La quatrième édition du PIFcamp organisé chaque été dans les Alpes slovènes avait choisi pour thème cette année le néologisme de «nerdture». Retour sur ce rendez-vous qui croise nature, technologie, art et savoir.
Correspondance, Uroš Weber (texte), Katja Goljat (photos), pour Projekt Atol, Ljubljana
La 4ème édition du PIFcamp a rassemblé une cinquantaine de participants entre le 5 et le 11 août 2018 dans le village de Soča, situé près de la vallée de Trenta dans le parc national du Triglav en Slovénie. L’occasion pour hackers, artistes, designers, amoureux de la nature et activistes de la culture libriste de s’échapper des routines virtuelles de la vie quotidienne moderne.
Pour beaucoup d’entre nous qui ont participé au PIFcamp lors de ses précédentes éditions, la très attendue édition 2018 a débuté sur un sentiment agréable, mais néanmoins très inhabituel. C’était comme si la communauté temporaire PIF n’avait jamais vraiment quitté le camp et qu’en dépit de nombreux nouveaux visages, les nombreux geeks et artistes n’avaient pris que quelques jours de congés pour s’acquitter de leurs tâches dans leurs lointaines villes d’origine, avant de revenir pour faire leur rapport. Et c’est comme si tout le monde était de retour afin de développer, hacker, parler, jouer et s’inspirer. Et d’inspirer les nouveaux venus, puisqu’il n’y a pratiquement rien qui ressemble aux rassemblements périodiques et temporaires de la communauté PIFcamp. Les participants, unis par des intérêts mutuels de création, de développement et de présentation d’idées, sympathisent ici incroyablement vite, et travaillent et discutent continuellement leurs petits et grands projets.
Carte postale vidéo depuis le PIFcamp :
L’équipe organisatrice de PIFcamp n’a jamais eu besoin d’encourager les gens à développer leurs projets, mais cette année l’ambiance du premier jour était si stimulante que Tina, de l’équipe Ljudmila, l’un des principaux moteurs derrière PIFcamp, recommandait aux participants de ne pas s’engager dans trop de projets à la fois et de ne pas oublier de se détendre pendant le PIFcamping. Peut-être que l’accent était mis sur l’importance du repos pour chacun tout simplement parce que la réunion de lancement s’était déroulée dans une atmosphère électrique, induite par les vents violents d’une tempête orageuse et le son continu du clocher du village, et alors que les participants semblaient juste vouloir trouver leurs espaces et démarrer leurs projets.
Des hackers dans la nature
Le site PIFcamp est niché dans une vallée alpine sauvage au cœur du parc national du Triglav et ce cadre inhabituel pour des activités intenses de type Do-It-Yourself / Do-It-Together donne vite le ton. Voir geeks et makers plonger dans la Soča, une rivière incroyablement froide mais pourtant irresistiblement attrayante, est de ce fait un peu une marque de fabrique du PIFcamp. Comme le fait que personne n’ait à penser à faire des courses, dans la mesure où « tous les repas sont pris en charge », mais combinés au programme obligatoire de « hacker sa nourriture » en trouvant l’inspiration avec le dissident auto-proclamé Dario Cortese qui teste et impressionne les papilles gustatives du PIF avec des herbes fourragères et d’autres plantes sauvages comestibles. Néanmoins, ce n’est que cette année que les expériences de fermentation avec des plantes sauvages, cultivées localement ou emmenées avec nous, ont vraiment commencé. On ne remerciera jamais assez le pilier de la communauté qu’est Dario, l’équipe de cuisine, l’équipe du Biotehna Lab et, bien sûr, les nombreuses personnes qui ont su laisser parfois de côté soudure, gravure et code pour expérimenter des approches plus et moins conventionnelles de kimchi, kombucha, kéfir, tempe et natto.
Se sentir libre d’échouer
Et franchement, certains produits fermentés se sont en effet révélés délicieux. Personne n’aura cependant été assez précautionneux pour anticiper la possibilité de pouvoir reproduire de manière convaincante le mélange délicat des combinaisons improbables ou des ingrédients sauvages. Il y aura eu aussi d’autres tests expérimentaux de fermentation qui n’auront donné que de potentiels mixtures hasardeuses pour la santé. Mais c’est peut-être la plus grande valeur de tels événements. Pouvoir essayer quelque chose et être libre d’échouer. Et ainsi susciter peut-être encore plus d’intérêt et de commentaires significatifs de la part de vos pairs immédiats.
Bien sûr, d’autres échecs ont été enregistrés. Prenons l’exemple de Simon, qui dirigeait la partie de l’Institut Kersnikova, un des membres du consortium organisateur. Simon s’était très bien préparé, montrant même l’exemple à l’équipe. Il est arrivé avec l’intention de créer un système de détection automatique des guêpes ou des abeilles (sans arriver à se décider pour les unes ou pour les autres), pour apprendre le premier jour du camp que cette année on n’en trouvait nulle part. Bien sûr, ce n’était pas vraiment un problème, Simon a continué à s’en tenir à son programme d’origine et a retravaillé le concept en s’appuyant sur les humains comme capteurs.
Nourrissez votre nerd intérieur
Bien que l’équipe ait toujours insisté pour que soient présentés des œuvres finies ou des prototypes, que les procédures d’atelier soient structurées et la documentation technique bien organisée, il va de soi que tout échec est en réalité programmé dans l’ADN du summer camp. Comme d’autres événements similaires, le fait de se retirer dans la nature pour hacker et créer est avant tout une affaire de processus et d’activités plus que de résultats. S’il s’agit de soutenir l’enthousiasme des personnes à l’idée de créer leurs propres gadgets et outils, le plus important reste le coeur que chacun met à l’ouvrage à chaque étape. Il s’agit de la joie éprouvée quand un nouvel obstacle est franchi, en particulier lorsque vous avez à côté de vous quelqu’un qui partage les mêmes idées, la même passion ou quelqu’un qui peut résoudre de manière inattendue le problème sur lequel vous avez travaillé jusque tard dans la nuit.
Et si PIFcamp concerne l’humain et le processus de nourrir son « nerd intérieur » (et non de saturer sur le projet d’une personne trop acharnée), une autre caractéristique du PIFcamp 2018 a été la musique. Il n’y avait pratiquement pas d’après-midi ou de nuit sans un concert improvisé. Ou deux. Voire en même temps. Personne n’avait besoin d’annoncer quoi que ce soit à haute voix ou de l’afficher sur la timeline comme quelque chose à prévoir de faire. En fait, PIFcamp avec sa quatrième édition est devenu tellement spontanément auto-organisé et beaucoup plus décentralisé, qu’il n’est plus besoin de « highlights », comme les années précédentes qui pré-annonçaient 5 ou 6 grandes lignes directrices. Auparavant, ces thèmes forts étaient un moteur pour attirer les participants et les guider par des processus d’encouragement, de soutien et d’ateliers semi-spontanés qui évoluaient tout au long de la semaine. Cet aspect a été atténué cette année, car la communauté est plus diversifiée, mais aussi beaucoup plus compétente.
Ce qu’on retiendra comme « highlight » du PIFcamp en 2018 pourrait bien être le fait que le rendez-vous a suffisamment mûri en tant que format et pratique, qu’il n’a plus besoin de donner des lignes directrices. Pas besoin de battage supplémentaire. Il s’agit juste de rassembler des gens formidables qui font des choses incroyables.
Pour en savoir plus sur le PIFcamp
PIFcamp fait partie du réseau Feral Lab 2018-2020, un réseau européen organisateur de summer camps, tout comme Makery qui couvrira jusqu’en 2020 les activités des différents membres (et au-delà) et organisera son propre summer camp en France en 2019. Feral Lab rassemble Projekt Atol (Slovénie), Schmiede Hallein (Autriche), Helsingor Kommune (Danemark), Bioartsociety (Finlande), Radiona (Croatie) et Makery (France). Feral Lab est soutenu par le programme Creative Europe de la Commission Européenne.