Le 26 janvier se tenait à Bourges la dernière journée des Human Tech Days organisés par la Région Centre. Après une matinée dédiée à des rencontres professionnelles, l’événement ouvrait ses portes au public avant de s’achever par une clôture festive.
La première édition de cette semaine du numérique en région Centre-Val de Loire rassemble une cinquantaine d’événements autour de quatre journées phares entre le 21 janvier et le 26 janvier. L’histoire commence avec la création par la Région en novembre 2017 du CR’Num (Conseil Régional du Numérique), réunissant des start up, fablabs, écoles d’ingénieur, associations spécialisées. Les travaux de cette instance débouchent vite sur l’idée de construire un événement nouveau pour fédérer l’écosystème numérique régional. Cette dernière journée a été organisée à la friche l’Antre-Peaux par la Labomedia d’Orléans (avec Benjamin Cadon, membre du CR’Num) et accueillie par l’équipe d’Emmetrop et de Bandits-Mages (avec Isabelle Carlier, membre du CR’Num). Pour Catherine Lenoble membre du CR’Num, responsable du FunLAB de Tours et co-organisatrice de la journée du 26 janvier : « Chaque membre du CR’Num a construit un bout de l’événement. Cela permet au passage de mettre en lumière des initiatives que la Région ne connaissait pas encore comme les ateliers de recyclage Precious Plastic ou le fablab des Compagnons du Devoir ».
François Bonneau, le Président de la Région Centre-Val de Loire était présent à Bourges pour la clôture des Human Tech Days :
Samedi 26 janvier à Bourges, L’Antre-Peaux nous avait concocté un human tech day créatif et qui bouscule Porter un nouveau regard sur le monde…quand on sait que nous sommes tous acteurs de son changement ! www.humantechdays www.vivadavinci2019 #RCVL @PresseRcvl #HTD2019 pic.twitter.com/Yr8hVsahU2
— François Bonneau (@fbonneau) January 28, 2019
L’événement accompagne le 5e centenaire de la mort de Léonard de Vinci au Château du Clos Clucé. Pour Agnès Singulier-Bigot, Vice-présidente Culture de la Région « Ce n’est pas un hasard si les Human Tech Days ont lieu aujourd’hui. Léonard de Vinci mélangeait l’art, la technologie et la science. S’il était là, avec le numérique, il serait peut être ravi que ces domaines soient à nouveau reliés ». La journée du 26 janvier, dédiée à la valorisation des makers et structures régionales a ainsi pour mission de rassembler et de mieux faire connaître les acteurs régionaux du numérique et des Tiers lieux au grand public. Pour Catherine Lenoble, la narration de ce genre d’événement est essentielle. « Au-delà des Imprimantes 3D, montrer que la culture des fablabs et plus largement des acteurs réunis aujourd’hui repose davantage sur le fait de travailler en réseau, développer des collaborations, partager et s’entraider, faire des passerelles avec la création artistique ».
Rencontre des makers
Une cinquantaine de personnes participent à la rencontre régionale des makers. Il est question d’échanger sur les pratiques de fablabs, tiers lieux, Espaces publics numériques, arts numériques, actions d’institutions comme Les Promeneurs du net porté par la CAF. Les participants sont invités à proposer des sujets d’ateliers. En ressortent notamment : la diffusion du numérique en milieu rural, la jeunesse et le numérique, la question du lien social, la création d’un réseau régional des makers, les fablabs et les circuits courts, la médiation et les arts numériques.
Dans l’atelier dédié au monde rural on note que le développement du numérique à travers la dématérialisation des services publics est devenu inéluctable. Or il y reste encore beaucoup de peurs dans les usages et des inégalités dans l’accès aux réseaux. Un participant remarque que « le numérique socialise et en même temps peut isoler. Certaines personnes peuvent très bien ne pas avoir envie de se connecter ». Le sujet provoque une discussion. On évoque l’importance des actions de sensibilisation, la formation, la valorisation des usages mais encore la dimension artistique pour palier à ces peurs et intéresser à ces usages.
Dans l’atelier sur la jeunesse et le numérique, les forces et faiblesses actuelles des smartphones, jeux vidéo et autres écrans sont évoquées. Pour certains les déviances actuelles ne sont pas nouvelles, pour d’autres l’impact global d’un cyber-harcèlement n’ont jamais existé auparavant. La pression sociale et commerciale sur la jeunesse d’aujourd’hui est aussi inédite et nécessite d’être pensée. Un animateur d’EPN (Espace Public Numérique) remarque que si les jeunes utilisent abondamment le numérique, ils ne connaissent pas nécessairement les applications traditionnelles, comme le traitement de texte et sont en général plus consommateurs que producteurs. Une question se pose alors : comment les inciter à être davantage des makers ?
Dans l’atelier dédié aux circuits courts des participants racontent comment et pourquoi ils préfèrent acheter une imprimante 3D sur le Bon coin, ou se contenter d’un PC recyclé qui tourne moins vite. La question écologique est au cœur de la culture des fablabs. L’atelier sur la médiation et les arts numériques permet enfin d’ouvrir une fenêtre sur l’avenir. Et si un fablab devenait tout autant un lieu de diffusion que de création à travers le développement de résidences artistiques notamment s’interrogent les participants.
La création numérique en Région Centre
Une trentaine de stands et d’installations sont proposés l’après-midi. Le public découvre peu à peu ce qui se cache derrière l’image actuelle des lieux trop souvent associés aux seules imprimantes 3D. Les Compagnons du devoir sont présents. Ils développent leur propre fablab en partenariat avec le FunLAB de Tours. Pour Romain Magne, formateur au CFA « L’objectif est de permettre aux jeunes en formation de s’initier aux NTIC pour les préparer au moment où la technologie sera intégrée à leur métier ». Il cite les apprentis boulangers s’initiant à l’imprimante à chocolat ou créant des pochoirs nominatifs pour signer leurs pâtisseries. Le couvreur de demain pourra modéliser un toit en 3D afin de montrer différentes options à ses clients comme le font aujourd’hui les architectes. Un plombier peut créer un raccord en PVC ou une pièce qui ne se fabrique plus. Stand après stand on comprend qu’une nouvelle culture de l’artisanat est en train d’émerger dans les fablabs.
Le parcours de Rémi Castillo jeune Luthier Guitare installé à Bourges est emblématique de cette nouvelle génération. Après 4 ans d’apprentissage à l’ITEMM ce grenoblois s’installe dans la région. Pour se lancer il s’appuie sur le fablab de Bourges qui dispose d’une fraiseuse numérique et d’une table d’usinage. Ces instruments ne se substituent pas à la défonceuse à main et aux outils d’ébénisterie traditionnels explique t-il, mais présentent clairement des avantages quand on se lance. « Pas besoin de faire des investissements et c’est un réel temps gagné pour les modèles en série ». Pour Rémi ce qui caractérise un fablab « C’est le fait de pouvoir échanger avec des gens qui ne sont pas du même domaine et vont trouver des solutions à un problème qu’ils ont rencontré ».
C’est exactement ce dont témoignent Rebecca Fezard et Elodie Michaud de Hors Studio Tours, deux designeuses installées à Tours et travaillant sur la valorisation des déchets plastiques. L’œuvre Rivage créée pour l’occasion et Le 7e Continent mettent en lumière la question de la pollution des mers par le plastique. Elles sont conçues à partir d’acétate de cellulose récupéré sur des chutes de lunette. « Ce qu’on ne sait pas, c’est que lorsqu’on fabrique une paire de lunette, il y a 80% de déchets » explique Rebecca. L’objectif de cette revalorisation est d’ouvrir un nouveau champ de création et d’industrialisation.
Ce projet met en avant le rôle que peuvent jouer les fablabs dans la problématique de la valorisation des déchets industriels. Dans l’atelier de la matinée sur la mise en réseau des fablabs en Région la question du tri des déchets plastiques a clairement émergé. Pour Catherine Lenoble « Ce sujet peut être un des thèmes à explorer au sein d’un réseau des fablabs de la Région à constituer en lien avec les ressourceries par exemple qui disposent d’autres moyens ».
Deux salles sont dédiées aux jeux vidéo indépendants et jeux de société en Creative Commons avec l’initiative de ludothèque numérique Ludobox.net. Juan Rodriguez auteur du célèbre jeu de société Tic Tac Boum explique comment les outils du fablab lui ont permis de réaliser le prototype du jeu Décrocher la lune sorti en 2017 chez Bombyx et déjà vendu à 50.000 exemplaires. Des rééditions de jeux anciens et sous licence libre sont présentés. Senet joué par les Pharaons porte sur le rite de passage entre la vie et la mort et connaît une seconde jeunesse. Des jeux engagés indépendants à l’instar de Zone à défendre peuvent désormais exister.
Aliens in Green
A 17h, démarre la performance Aliens in Green. Vingt participants sont capturés par des scientifiques venus d’un autre monde. Ils cherchent à les alerter à propos d’une mutation que connaissent les terriens exposés aux perturbateurs endocriniens issus des industries « pétro, pharma et agro ». Pendant les 3h que dure la performance, les « abductés » auront à uriner dans une jarre, en extraire les hormones et xéno-hormones, s’initier à la diététique hormonale et cuisiner en accord, comprendre les mutations endocriniennes en cours, goûter un cocktail qu’ils décident de nommer « phéromonde », tout cela dans une ambiance ludique et sous le regard d’un public autorisé à les observer au travers de hublots. Soraya, participante, en retient par exemple « qu’il y a des associations à ne pas faire, que le céleri développe la production d’androstérone » et ressort plus ou moins bousculée par l’expérience.
Le président de la Région François Bonneau, venu à la rencontre des artistes fait état au cours d’une discussion de cette information lui ayant été transmise lors d’un déplacement : « En 2030, 25% des hommes danois seront infertiles. Je suppose que l’impact doit être à peu près le même en France ». Les avertissements des Aliens in Green ne seront donc pas de trop.
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