Aux Comices du Faire, le camp d’été breton des amoureux de la lowtech
Publié le 17 août 2019 par Jean-Jacques Valette
A Nevez dans le Finistère se tenait du 15 au 28 juillet les Comices du Faire. Un micro-festival pour makers amoureux de la récup’ et des énergies renouvelables. Makery leur a rendu visite.
Chroniqueur en résidence (Feral Labs Network), texte et photos
C’est un petit chemin qui sent la low tech. Passée la haie de noisetiers, l’atelier Z accueille sur son terrain de deux hectares à la pointe du Finistère des makers de tous types pendant deux semaines chaque été (lire notre chronique du camp 2017). Objectif de ce camp nommé « Comices du Faire » : créer un tiers-lieux éphémère où chacun est libre de se reposer ou de travailler selon son rythme et ses envies. Un format plus « slow » que les hackathons chronométrés, avec un accent fort mis sur l’écologie et l’autosuffisance.
« On a acheté ce terrain à Nevez il y a trois ans avec ma compagne Blanche pour se mettre au vert. Dès le début on cherchait un lieu avec de l’espace pour l’ouvrir aux autres », explique Cédric Lebreton, ancien skipper et fondateur des Comices du Faire.
Et de l’espace, il n’en manque pas. Un bois, des prairies, un hangar de 300m2 et un atelier de 150m2 qu’il met à disposition pour l’événement. Des toilettes sèches, une douche et une cuisine d’extérieur permettent l’accueil des festivaliers. Le tout, à dix minutes de vélo de la plage.
Voiturette électrique et bateau en bio-composite
Ici, pas de tickets pour les repas et les boissons. Un coup de torchon chasse les composants électroniques pour faire place à l’épluchage de légumes. Chacun participe et met dans la tire-lire en toute conscience.
Sous le hangar aux murs de pierre trône une Mini-Comtesse blanche. Une voiturette à une place des années 1970 qui avait jusqu’ici un moteur de mobylette, mais que les bricoleurs entendent bien remplacer par un modèle électrique. C’est l’un des chantiers majeurs de ces deux semaines avec la rénovation du Gold of Bengal. « A côté de nous se tient le premier bateau au monde en bio-composite », explique Cédric. Fabriqué en 2013 au Bangladesh par l’ingénieur breton Corentin de Chatelperron, il a survécu à six de mois de navigation en solitaire dans l’océan Indien et démontré la pertinence de la jute comme alternative naturelle aux fibres synthétiques. Un projet qui a mené depuis Corentin à fonder l’association Low Tech Lab, basée à Concarneau.
Maisonnette sur roues
Des voisins en somme, et qui ouvrent le même jour au public leur prototype de Tiny House autosuffisante. Une petite expédition s’organise. La maisonnette en bois sur roues, d’une quinzaine de mètres carrés, est déjà entourée de visiteurs.
Car ce prototype incarne beaucoup de promesses. Celle d’avoir un toit pour moins de 30 000 euros, tout en offrant une grande qualité de vie. De quoi se libérer des loyers, des crédits, et même des factures.
A l’avant, deux panneaux solaires assurent la production d’électricité. Les gouttières captent l’eau de pluie dans une citerne, qui après usage est rejetée en phytoépuration. Plus étonnant, deux capteurs thermiques fabriqués avec de l’ardoise et une grille de frigo chauffent l’air et l’eau de la Tiny House. Et un garde-manger ventilé dépasse d’une fenêtre à l’arrière.
Le Low-Tech Lab propose une web série autour du projet Tiny House. Ici l’épisode 4 des écolocataires Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque sur la gestion de l’eau :
« Il y a en tout une quinzaine de low tech dans cette maison . Des technologies abordables, faciles à réaliser qui répondent à nos besoins essentiels », détaille Pierre-Alain Lévêque. Il vit dans cette maison depuis le printemps pour la tester et mesurer ses performances avec des capteurs. Les plans finaux seront ensuite publiés en open source sur le site de l’association.
« On veut surtout démontrer qu’il est possible de réduire les besoins à la source, avant de penser à quelle énergie renouvelable employer. On a encore quelques réglages à faire ici et là, comme pour le poêle de masse ou la douche à récupération de chaleur mais on y arrive petit à petit ! »
Appropriation du vivant et Internet libre
De retour aux Comices, c’est l’heure de la soirée ciné. Le réalisateur Philippe Borrel est venu présenter La Bataille du Libre. Un film qui tisse des parallèles entre l’appropriation du vivant par les grandes firmes agricoles et pharmaceutiques, la lutte contre la propriété intellectuelle, et le droit à la réparation et à un Internet libre.
« Ce n’est pas un film sur le numérique mais sur la question des Communs. Sur comment cesser d’être des consommateurs passifs et reprendre notre vie en main », détaille Philippe Borrel. « Ce qui se joue aux Comices, ce qui m’intéresse, c’est le verbe Faire. Il y a ici une passerelle étonnante entre des gens de domaines très variés, comme le numérique ou le bois, et qui font des choses ensemble.»
En parlant avec les participants, on va en effet de surprise en surprise. Cela va d’une communauté écologique pour les orphelins au Maroc à la restauration des vieux catas des écoles de voile du coin.
Cryptomonnaies et dômes de terre
Dorian, lui est venu présenter la monnaie libre Ğ1 (prononcez « june »). « Notre argent c’est de la dette. Quand tu donnes un euro à la boulangère, c’est de la dette. On a besoin de repenser le système économique mondial car c’est lui qui incite à la surproduction et la surconsommation. »
Pour lui la solution est dans cette nouvelle cryptomonnaie, qui pour des raisons (assez compliquées) serait l’outil le plus simple pour verser le revenu inconditionnel d’existence…
Romane et Léa débattent de leur coté de la meilleure façon de bâtir un dôme géodésique. « C’est parti d’un projet de fin d’étude en école d’ingé, où on nous a demandé de réaliser un business model. Et on recherchait du sens alors on a inventé un projet de location sociale avec des habitats écologiques. Et puis ça nous a donné envie de nous lancer », raconte Léa.
Aujourd’hui, elles lancent un collectif nommé le Klédou afin d’organiser des chantiers participatifs. Leur prochain projet, actuellement en financement participatif, est une Kerterre, un genre de maisonnette entièrement en terre et en matériaux de récupération.
« C’est ce genre de rencontres que je recherche. Il y a tout un réseau qui se forme dans le Finistère Sud », constate Cédric, fondateur des Comices. « Aujourd’hui, tout l’argent va vers les métropoles. Et le fossé se creuse avec les périphéries. Alors que face aux enjeux du siècle, on a plus que jamais besoin du monde rural, et de partager la solidarité et les savoirs. »
En savoir plus sur le wiki des Comices du Faire.
Jean-Jacques Valette est chroniqueur en résidence 2019 du réseau Feral Labs.