L’imprimante réparable murale passera-t-elle le cap de la bonne idée?
Publié le 27 mars 2018 par Pauline Comte
Ce n’est encore qu’une maquette, mais Impro, l’imprimante réparable anti-obsolescence programmée, a déjà séduit les médias. Makery a rencontré Paul Morin, son concepteur.
Des images léchées, une thématique à la mode… En à peine quelques semaines, Impro, une imprimante 2D « verticale, robuste et réparable » a fait le tour des médias, qu’ils soient tech ou généralistes. Derrière le projet, le designer Paul Morin, 26 ans, la présente comme un moyen de combattre l’obsolescence programmée. Pour en savoir plus sur cette belle idée d’innovation écologique, qui n’a pas encore passé le cap du prototype, on a rencontré son inventeur.
Une imprimante qui dure
Durable, réparable et rationnelle, telles sont les caractéristiques de l’Impro de Paul Morin, qu’il a imaginée dans le cadre de son diplôme de fin d’études de design à l’Ensci en 2017. Le designer, qui travaille aujourd’hui pour la start-up French Bureau, nous reçoit dans les locaux de WeWork, un vaste espace de coworking parisien.
« Ça me paraissait intéressant de me demander comment concevoir un objet pour qu’il soit réparable facilement, voire modifiable », dit Paul Morin. Et comme d’ici quarante à cinquante ans, il est plus que probable que les architectes, les géomètres et les bureaux d’études auront toujours besoin d’imprimer des documents en grand format, le futur designer a planché sur le concept d’une imprimante murale. Sous la direction du designer Erwan Bouroullec, Paul Morin a élaboré une maquette d’imprimante qui optimise l’espace de travail de ces professionnels et répond aux impératifs d’un impact environnemental maîtrisé et d’usages qui durent dans le temps.
Pour lutter contre l’obsolescence programmée et rendre possible la réparation d’une pièce qui tombe en panne, le designer a cherché à simplifier la machine. La maquette qu’il a conçue réorganise et sépare les composants technologiques les uns des autres, pour que chaque pièce soit accessible et facile à remplacer.
«Dans mon parcours de design, les enjeux écologiques ont toujours été très présents. Ça me passionne depuis longtemps, parce que les problématiques environnementales remettent en question des choses bien établies dans l’industrie.»
Paul Morin, designer
Des réservoirs en plastique transparent se substituent aux cartouches d’encre afin de permettre leur remplissage et d’évaluer le niveau d’encre restant. Les emballages et déchets inutiles sont ainsi évités et l’encre utilisée lors des cycles de nettoyage est purgée, recyclée et stockée dans un réservoir pour réaliser des impressions en qualité brouillon.
Impression en attente
Présentée comme la solution miracle aux problématiques écologiques du moment, Impro n’imprime pas encore. Pour son diplôme, Paul Morin a bien réalisé une maquette. Mais il reconnaît volontiers que le premier prototype fonctionnel ne devrait pas voir le jour avant six mois.
Paul Morin n’a pas abandonné pour autant le projet. Il y travaille depuis sa sortie de l’Ensci à l’intérieur de French Bureau, une start-up sensible aux projets d’« économie positive » qui imagine des biens et services innovants pour de grands groupes. Le bureau d’innovation conçoit les modèles économiques de nouveaux produits, pour que les innovations développées en interne deviennent ensuite des start-ups.
« Ce qui est cool chez French Bureau, explique Paul Morin, c’est que tous les employés peuvent proposer leurs propres projets. Et si c’est intéressant, l’entreprise peut investir du temps humain dedans, pour ensuite aller chercher des investissements et lancer la boîte. » Ce qu’on nomme de l’intrapreneuriat. Paul Morin ambitionne ainsi de monter une start-up autour d’Impro, et travaille pour l’instant à affiner le projet avec ses collègues. Epaulé par des commerciaux et des ingénieurs, il élabore la stratégie commerciale. La petite équipe (« trois-quatre personnes ») cherche à résoudre les difficultés techniques, dans le but de mettre au point un prototype et « se positionner comme une alternative concurrentielle face à de grandes entreprises ».
Mi-février, Paul Morin et ses acolytes ont lancé une enquête pour préciser les besoins des différents types d’utilisateurs. Particuliers ou professionnels, la clientèle reste à définir. Grâce aux quelque 400 réponses obtenues, l’équipe qui travaille sur la stratégie économique de l’imprimante réparable s’attelle à définir sa cible.
Un outil pour les makers
Pour faciliter la réparation de la future machine, Paul Morin planche sur un concept de plateforme en ligne de tutos vidéo. « L’idée, c’est que toutes les étapes de maintenance soient expliquées par des petites animations vidéo et facilement accessibles sur une plateforme, qui permet aussi d’acheter des pièces détachées », raconte le designer. Il souhaite aussi encourager l’entraide entre les utilisateurs, via un forum de discussion. « C’est assez classique, mais ça n’existe pas forcément. On ne peut pas dire qu’Epson ou HP le fassent ! »
Inviter les usagers à se réapproprier l’imprimante fait partie des préoccupations du designer. Qui envisage de laisser certaines pièces maîtresses en open source pour que chacun puisse modifier, hacker, augmenter et détourner la machine de sa fonction première.
D’ailleurs, Impro séduit déjà la communauté maker. Paul Morin dit avoir été contacté par des fablabs, qui souhaitent s’équiper de l’imprimante ou proposer leur aide en mettant leurs machines à disposition pour la réalisation du prototype. Il est aussi question d’ateliers pédagogiques sur la technique d’impression et le fonctionnement de la machine au TechShop. Bref, Impro est promise à un bel avenir. Il ne manque qu’une chose : la voir fonctionner.
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