Avant de planter des arbres fruitiers, nous devons savoir si notre sol est sain. Nous avons suivi les conseils des pionniers en permaculture du Bec Hellouin et appelé à l’aide un médecin très spécial!
En permaculture, on est censé passer douze mois à observer la terre avant de passer à l’action. Pour savoir où se trouvent les poches de gel, où l’eau s’écoule naturellement, quelles plantes sauvages aiment pousser sur le terrain, où le soleil brille en hiver, etc. Comme dit le pionnier japonais Masanobu Fukuoka dans The One Straw Revolution, « la nature est l’enseignant, le paysage est le manuel ».
Mais qu’en est-il sous la surface ? Comment observer la santé du sol ? Il faut faire appel aux médecins de la terre !
L’une des premières choses que nous avons faite après avoir acheté la Grande Raisandière a été de commander une analyse aux spécialistes du sol Claude et Lydia Bourguignon. Nos amis de la ferme en permaculture du Bec Hellouin en Normandie m’ont dit qu’ils auraient dû le faire dès le début, ce qui leur aurait épargné huit années de dur labeur dans les champs !
La principale conclusion de l’analyse de notre sol est que le champ de six hectares est en phase d’acidification.
En gros, il a été coupé pour le foin deux ou trois fois par an, mais aucune fertilité n’a été mise en place – pas de compost, pas de fumier, rien. Il n’y a que deux endroits où le sol est bon : autour des deux grands chênes au milieu du terrain et au niveau des haies qui l’entourent. C’est parce que les feuilles, les brindilles et les branches qui tombent des arbres sont converties naturellement en un sol de qualité.
Les arbres fruitiers que nous avons déjà (grâce à Steve, l’ancien propriétaire) reçoivent tous le même traitement : une couverture de consoude (un accumulateur de nutriments qui pousse librement sur nos terres) ou du fumier de cheval bien mûri, et une couche de paille pour empêcher l’herbe de pousser et d’absorber tous les nutriments.
Emmanuel Bourguignon est le fils de Claude et Lydia Bourguignon, fondateurs en 1990 du Laboratoire analyses microbiologiques sols (Lams), un labo indépendant de conseil pour mettre en valeur « le sol de façon durable tout en préservant l’environnement ». Claude et Lydia sont sur le point de prendre leur retraite, Emmanuel reprend le flambeau. Il est venu nous rendre visite par une froide journée de la fin novembre et nous avons passé trois heures à inspecter la terre ensemble.
Une histoire de biomasse
Quelques mois plus tard, le rapport d’Emmanuel est arrivé. Une de ses conclusions était que nous avions besoin d’ajouter plus de biomasse à la terre en raison de l’acidification et des niveaux élevés d’argile, un fait dont nous étions conscients depuis qu’en octobre dernier nous avions curé notre mare.
Nous avions alors dispersé la boue draguée de la mare autour du champ. Une excellente nouvelle pour la fertilité de notre terre, car la boue est de la matière organique (feuilles, branches, etc.) qui s’est décomposée sous l’eau. Emmanuel, qui est arrivé quelques mois après le nettoyage de l’étang, était déjà en mesure de voir à l’œuvre les vers faisant leur travail sur la boue excavée et les premières plantes brisant la boue.
Enseveli sous trois tonnes de fumier
Nous avons récemment emprunté un camion (à moteur diesel) pour récupérer le fumier du poney club local. Étant un peu novice, ma première tentative pour déverser ma charge à la Grande Raisandière m’a conduit à enterrer le hayon du camion sous trois tonnes de crottin ! J’ai dû le dégager à la main – au grand amusement des charpentiers qui m’avaient prêté leur camion ! Et lors de mon deuxième chargement au poney club, en janvier, j’ai embourbé le camion dans notre champ très humide. J’ai dû être tiré de là par mon voisin avec son tracteur (diesel) !!!
Plus récemment, nos amis Frédéric et Khalil se sont joints à nous pour un week-end de pelletage de fumier. Le premier jour, nous avions du mal à le trouver sous la neige. Impossible par contre de perdre Khalil dans son ensemble orange et rouge !
Progressivement, nous obtiendrons plus de biomasse sous forme d’orties, de chardons et autres soi-disant mauvaises herbes (plutôt des plantes au mauvais endroit !). On en trouve partout chez nous. Nul besoin de beaucoup d’incitation pour sortir la faux ! Nous fabriquons notre compost à partir de ces « mauvaises herbes », de fumier, de paille et de tontes d’herbe en utilisant la technique des « lasagnes » que j’ai apprise à la ferme en permaculture du Bec Hellouin.
Coquilles d’huîtres et algues
Emmanuel nous a conseillé de mettre du carbonate de calcium sur notre terre, qu’on peut acheter sous forme de poudre. Mais les coquilles d’huîtres sont essentiellement faites de carbonate de calcium. Du coup, chaque fois que nous mettons la main sur des huîtres, leurs coquilles vont dans la terre (plutôt que dans la Seine, où nous les jetions auparavant !).
Et à chacun de nos voyages dans la ville natale de Blanche, à Saint-Lunaire en Bretagne, nous en rapportons un sac d’algues. Elles sont bonnes pour le sol, même si elles entraînent une réduction temporaire (15 semaines) de l’azote disponible pour les plantes, le temps que les bactéries les décomposent.
Un délai qui n’est pas bien grave puisque notre objectif est de planter des arbres fruitiers l’hiver prochain. D’ici là, nous espérons que notre traitement de fertilité naturelle aura fait la différence.
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