Entre le Fab City Summit à Paris et la Fab Conference à Toulouse s’est tenu du 13 au 15 juillet le FAB14 distribué, des rencontres thématiques organisées en région par les fablabs français. Compte-rendu par les makers qui y ont participé.
Pas le temps de reprendre son souffle. A peine le Fab City Summit de Paris achevé, la communauté des makers s’est éparpillée un peu partout en France pour participer du 13 au 15 juillet au FAB14 distribué, ces événements régionaux portés par les fablabs français juste avant le coup d’envoi de la Fab Conference de Toulouse le 16 juillet.
« Le réseau français des fablabs (RFFLabs) a fait le pari d’organiser entre ces deux temps forts, le Fab City Summit et la Fab Conference, des événements décentralisés pour approfondir des thématiques spécifiques tout en mettant en lumière des territoires régionaux », rappelle Alexandre Rousselet, cofondateur de l’Atallier, le fablab de Moulins. Education, écologie, énergie, solidarité, agro-alimentation, recherche, économie et mobilité… réparties par régions, ces huit thématiques se sont posées comme des parenthèses de réflexion et de prototypage, loin de la frénésie de la Fab Conf. Toutes ont (diversement) fait le plein, à l’exception de Cahors (énergie), qui a été annulée.
«FAB14 distribué est un format nouveau, plus calme, propice à la créativité, à la co-construction et au partage.»
Alexandre Rousselet (l’Atallier)
Makery a fait un tour sur le campus de Paris-Saclay à la rencontre de la cinquantaine de chercheurs, ingénieurs et fabmanagers présents pour le FAB14 distribué science et recherche, qui auront entendu Neil Gershenfeld leur parler philosophie et impact politique des fablabs en introduction – on y reviendra. Faute de don d’ubiquité, la rédaction avait fait appel aux makers pour un après-coup distribué de ce FAB14 distribué. Merci à eux pour leurs témoignages à découvrir ci-dessous !
La recherche et la science à l’université Paris-Saclay
Le FAB14 distribué consacré à la recherche s’est assez logiquement posé à l’université Paris-Saclay, en plein cœur du cluster scientifique et technologique d’Orsay et de son vivier de chercheurs du sud parisien. Romain di Vozzo, fondateur du fablab Digiscope et coordinateur de FAB14 : « Nous voulons montrer comment recherche et fablabs interagissent. N’oublions pas qu’à l’origine, les fablabs ont été créés par des chercheurs pour mettre en pratique les interactions homme-machine et la visualisation de données. »
Tout au long de la journée du 13 juillet se seront succédées présentations théoriques des ténors des labs (Neil Gershenfeld, Peter Troxler) et démonstrations d’applications concrètes issues de la collaboration entre chercheurs et fablabs, à l’instar des Touch Tokens de Caroline Appert, chercheuse au CNRS, des petits objets découpés à la laser qui permettent d’interagir avec des surfaces tactiles. « Les exemples que nous présentons ici sont très concrets en termes de recherche, mais pas encore en tant que produits, car ils n’ont pas été publiés ou fabriqués, ajoute Romain di Vozzo. C’est donc tout l’intérêt de les présenter dans le cadre d’un FAB14 ouvert et distribué. »
L’éducation à Bataville, dans le Grand Est
Pour parler éducation, il fallait se rendre au fablab de Bataville, l’ancienne cité ouvrière bâtie autour d’une usine désaffectée de chaussures Bata en Moselle. Quelques chiffres pour illustrer ces trois jours : 4.000m2, 20 exposants, 4 fablabs mobiles, 4 food trucks, 10 projets pour le hackathon, 40 conférenciers et 500 participants.
«C’était du fablab puissance 14! Et en plein dans la résilience dans une ancienne fabcity!»
Philippe Schiesser, fondateur du fablab de Bataville
Matthieu Debar, chargé de développement au Dôme, le centre de culture scientifique, technique et industrielle de Caen, y intervenait au sujet des open badges, ces badges numériques permettant d’attester l’acquisition de compétences. Il raconte :
« L’arrivée sur le site du FAB14 distribué Educ commence par un trouble spatio-industriel. Entre Moussey, petite commune au milieu des collines, et sa voisine Bataville, cité industrielle abandonnée depuis 2001, immense et cachée, notre GPS s’y perd un peu. Les bâtiments de cette ancienne cité ouvrière se dévoilent progressivement. Nous découvrons un site immense et une architecture exceptionnelle. Un de ces territoires en friche que simples citoyens, designers, architectes, makers et autres bâtisseurs de tiers-lieux aiment à penser et re-conquérir. Avec Philippe Petitqueux (l’un des initiateurs de Badgeons la Normandie, ndlr) nous y avons construit un nouveau tiers-lieu sur tout le chemin du retour… Pour ceux qui y ont travaillé et y vivent encore, difficile pourtant de se projeter. La blessure reste trop vive. La journée commence par un mot du propriétaire de deux bâtiments, un particulier tombé amoureux de Bataville. Grâce à lui, certains bâtiments sont désormais classés monuments historiques. Le second fablab de l’Apedec (association d’écodesign, ndlr) y a trouvé ses marques. Pour ce FAB14 distribué en plein territoire rural, pas ou peu de publics locaux, mais une bonne centaine de professionnels dont des représentants d’à peu près tous les continents. Tout ce joli monde s’active autour des conférences – avec traduction en simultané s’il vous plaît ! –, des stands, du fablab et des food trucks. Le temps et magnifique, on en profite pour réseauter au frais des grandes salles de Bataville ou à l’ombre de ses grands arbres. On y parle badges ouverts, digital learning, fablabs mobiles, inclusion numérique… Un peu de foot aussi. Un très beau moment dans un très bel espace. »
A lire: le compte-rendu du FAB14 Educ par l’Atelier des chercheurs
L’écologie et la solidarité à Auray, en Bretagne
La Fabrique du Loch, le fablab d’Auray dans le Morbihan, accueillait les participants du FAB14 distribué sur une double thématique : l’écologie et la solidarité. Recyclage, protection de l’environnement et des océans, mais aussi santé et handicap étaient au programme. Sylvain Garnavault, médiateur numérique au Dôme à Caen y intervenait au sujet des robots paysans Farmbot. Là bas, il aura fait de belles rencontres :
« C’est une première fois pour moi et je suis un peu nerveux, car je dois intervenir samedi, mais je suis surtout curieux de découvrir ce que ce FAB14 distribué a à nous offrir. La ville est pleine de charme, le fablab très accueillant et les bénévoles bienveillants nous mettent immédiatement et simplement en situation de confort. Les accents anglais trouvent des variantes improbables, la programmation s’adapte au gré du temps, mais qu’à cela ne tienne, la force du collectif est bien présente et les participants aussi. France, Kenya, Sénégal, Portugal, Nouvelle-Zélande… derrière chaque projet, des makers, derrière chaque maker, une histoire, collective ou personnelle, qui rentre en résonance avec les thématiques proposées à Auray : écologie et solidarité.
Beaucoup d'echanges autour des micro-plastiques avec #universitebretagnesud et fabrication des machines @preciousplastic avec le @collectif_IDLV ! #Fab14Distributed #ecology pic.twitter.com/xTDQNFw85Z
— LabFab (@LabFabfr) July 14, 2018
Les publics se mélangent, chercheurs, ingénieurs, ingénieux, les rencontres se rythment sans jugements et se font riche de questionnements. Au fur et à mesure, c’est toute la ville qui se met au rythme de l’événement, nous voilà à parler de recyclage des plastiques avec le barman au coin de la rue, à imaginer les améliorations d’une veste vibrante sous le soleil de la place de la mairie, nous croisons les habitants qui viennent nous donner des conseils pour améliorer le projet Farmbot. De ce FAB14 distribué, je retiens évidemment les projets comme Precious Plastic, My Human Kit, Farmbot France, ou Ambassad’Air mais surtout, derrière chaque projet, derrière la technique, je retiens les hommes et les femmes qui font force, un collectif humain. »
La mobilité au Puy-en-Velay, en Auvergne
Léa Floury, coordinatrice d’OctoberMake, le séminaire du RFFLabs qui s’est déroulé en octobre 2017 à l’Attalier, était présente pour parler mobilité au Puy-en-Velay : « 41 fabbers de 21 nationalités se sont retrouvés en Auvergne-Rhône-Alpes. Au programme : mobilité des makers, des fablabs, des données, des connaissances, des compétences, des savoir-faire, des idées, des bonnes pratiques… et de la bonne humeur ! “We need more meetings like this!” nous a dit Tomo Per, du Fablabnet en Slovénie. »
Adélaïde Albouy-Kissi, directrice du Lab’ du Pensio, le fablab de l’IUT de l’université d’Auvergne qui accueillait l’événement, ajoute :
« L’enjeu était de mettre en évidence l’ancrage territorial des fablabs, qui, avec la mise en réseau d’acteurs locaux, dynamise le réseau mondial. Nous avons étudié les mécanismes d’innovation collective développés au sein d’un territoire qui permettent de passer du local au global. Cette réflexion a été nourrie par des retours d’expérience de différents makers comme May El-Dardiry, coordinatrice de FAB15 (en Egypte, ndlr) avec le projet Fablab on Wheels, Marjolaine Bert qui nous a présenté le Low Tech Lab et Benito Juarez avec le Floating Fablab, le fablab flottant développé en Amazonie.
Après un échange avec Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes devenue Fabrégion à l’occasion de la FAB14, les makers ont eu la possibilité de découvrir la ville du Puy-en-Velay et de faire une expérience totale de maker en Haute-Loire. L’objectif était de leur faire découvrir le profil pluripotentialiste des makers du département avec Patrice Fallu, qui leur a ouvert ses portes pour leur faire découvrir l’architecture particulière de sa maison restaurée en mode DiY, les plats qu’il a cuisinés avec des bières locales, ses créations de joaillerie, de couture et de dentelle au fuseau. Et aussi avec Sylvain Vessière, designer 3D qui conçoit avec le Lab’ du Pensio et Patrice Fallu des chaussures à talons à partir d’images de monuments célèbres (stade de Pékin, opéra de Sydney, etc). Une belle illustration de la mobilité des connaissances ! »
L’agro-alimentation à Albi, en Occitanie
Pour parler alimentation, agriculture et production locale, quoi de mieux que le terroir du Sud-Ouest ? Ils étaient 13 fabbers de 6 nationalités à Albi, dans le Tarn, pour prototyper entre dégustations gastronomiques et balades dans les vignobles. Bénédicte Amigues, directrice de la MJC Saint-Jean d’Escalquens en Haute-Garonne et responsable du fablab Createch, nous fait part du menu :
« Au programme, la manière de travailler la terre, l’agriculture à l’école, les jardins partagés, de la bonne nourriture locale, un maximum de repas en zéro déchet, des partages de projets autour de l’agriculture connectée et des réflexions pour relocaliser la production de nourriture afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Nous avons également fait des visites agrotouristiques et nous nous sommes préparés pour FAB14 Toulouse. Une expérience de vie fantastique, deux jours intenses en rencontres, échanges et bonne nourriture du Sud-Ouest. »
Et l'heure de la dégustation! #Fab14Distributed #agrofood pic.twitter.com/MWkFVOEaqT
— FabLab Créatech (@FabLabCreatech) July 15, 2018
C'est parti pour la visite des vignes à Gaillac avec le groupe #agrofood de #Fab14Distributed pic.twitter.com/n63uu0JMnd
— FabLab Créatech (@FabLabCreatech) July 15, 2018
L’économie à Perpignan, en Occitanie
En pays catalan, il était question de l’impact économique des fablabs. Quelques jours avant d’intervenir au Squaregolab, le fablab de Perpignan hôte de l’événement, Yann Paulmier, de la Machinerie à Amiens, nous avait livré ses pistes de réflexion.
Lancement officiel de #Fab14Eco au @squaregolab ! #Fab14 #Fab14Distributed #FabLab #Perpignan avec @cciperpignan @imerir @Occitanie @fablab_fr pic.twitter.com/FaKRcKzz2i
— Yann Paulmier (@Yann_ESS) July 14, 2018
Photo de groupe pour le #Fab14 avant le barbecue #Catalan #Fab14Distributed #Fab14Eco #Perpignan pic.twitter.com/Q9npYenu3I
— SquaregoLab (@squaregolab) July 14, 2018
Le site du FAB14 distribué