L’association des fablabs internes d’entreprises, Fab&Co, a souhaité apporter un complément à notre éditorial du 9 avril avec le point de vue des makers en entreprise. Tribune.
En mars 2015, quatorze fablabs d’entreprises françaises ont créé leur instance de représentation baptisée Fab&Co. L’association a pour mission de favoriser la veille, l’échange de bonnes pratiques et l’organisation événements. Elle a aussi pour but de promouvoir les ateliers de fabrication numérique, les tiers-lieux professionnels, industriels, à vocation business et la mise en place de viviers de compétences. L’association rassemble une trentaine d’entreprises et d’écoles dont notamment Décathlon, Air France Industries, Naval Group, Altran, DGA, Safran, Groupe Renault, MakeIci, Usine.io, Cesi, Ecole Polytechnique, EMLyon, ISAE SupAero, Thales Aliena Space, Groupe Atlantic, Thales, Dassault Aviation, MakerFaire France, EDF, le Groupe Seb, AirLiquide, Somfy, Hager, SNCF, Orange, Techshop et d’autres.
La résilience des fablabs, ces outils de production en commun
L’association Fab&Co, et tous ses adhérentes et adhérents se réjouissent de la publication de cette tribune, qui contribue à mettre en évidence l’action de la communauté makers dans la lutte contre le COVID19. Cette culture maker, faite de réactivité, de créativité et d’agilité et d’engagement solidaire, nous la portons au sein de nos organisations respectives, plutôt synonyme de force de frappe industrielle, de maîtrise des cadres réglementaires, sanitaires voire juridiques. Qu’il s’agisse de grands groupes ou d’entreprises de taille plus modeste, d’acteurs de l’enseignement, nous avons fait de notre mieux pour les engager dans cette initiative. Certaines de nos structures ont répondu présentes publiquement, certaines de façon plus discrète, et nous considérons cela comme un succès.
Aujourd’hui, nous sommes à la fois acteurs et témoins d’initiatives combinées de makers salariés, mais agissant en leur nom et de salariés agissant en tant que makers : le Groupe Renault totalise par exemple une production de 30000 visières, entre production officielle avec les ressources interne et production de salariés. A ce titre, nous constatons les difficultés rencontrées par ces deux familles pour collaborer.
C’est pour quoi, en tant qu’association des responsables de fablabs d’entreprises, nous appuyons, sans prise de position politique ou partisane, la demande faite de soutien à la mobilisation des réseaux de makers, et cela pour deux raisons, propres à notre raison d’être qui est de faire évoluer le fonctionnement de nos entreprises en s’inspirant du monde des fablabs.
En premier lieu, il faut traiter l’urgence : concevoir, valider, produire des systèmes permettant de soigner les malades, de protéger les soignants et de faciliter les mesures de distanciation , et cela en hybridant les ressources issues de la communauté maker et des entreprises. La tribune de RFF et Makery est claire : un cadre de validation clarifié et piloté par l’Etat permettrait certainement d’accélérer le processus pour les initiatives et projets en cours, et de trouver des financements
notamment pour l’achat de matière première.
Notre sentiment est que la reconnaissance officielle de ces initiatives pourrait également être un déclencheur d’implication pour les entreprises, en relais de la communauté maker. La valorisation de la mise à disposition de ressources humaines ou matérielles de nos entreprises inciterait certainement à prendre le relais des labs et makers sur la partie conception et production de masse, dans le cadre d’une mobilisation solidaire. La mise en place de mécénat de compétences ou d’un crédit d’impôt en cas de mise à disposition de machines de production sont peut-être des moyens de concrétiser, à posteriori, cette contribution. L’idée, de notre point de vue, est de pouvoir facilement allier le meilleur des deux mondes et ce pour que l’action contribue de façon efficace à la résolution de la crise sanitaire ; le meilleur moyen de le faire restant à trouver.
Dans un second temps, reconnaître et valoriser l’impact des makers, de leurs initiatives et de la portée de cette action de « fabrication distribuée », c’est faire un premier pas vers une évolution du paysage professionnel et économique de demain. Comment ces réseaux, capables d’organiser en 10 jours la fabrication, l’approvisionnement et la logistique de plus de 100 000 visières distribuées depuis le 16 mars, ainsi que le développement de plus de 20 versions pour optimiser les temps de production et le coût matière, pourraient être ignorés et écartés des organisations à venir ? Il est évident que cette expérience doit inspirer les dirigeants et dirigeantes d’entreprise, et qu’une reconnaissance officielle de l’action des makers dans la lutte contre le COVID19 permettrait de lui donner une visibilité propre à la transformer en sujet digne d’échanges sur les stratégies industrielles. La relocalisation de la fabrication est une piste, déjà à l’étude semble t-il, vers l’autonomie industrielle, mais le réseau de fabrication distribuée mis en pratique par les makers aujourd’hui doit également être considéré comme un aspect de l’évolution (révolution) culturelle et industrielle, grâce à sa capacité à produire à l’échelle locale pour répondre à une demande globale.
Par ailleurs, nous le savons, l’immense majorité des initiatives actuelles ne sont motivées que par un engagement humain, solidaire. Aucun maker ne cherche de médailles. Et pour autant, la reconnaissance de son implication lors de cette période, de sa montée en compétences nous semble être une nécessité. Par la mise en place d’open badges spécifiques COVID buster, Fab&Co et Maker Faire France poussent à la reconnaissance de chaque maker par ses pairs. Pas pour en faire des héros et héroïnes, mais pour rendre visible les compétences acquises dans cette période, la capacité d’engagement, et au-delà de la crise sanitaire, contribuer à sa mesure à construire ce que sera le monde demain.