil que l’on « connecte au réseau d’apport d’oxygène de l’hôpital pour le mélanger à de l’air et fournir un flux d’air hautement oxygéné en pression constante au patient », détaille Rebecca Shipley. Utilisé notamment en apnée du sommeil, il est plus facile de former le personnel hospitalier à son utilisation qu’à celle d’un ventilateur mécanique. Le patient peut continuer à communiquer et l’appareil peut-être utilisé de 1 à 5 semaines. Surtout, « le CPAP protège 60 % des patients dans la progression des symptômes et de la nécessité d’une ventilation mécanique ».
L’équipe se concentre alors sur un appareil historique, le Respironic, de Philipps. « Il y a de nombreuses données sur son utilisation clinique, détaille Shipley. C’est aussi un appareil assez simple ». Le professeur Tim Baker se joint à l’équipe. Fort d’une expérience dans l’industrie dans l’automobile sportive, il embarque dans l’expérience Mercedes AMG High Performance Powertrains, département spécialisé dans la fabrication de moteur pour Formule 1 et dont les capacités de production sont à l’arrêt, Covid-19 oblige.
Plus de 300 personnes sur le pont
Avec l’aide de l’ingénieur en chef de Mercedes, l’équipe se lance dans la rétroingénierie de l’appareil. Rapides, il leur faudra à peine 100 heures pour mettre au point le premier prototype, avec une légère modification : optimiser le design pour utiliser le moins possible d’oxygène, une ressource précieuse en temps de Covid-19. « Nous étions les bonnes personnes, avec les bonnes expertises et nous nous connaissions déjà tous », explique Rebecca de ces progrès fulgurants. 10 jours plus tard, l’organisme de certification MHRA approuve les plans et l’équipe peut entrer en phase de fabrication de masse, avec une capacité de 1000 par jour, pour un coût d’environ 1000 livres par appareil (environ 1 123 euros).
En tout, c’est plusieurs centaines de personnes qui se sont mobilisés sur le projet. Une quinzaine au sein d’UCL, environ 200 dans les usines de Mercedes et une centaine pour la logistique. En effet, une fois les appareils approuvés et fabriqués, environ 10 000 ont été distribués dans les hôpitaux du pays. Des appareils qu’ils faut donc mettre en boite et livrer. « Nous n’avons eu aucun problème avec nos appareils dans les hôpitaux puisque le modèle était déjà largement utilisé », explique Rebecca. L’équipe a développé son propre matériel de formation, notamment avec des vidéos.
Désormais, les plans sont disponibles en open-source et plus de 1 800 équipes venues de 105 pays les ont téléchargés. « L’idée est de faciliter la fabrication locale », explique Rebecca, l’un des focus de Innovation Action, structure qui soutient l’équipe au sein de l’Université. 50 équipes construisent leurs propres prototypes dans des pays tels que le Brésil, la Bulgarie, l’Inde ou l’Iran. Elles reçoivent le soutient technique et logistique de l’UCL, qui a mis en place un soutient par email, une série de webinars où les équipes peuvent poser leurs questions et un groupe Facebook pour connecter les équipes à travers le monde. « Pour l’instant, le principal défi est de trouver une chaine d’approvisionnement, mais nous travaillons avec des organisations locales », fait-elle savoir.