Suite aux soulèvements populaires au Chili, le gouvernement a décidé de ne plus accueillir la COP25. Les Nations Unies ont alors décidé de la déplacer de Santiago à Madrid. Mais concrètement quel impact ce changement de cap a-t-il provoqué pour les activistes qui avaient décidé de s’y rendre à la voile ?
Le mois dernier, Greta Thunberg a tweeté qu’elle avait navigué dans la mauvaise direction. « La COP 25 ayant officiellement été déplacée de Santiago à Madrid, j’ai besoin d’aide. En fin de compte, j’ai parcouru la moitié du monde, mais dans le mauvais sens 🙂 Maintenant, j’ai besoin de trouver un moyen de traverser l’Atlantique en novembre… Si quelqu’un peut m’aider à trouver un moyen de transport, je vous en serai très reconnaissante. Je suis vraiment désolée de ne pas pouvoir me rendre en Amérique du Sud et en Amérique Centrale cette fois-ci, j’étais tellement impatiente. Mais ce qui est jeu n’est ni ma personne, mes expériences ou l’endroit où je souhaite voyager. Nous sommes dans une urgence climatique et écologique. J’envoie donc mon soutien aux habitants du Chili. »
Des centaines de milliers de climatologues, de politiciens et de militants ont également dû changer de cap. Heureusement pour les Européens, ils n’auront plus à voler ni à trouver de longues routes maritimes pour se rendre à la COP, ils pourront prendre le train, le bus ou utiliser un moyen de transport durable tel que Blablacar. Et quand ils arriveront sur place, ils seront accueillis avec des laissez-passer gratuits puisque le Ministère espagnol de la Transition écologique, la Communauté de Madrid et le Conseil Municipal de Madrid ont « signé un accord visant à faciliter la mobilité durable lors de la célébration du XXVe Sommet du climat du Chili qui se tiendra dans la capitale espagnole du 2 au 13 décembre. Ainsi 20 000 participants disposeront d’un titre de transport gratuit pendant quinze jours. »
As #COP25 has officially been moved from Santiago to Madrid I’ll need some help.
It turns out I’ve traveled half around the world, the wrong way:)
Now I need to find a way to cross the Atlantic in November… If anyone could help me find transport I would be so grateful.
-> https://t.co/vFQQcLTh2U— Greta Thunberg (@GretaThunberg) November 1, 2019
Naviguer vers la COP
Makery a récemment écrit sur le premier voyage de Greta à travers l’Atlantique avec le voilier de régate Malizia 2, « Terre en vue! Traverser l’Atlantique comme Greta », et a soulevé la question de savoir comme les activistes ne souhaitant pas prendre l’avion pouvaient traverser l’Atlantique par la mer.
Mais le voyage de Greta n’a pas été le seul voyage entrepris jusqu’à la COP25. Un groupe d’activistes et de militants pour le climat « #SailtotheCOP » a également fait son chemin vers le Chili et est arrivé récemment au Brésil, avant de poster sur les réseaux sociaux avec une certaine frustration : « Quand vous réalisez que vous avez traversé l’Atlantique… mais que vous êtes à 6000 kilomètres de la conférence sur le climat. » Sans se décourager, ils sont restés au Brésil – où l’activisme pour le climat est certainement nécessaire et ont posté une lettre ouverte invitant les délégués à ne pas se rendre en avion au nouvel endroit. Ils se dirigent maintenant vers la Martinique et organisent un crowdsourcing pour soutenir l’envoi d’une équipe de remplacement à la COP25 de Madrid.
La nouvelle du déplacement du sommet du Chili vers l’Espagne en raison des manifestations a été « un coup dur » pour les 36 jeunes Européens à bord du trois-mâts Regina Maris. « C’est étrange de travailler si intensément pour que le plan finisse par tomber à l’eau », disent les marins. « À ce moment-là, le navire était déjà à mi-chemin de l’Atlantique pour se rendre en Amérique du Sud. Un demi-tour n’était pas une option, certains jeunes avaient des déjà des rendez-vous organisés en Amérique du Sud ».
Mais la délocalisation du sommet sur le climat n’a pas poussé l’équipe de #SailtotheCOP à jeter leur mission par dessus bord. Au lieu de cela, dans une lettre ouverte, les marins ont changé de cap. Ils appellent tous les participants européens à la COP à éviter de prendre l’avion et à se rendre à Madrid par la terre. « Notre mission est de rendre l’industrie du voyage plus durable et plus équitable », ont-ils déclaré dans une lettre ouverte. « Prenez vos responsabilités au sérieux : prenez le train, le bus ou le vélo ». #SailtotheCOP est maintenant devenu #RailtotheCOP.
J’ai interrogé Carolina Maienza, une des organisatrices basée aux Pays-Bas, à propos de l’initiative : « Nous sommes 25 jeunes activistes du climat vivant aux Pays-Bas qui ont rejoint l’appel #RailtotheCOP. Nous nous rendons à Madrid pour exprimer notre solidarité avec le Chili et le sud de la planète, pour exiger un avenir viable et renforcer les mouvements de jeunes dans le monde. Nous voyageons en bus et en train afin de minimiser les émissions de carbone de notre voyage. » L’idée a été lancée par Sail to the COP. « Nous le faisons de manière structurée depuis les Pays-Bas, mais il y a aussi d’autres personnes qui voyagent depuis d’autres pays sous le hashtag #RailtotheCOP” . Rebels Beyond Borders est l’action coordonnée par Extinction Rebellion pour prendre des trains et des bus du monde entier.
«Les activistes autochtones du monde entier font partie de luttes anti-coloniales actives sur plusieurs fronts»
Mais qu’en est-il des militants autochtones du Sud et du Nord qui prévoyaient d’y participer? J’ai interrogé le militant Florian Carl, qui faisait des recherches avec Jason Hickel à l’Université de Goldsmiths et qui est coordinateur du projet People’s Climate Case qui aide les personnes voyageant du territoire Sápmi et depuis d’autres régions à se rendre à Madrid suite à ce retournement. Il note que « Les activistes autochtones du monde entier font partie de luttes anti-coloniales actives sur plusieurs fronts. Maintes et maintes fois, ils rappellent aux activistes des sociétés majoritaires de se lever et se prononcer en faveur de la décolonisation et de la justice climatique. Les activistes autochtones soulignent, par exemple, les liens entre la crise climatique et les effets persistants du colonialisme, de l’austérité et du capitalisme. C’est pourquoi, lors de la COP25 à Madrid, il sera important de donner la priorité à la solidarité et d’amplifier les récits partagés avec le soulèvement mondial à travers la planète. Il s’agit notamment de soutenir le travail des groupes autochtones du Chili et d’Amazonie qui organisent une assemblée populaire sur le climat à Santiago au même moment ». La jeune organisation Sámi, Sáminuorra, se porte ‘partie civile’ dans l’affaire du climat des peuples, elle se rend à la COP25. »
Extinction Rebellion maintient une présence pré-COP en Amérique du Sud, en particulier au Brésil, avec l’un des organisateurs de #ForestCOP : « Je suis Alejandra. J’ai 23 ans. Je suis née en Colombie et j’ai été élevée aux îles Canaries, je suis aujourd’hui une activiste basée au Royaume-Uni. Je suis l’une des coordinatrices du réseau international de solidarité XR et membre de XR Youth au Royaume-Uni. Nous nous sommes rendus en Amérique du Sud dans le but de replacer au centre du débat mondial la question de l’Amazonie et de la dégradation du climat et des autres systèmes de maintien de la vie naturelle. Nous voulons également démontrer que le Brésil peut continuer à jouer un rôle positif en dépit de la décision du pays de ne pas tenir de pourparlers officiels au sommet du climat organisé par l’ONU cette année suite à la victoire ultra-nationaliste de Jair Bolsonaro à la présidence du pays. L’événement, baptisé #ForestCOP se déroulera quelques semaines avant la conférence officielle sur le climat de la COP25 à Madrid (nous souhaitions à l’origine assister à la COP au Chili). L’évènement a été organisé par les plus grandes organisations environnementales du Brésil, l’Institut Socioambiental (ISA), et l’Institut Ibirapitanga ainsi que l’association de la zone extractiviste de l’Iriri ».
Journal vidéo de Alejandra et Robin de XR Youth:
Comme Extinction Rebellion qui organise un certain nombre d’actions créatives telle que l’internationale Red Rebel Brigade, les producteurs et activistes Lucy Neal et Anne Langford de Culture Declares Emergency espèrent organiser un spectacle de masse parodiant une équipe d’atterrissage d’aéroport. « Nous espérons pouvoir emmener l’équipe d’Anne-Marie Culhane – qui a répété aux studios Siobhan Davies et qui se sont produits à Londres en octobre, à Trafalgar Square, au Mall, à Horseguards et ailleurs. C’est une source d’inspiration, c’est beau à regarder et ça crée un grand espace de recueillement impliquant le public, les œuvres d’art, l’action directe, la police et la presse. Les mots ‘rébellion’, ‘urgence’ et ‘extinction’ sont énoncés lentement, à la manière des personnels d’atterrissage. Les moustaches de Super Mario, vous en conviendrez, contribuent à la pièce. Pendant ce temps-là à Madrid, nous sommes également en train de mettre en place un centre névralgique de Culture Declares Emergency pour communiquer avec les quelque 700 ‘déclarants’ du Royaume-Uni ». Ils recherchent des performeurs et artistes pour participer à la COP25 de Madrid. (Cela pourrait ne pas arriver à cause de la grève de la SNCF qui ne va pas faciliter les déplacements par voie terrestre)
Greta et La Vagabonde
Pendant ce temps, au moment où je vous écris, Greta Thunberg est à mi-chemin de l’Atlantique, se dirigeant vers Lisbonne avant de se tourner vers Madrid. Cette fois, elle est à bord du catamaran La Vagabonde tenu par un couple de youtubeurs, Riley Whitelum, Elayna Carausu et leur bébé. Suivis par plus d’un million d’abonnés, ils racontent leurs diverses péripéties notamment « les tempêtes terrifiantes, les pirates, les crises financières, les pannes matérielles, les pannes d’équipement, les pénuries d’eau et les divers incidents » qu’ils ont pu rencontrer depuis 2014.
So happy to say I'll hopefully make it to COP25 in Madrid.
I’ve been offered a ride from Virginia on the 48ft catamaran La Vagabonde. Australians @Sailing_LaVaga ,Elayna Carausu & @_NikkiHenderson from England will take me across the Atlantic.
We sail for Europe tomorrow morning! pic.twitter.com/qJcgREe332— Greta Thunberg (@GretaThunberg) November 12, 2019
Greta est à nouveau accompagnée par son père, ainsi que d’une navigatrice expérimentée, Nikki Henderson. Elle arrivera donc en toute sécurité malgré son trajet en sens inverse. Prête à faire entendre l’urgence de son message.
Le site de la COP25.