Retour sur les formations hybrides d’initiation à la fabrication numérique de l’Institut Mines Telecom Atlantique, entre cours en ligne et sessions pratiques dans les fablabs et auxquelles Makery est associé.
Journée de formation chez Villette Makerz à Paris. Nous y rencontrons Baptiste Gaultier, formateur et ingénieur pédagogique, qui transmet son savoir à une quinzaine d’apprenants. Baptiste Gaultier est rennais, ingénieur de recherche à l’Institut Mines Telecom Atlantique à Rennes, l’un des trois sites avec les campus de Brest et Nantes, L’Ecole des Mines de Nantes et Telecom Bretagne ne faisant plus qu’une seule et même école formant des ingénieurs généralistes autour du numérique, des télécommunications, de l’énergie. Plus généralement l’IMT Atlantique fait de la formation à l’ingénierie et dans cette mission il propose de la formation en ligne au travers de MOOCs gratuits (acronyme formé des initiales de « massive open online course », en français formation en ligne ouverte à tous), qui se veulent ouverts dans le sens où ce sont des cours fréquentés par de grandes communautés (plusieurs milliers d’inscrits). L’objectif est de proposer des vidéos, des exercices, des cours écrits, des activités en ligne, pour aller ensuite se former en présentiel dans les fablabs sur différents aspects de la fabrication numérique. On parle de « blended learning » (apprentissage mixte, en ligne et présentiel).
Depuis 2017, Makery et MCD (Musiques et Cultures Digitales) se sont joints à l’initiative pour coproduire la première marche d’un parcours de MOOC consacré à la fabrication numérique, avec le MOOC « S’Initier à la Fabrication Numérique » (IFN). Trente personnes y participent pour la première session (on vous en parlait dans Makery).
Un succès qui encourage la Région en 2018 à renouveler l’aide à l’IMT sur le même parcours de MOOC qui comprend la brique IFN et cette fois c’est 80 demandeurs d’emploi qui sont formés, sur près de 600 candidatures. Si la demande est aussi forte c’est aussi qu’au-delà de la transversalité et diversité des débouchés que permet la fabrication numérique, la formation aboutit à l’obtention une certification de l’IMT qui vient valider chacune des compétences techniques abordées lors du parcours.
Compléter ses compétences
Baptiste Gaultier : « Nous avons développé une série de MOOCs, avec pour chacun d’entre eux une thématique visée. Au tout début nous proposons des MOOCs d’initiation à l’électronique, à l’impression 3D, à la découpe laser, aux différentes machines que l’on trouve à disposition dans les fablabs. Cela permet de comprendre ce qu’est un fablab, ce qu’il permet. Ensuite, derrière ce MOOC on vient rajouter des briques autour de thématiques plus avancées. Aujourd’hui nous en avons quatre qui tournent sur les plateformes Fun (francophone) et Edx (anglophone) et auquel on peut rentrer suivant ses compétences. »
Villette Makerz est un des lieux de fabrication accueillant le programme pour l’édition de ces MOOCs hybrides. « Ce que le participant acquiert en ligne il vient ici pour le compléter en présentiel, l’enrichir, le valider, puis il repasse sur une session en ligne et ainsi de suite, en alternance et en autonomie », précise Baptiste Gaultier. « Nous organisons les sessions de parcours hybrides depuis un peu plus d’un an maintenant, nous en sommes à la troisième promo. Nous accueillons des demandeurs d’emploi, des personnes en poste qui souhaitent compléter leur formation avec des compétences directement mobilisables dans leur travail ou dans leur recherche d’emploi. Nous avons des personnes d’horizons très différents, ici à Villette Makers aujourd’hui nous avons des personnes qui viennent de l’édition, du numérique, de l’industrie, qui souhaitent compléter leurs compétences. » Le parcours proposé n’est pas une formation métier, on sait la difficulté de cloisonner les métiers de la fabrication numérique, mais il permet de compléter un CV avec des briques de compétences valorisables sur le marché de l’emploi (nous en parlions pour la session 2018).
Les premières enquêtes menées par MCD auprès des participants montrent que la formation recrée une dynamique et sociabilité favorable à la recherche d’un emploi ou à la création d’activité. Sur les 110 demandeurs d’emploi précédemment formés (30 en 2017 et 80 en 2018-19), 63% ne recherchent plus d’emploi à cette heure, et 67% affirment que la formation à été utile dans leur reconversion / insertion professionnelle. En effet ce parcours de 4 mois favorise la maturation de projets et la mise en réseau avec des professionnels, (souvent nécessaires avant de se lancer dans l’entreprenariat) mais aussi avec des apprenants, puisque plusieurs d’entre eux se sont réunis autour de projets communs.
D’autres lieux accueille également le programme du parcours sur 2019, l’Edfab de Cap Digital, Ici Montreuil, SqyLab à Saint-Quentin-en-Yvelines. « La formation se déploie relativement facilement dans la mesure où les fablabs partagent un peu la même recette, il est facile de le réinstancier. Ainsi nous avons une session qui commence en septembre en Bretagne, une autre dans le nord de la France en 2020 », annonce Baptiste.
L’idée est d’enrichir petit à petit le parcours de MOOC avec d’autres thématiques. « On va s’intéresser cette année à la modélisation paramétrique, c’est-à-dire d’apprendre à modéliser des pièces mécaniques, des pièces d’assemblage, avec des logiciels professionnels. Cela afin de compléter notre offre existante des bases de la modélisation pour la découpe laser ou l’impression 3D afin de l’ouvrir à des machines CNC professionnelles qui peuvent travailler beaucoup plus de matériaux dans lesquelles on vient placer nos fichiers. On souhaite aussi mettre en place un MOOC thématique sur les objets connectés et la « nano grid » qui permettra aux apprenants de comprendre et suivre la consommation électrique avec des technologies issues des fablabs à l’échelle d’un bâtiment individuel ou professionnel, administratif, etc. Avec les mêmes technologies on peut avoir une vision très fine de tout ce qu’il se passe en terme de consommation énergétique, pas de la production, mais plutôt dans l’idée de maitriser sa consommation, de la réduire, soit de l’autonomiser par des moyens de petite production type solaire ou éolienne. »
A l’Edfab de Saint-Denis
La semaine suivante nous rendons visite à la formation dans les locaux de l’Edfab à Saint-Denis. Nous y rencontrons Arthur Baude qui avait formé les formateurs l’an passé, dont Lola, fabmanageuse à l’Edfab. « Cette année j’accompagne les apprenants sur certaines parties, dont Arduino par exemple aujourd’hui. Dans ce cours ici ils sont recrutés via Pôle Emploi et le partenaire MCD, la formation se passe bien, ils en sont au 2/3. Ils ont déjà fait Initiation à la Fabrication Numérique sur 4 semaines, qui est suivi de 4 semaines sur imprimer un objet en 3D, et là 4 semaines Arduino. Avec imprimer un objet en 3D ils doivent réfléchir à un projet en équipe, ils fabriquent ainsi une boîte à étage qui réunit les compétences de fabrication numérique et les compétences d’électronique. » Dans le cours actuel les apprenants démarrent sur Arduino et vont apprendre des parties plus complexes, puis commencer leur projet en équipe, pour lequel ils peuvent demander des capteurs qu’ils ne savent pas forcément encore faire fonctionner. « Ils vont pouvoir aller plus loin mais aussi apprendre à être plus autonomes, dans la mesure où on leur donne des pistes mais on leur dit aussi d’apprendre à faire par eux-mêmes. C’est assez chouette, cela se passe bien, ils s’en sortent bien », nous dit Arthur Baude.
Les profils sont très différents, il y a des compétences très variées. « Certains viennent de la musique, d’autre de l’informatique, d’autres sont commerciaux, on a déjà eu des artisans aussi. Jusqu’à l’année dernière nous étions ouvert qu’au cadre de plus de 45 ans, mais aujourd’hui nous sommes ouverts à tous et nous avons des plus jeunes et des moins jeunes. » Les apprenants se voient proposés 1 à 3h de MOOC par semaine où ils apprennent toutes les bases, « cela pourraient prendre potentiellement du temps en présentiel, ils passent le temps qu’ils ont besoin individuellement, cela nous permet d’aller plus loin ensemble en présentiel, dans la mesure où ils ont plus d’autonomie et donc on peut avancer sur des choses un peu plus poussées. » Le cours proposé dure 3h30, mais une heure supplémentaire est laissée libre pour que les apprenants puissent avancer sur leurs projets, profiter des machines et rencontrer les usagers du lab.
Pour Arthur Baude l’intérêt de ce type de modèle est d’autant plus clair qu’il fait écho à son expérience : « Je viens du design graphique et j’ai tout appris en autodidacte en ce qui concerne la fabrication numérique et Arduino et maintenant je me définis designer-maker-artiste, je mélange les trois dans ce que je fais, et de ce fait, au-delà de mélanger design et make, ce qui m’intéresse c’est que les gens ne galèrent pas autant que moi qui ait tout appris tout seul, je consacre mon énergie à vulgariser et à faciliter cet apprentissage pour que cela se passe bien au niveau des apprenants. Cela me plaît beaucoup de faire ça. » Et cela semble porter ses fruits, puisque depuis ses débuts le parcours « La fabrication numérique » fait 95% de satisfaits et 85% de certifiés.
La dernière session hybride pour l’année 2019 débutera en septembre, basée sur des prérequis et profils similaires aux précédentes, elle sera cependant accessible à partir des Comptes Personnels de Formation (CPF) ou de manière payante, soit 2900 euros pour les 90 heures de formation estimées (45 heures en ligne et 45 heures en présentiel). Elle se déroulera au tout jeune Fablab de la Verrière (Ici Montreuil). Les places sont d’ores et déjà ouvertes.
Pour plus d’information consulter le site et télécharger la plaquette.