A Toulouse, un barcamp pour imaginer le spatial open source
Publié le 26 juin 2018 par Ewen Chardronnet
Toulouse accueillait le 23 juin un rendez-vous SpaceUp-Fédération consacré à l’open source spatial. On était à ce «off» du Toulouse Space Show.
Toulouse, envoyé spécial
Les rendez-vous SpaceUp sont un réseau international de barcamps sur le spatial, né en 2010 aux Etats-Unis, et dont le premier a été organisé en France en 2013. Le principe en est simple : les participants proposent une série de « unconferences », ces conférences où ils décident eux-mêmes des thèmes abordés et de leur organisation. Avec pour leitmotiv : « Pas de spectateurs, seulement des participants. »
Tandis que SpaceUp insuffle l’esprit du « New Space » américain parmi la nouvelle génération française des space enthusiasts, la France, via le Centre national d’études spatiales (Cnes), impulsait en 2016 l’initiative Fédération pour soutenir sa propre vision du spatial, en passant par le soutien aux projets open source issus du monde des makers et hackers. En 2017 naissait Open Space Makers, association dont on vous parlait cet hiver à l’occasion du lancement de son Tour de France.
Comme chacun sait, l’industrie spatiale et aéronautique est très implantée à Toulouse, avec la présence d’Airbus, du Cnes, de la Cité de l’espace, de laboratoires universitaires ou encore d’écoles comme Supaero et l’Ensica, aujourd’hui rassemblées dans l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace. C’est donc tout à fait symboliquement que SpaceUp et Fédération-Open Space Makers ont organisé un événement conjoint en « off » du salon annuel du spatial, le Toulouse Space Show, qui débute ce 26 juin.
L’espace pour tous
Le 23 juin au matin au Catalyseur, tiers-lieu du campus de l’université Paul Sabatier à Toulouse, une cinquantaine d’étudiants et d’acteurs français et internationaux de l’open source et d’initiatives citoyennes spatiales convergent pour le barcamp. L’équipe SpaceUp France présente un programme qui se partage entre interventions d’experts et sessions « grid » où chacun peut s’inscrire pour présenter son projet, une démonstration, ouvrir un débat. Michel Faup, responsable de l’innovation et de la prospective au Cnes, explique comment l’agence spatiale française s’est engagée avec l’initiative Fédération à stimuler l’écosystème des projets spatiaux issus du monde des labs et de l’open source. Damien Hartmann, président de l’association Open Space Makers, raconte comment il est passé de participant SpaceUp en 2015 à la rencontre avec Fédération et à l’animation aujourd’hui de la communauté Open Space Makers.
Les sessions « grid » ouvrent ensuite de multiples discussions : systèmes énergétiques pour Mars, écosystème toulousain, construction d’une fusée à bas coût… Deux juristes viennent éclairer les participants de leurs regards activistes sur le champ spatial : Benjamin Jean, consultant en open source et logiciel libre pour l’innovation, et Julien Cantegreil, enseignant, consultant et chercheur, qui présente le nouveau fonds de dotation Asteridea de promotion du développement durable et de la démocratisation culturelle dans le secteur spatial.
Ariel Ekblaw, de la Space Exploration Initiative du MIT Media Lab de Boston, présente une variété de projets soutenus par le MIT, de la récente conférence « Beyond The Cradle » (au-delà du berceau) sur le thème du New Space jusqu’au vol parabolique pour étudiants ingénieurs, designers et artistes organisé à l’automne 2017.
Les étudiants du MIT Media Lab expérimentent leurs protos en vol parabolique:
Les Grecs à la pointe du spatial libre
Pierros Papadeas narre l’incroyable aventure du hackerspace d’Athènes dans le spatial open source. En 2014, l’équipe de hackers grecs décide de répondre au challenge SpaceApps de la Nasa avec SatNogs, un projet de réseau open source / open hardware de stations radio au sol. Dans la foulée, ils gagnent le Hackaday Prize 2014.
Le réseau open source de stations au sol SatNogs, Hackaday Prize 2014 (en anglais):
Les lauréats devaient remporter un voyage dans l’espace, mais le hackerspace décide de convertir le prix du vol en espèces sonnantes et trébuchantes, soit 200.000€ qu’il consacre à la création de la Libre Space Foundation pour consolider son réseau de stations radio et son lieu de travail. Ils se lancent ensuite avec l’université de Patras dans le développement d’un satellite CubeSat (10cm de côté pour 1kg) pour le programme QB50 lancé par l’Institut von Karman visant à concevoir en moins de six mois une constellation d’une quarantaine de nanosats. Leur UPSat est développé en open source au hackerspace (jusqu’à la boîte blanche de manipulation protégée) et lancé en 2017 au sommet d’une fusée Atlas. La Libre Space Foundation veut aujourd’hui développer des instruments de télémétrie open source pour les fusées.
Fusées Dito
Mads Stenfatt de Copenhagen Suborbitals présente les derniers développements de cette agence spatiale associative entièrement financée par les donations. Fondée en 2008, l’initiative Dito (Doing it together) compte une cinquantaine de passionnés et a pour objectif d’envoyer le premier astronaute autonome au-delà de la ligne symbolique des 100km d’altitude (dite ligne de Kármán, où commence l’espace). Après différents essais de fusées et les scandales entourant deux de ses fondateurs (Kristian von Bengston s’embarquant pour le programme controversé de voyage sans retour Mars One et Peter Madsen condamné en avril dernier à la prison à vie pour l’assassinat d’une journaliste), l’équipe de Copenhagen Suborbitals a changé de stratégie et opte pour une activité plus modeste. Elle se réunit les week-ends et s’appuie uniquement sur les donations en crowdfunding.
Présentation du programme spatial de Copenhagen Suborbitals (en anglais):
Aujourd’hui, Copenhagen Suborbitals développe une fusée fonctionnant à l’oxygène liquide et à l’alcool, sans tour de sauvetage pour mettre l’astronaute hors de portée de l’éventuelle explosion du lanceur… Autant dire que le candidat au vol doit fortement croire en son équipe d’ingénieurs bricoleurs pour embarquer seul dans la fusée tirée depuis la mer.
Mads Stenfatt tient à nous rassurer (pas sûr que cela soit le cas…) : il est prévu d’habiller leur astronaute d’une combinaison de plongée, au cas où il atterrirait plus vite que prévu dans la mer Baltique, et l’équipe travaille intensivement au parachute de récupération. Le parachute, c’est la partie de Mads Stenfatt justement, amateur de chute libre… et de machine à coudre. Copenhagen Suborbitals doit effectuer le prochain lancement test d’un proto de fusée intermédiaire, Nexø II, cet été. Dans tous les cas, ajoute-t-il, « rien ne presse », si ça se trouve, l’astronaute qui partira au bout de cette fusée Dito sera de la prochaine génération…
En guise de conclusion à cette journée pour l’open source spatial, Damien Hartmann de Fédération-Open Space Makers et Michel Faup du Cnes ont annoncé le lancement prochain d’une plateforme web qui permettra d’accompagner les projets open source dans le domaine spatial.
En savoir plus SpaceUp France et Fédération – Open Space Makers
Toulouse Space Show, du 26 au 28 juin à Toulouse