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A l’entraînement avec les futurs astronautes citoyens

Les candidats astronautes du programme Possum en pleins préparatifs avant la séance d’entraînement. © Benjamin Pothier

L’artiste-chercheur Benjamin Pothier, après avoir exploré le désert d’Atacama façon Mars et participé à des performances d’art spatial, a assisté à un entraînement pour candidats astronautes dans le Connecticut. Récit.

Groton (Connecticut), correspondance (texte et photos)

J’avais laissé Jason Reimuller et Chris Lundeen, respectivement directeur et coordinateur de Possum, un programme d’entraînement pour astronautes orienté science citoyenne, à Santiago du Chili il y a presque un an, alors que nous venions d’escalader le plus haut volcan en activité au monde lors d’une expédition « Mars Analogue » dans le désert d’Atacama. C’est non sans une certaine émotion que je les retrouve ce matin du 13 avril dans le Connecticut, aux Etats-Unis, dans les locaux de Survival Systems, pour assister à un entraînement au vol spatial pour candidats astronautes.

Je retrouve également sur place Casey Stedman, un candidat astronaute confirmé avec lequel j’avais déjà partagé l’aventure dans l’Atacama. Après de nombreuses accolades, un café américain et quelques donuts, dans une ambiance de petite ville américaine que ne renieraient pas les scénaristes de Twin Peaks et qui ne nous quittera pas pendant notre séjour (je vous passe le saxophoniste déguisé en père Noël venu livrer un bon anniversaire musical à l’une des serveuses du restaurant du petit aéroport de Groton), je découvre petit à petit le reste de la « classe » de ce programme universitaire hors du commun.

Tous les profils sont représentés dans ce stage d’entraînement spatial.

De la science, pas de la fiction

Les parcours sont hétéroclites, tout comme les différences d’âge et de nationalité, la parité est au programme ainsi que la représentation de la communauté LGBTQ : le programme Possum tient ses promesses de former une future nouvelle génération d’astronautes commerciaux et scientifiques. Une vision du futur de l’exploration spatiale ouverte et inclusive que n’aurait pas reniée Eugene Wesley Roddenberry, scénariste historique de la série Star Trek.

La seule différence étant qu’il ne s’agit pas ici de science-fiction, mais bien de science, au sens d’une vulgarisation scientifique qui recouvre une préparation presque complète au métier d’astronaute. Si de telles initiatives apparaissent, c’est bien que le secteur spatial est de nouveau en pleine expansion.

Je suis là en tant que conseiller en astronautique accompagnant une équipe de tournage d’un documentaire international, et nous allons assister à une première mondiale qui reflète bien cette nouvelle « course à l’espace ». Les candidats astronautes du programme Possum viennent de passer deux semaines en pleine mer et dans les locaux de Survival Sytems à effectuer différents entraînements et préparations à la survie en cas d’amerrissage d’urgence.

La piscine d’entraînement de Survival Systems.

Ce matin-là, un des bords de la piscine d’entraînement de Survival Systems est occupé par une réplique de la capsule Orion de la Nasa

La réplique de la capsule Orion de la Nasa.

Les candidats astronautes vont s’entraîner à une évacuation d’urgence de cette capsule qui devrait envoyer des hommes et des femmes sur la Lune et Mars dans les prochaines années. Et ils vont le faire en testant une combinaison d’astronaute commerciale mise au point par Final Frontier Design.

Difficile de décrire l’intensité des journées qui vont suivre… Il y a d’abord le professionnalisme des candidats et de l’équipe qui les encadre, la minutie des gestes de Ted Southern, le PDG et codesigner de Final Frontier Design, lorsqu’il ajuste les combinaisons d’astronaute avant chaque test et entraînement… tout en me demandant poliment de ne pas photographier l’intérieur des combinaisons pour secret professionnel.

Il y a ensuite Ken Trujillo, ce vétéran de l’exploration spatiale, ancien instructeur de vol sur de nombreuses missions de la navette spatiale américaine et son sourire de maître zen, son calme inaltérable. Celui qui a aussi préparé les sorties extra-véhiculaires de l’ISS et participé aux entraînements au crash en pleine mer de toute une génération d’astronautes veille au bon déroulement des tests du programme Possum.

Installation à l’intérieur de la bête.

La tension est palpable avant le début de chaque test, lorsque l’équipe s’installe dans la capsule avant que l’imposant bras articulé ne la dépose au-dessus de la piscine. La seule différence avec les tests de l’âge d’or de la conquête spatiale étant sans doute la forêt de smartphones portés à bout de bras avant chaque essai…

Je retiendrai de cet environnement hypercompétitif les encouragements soutenus des candidats au bord de la piscine à chaque fois que l’un des leurs, vêtu de sa combinaison d’astronaute, s’applique plus ou moins facilement à éviter de se noyer tout en se dirigeant vers le canot de sauvetage… avec comme seul soutien ses water wings, deux bouées gonflables situées sous les épaules et chargées de maintenir sa tête hors de l’eau…

Ne pas paniquer, les bouées sont là.

Une vision coopérative du futur de l’exploration spatiale qui fait réfléchir aux capacités de l’espèce humaine à évoluer à la vue des problèmes environnementaux bien réels qui nous menacent sur Terre, et que ces candidats astronautes scientifiques auront peut-être l’opportunité d’étudier prochainement depuis l’espace.

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