Thomas Tichadou est parti à la rencontre d’Européens engagés dans des initiatives locales sociales et solidaires. Après cinq mois et neuf pays visités, We Can Be Heroes est le site qui restitue son expérience.
A chaque saison ses lab-trotteurs. Régulièrement, Makery reçoit des mails enthousiastes de jeunes pas encore entrés sur le marché du travail qui demandent de relayer ou financer leur voyage en préparation quelque part dans le fabuleux monde des fablabs et des makers. Le message que nous avait envoyé Thomas Tichadou était différent puisqu’il avait déjà terminé son tour d’Europe, qu’il l’avait totalement autofinancé et ne demandait qu’à échanger sur son expérience d’itinérance studieuse pour faire connaître son projet We Can Be Heroes.
Thomas a voyagé de juillet à novembre 2017, en aménageant son itinéraire en fonction des rencontres et retours des contacts qu’il prenait auprès de ceux qu’il a nommés « heroes », des acteurs du changement sortis de l’anonymat par la grâce de son petit tour d’Europe. We Can Be Heroes est le résultat de ses pérégrinations, entretiens au long cours qu’il a entièrement réalisés et mis en ligne : du logo à la carte en passant par les photos et le site internet, tout est de lui. Son idée ? Aller à rebours des discours un peu trop formatés de la « start-up nation », pour rencontrer des gens qui, comme lui, ne cherchent pas forcément à faire carrière mais plutôt à œuvrer à leur façon, sans en faire trop côté buzz, pour « l’engagement citoyen et l’innovation sociale ».
Introspection, engagement et motivation
Depuis son diplôme de Sciences Po Lyon en 2016, Thomas Tichadou, 25 ans, a passé six mois en service civique à la monnaie locale de Lyon, la gonette, où il s’est intéressé à ces projets et initiatives qui viennent d’en bas et changent la donne (bottom-up en langage communiquant).
We Can Be Heroes était aussi pour lui « un voyage introspectif », pour « savoir ce que je voulais faire et dans chaque ville visitée aller à la rencontre des structures locales, poser les questions que moi je me pose et que je ne retrouve pas dans les portraits et reportages » sur l’économie sociale et solidaire, comme « la gouvernance ou des éléments plus personnels traitant de l’engagement et de la motivation ».
Après avoir traversé neuf pays, ce sont donc quatorze entretiens que Thomas Tichadou distille progressivement (sept ont déjà été postés sur le site, sept autres le seront mi-avril), sept hommes et sept femmes — la parité est un heureux hasard, dit-il. Ces citoyens acteurs de changements à micro-échelle dressent le portrait d’une autre Europe. Ainsi de la politologue polonaise Zofia Komorowska, qui dirige l’association d’innovation sociale Stocznia et qui par exemple a développé l’appli Lets Fix It, sur le modèle de Fix My Street, « permettant aux citoyens de prévenir les autorités en cas de problème rencontré dans l’espace public : cela peut être un dysfonctionnement, une incivilité ou encore un mobilier urbain en mauvais état », explique-t-elle à Thomas. C’est aussi Sviat Popov, 22 ans, un Ukrainien qui participe au restaurant solidaire Urban Space 500, à Kiev, « financé par les citoyens où 80% des profits sont alloués à des projets à impact social ».
Changer la donne est possible
Intégration des migrants à Berlin, fablab à Budapest, coopérative sociale en Italie de récup’ de vêtements, squatt d’un cinéma abandonné pour en faire un labo culturel et citoyen… Les initiatives sont diverses, tout comme le sont les porteurs de ces projets – ni tous jeunes, ni tous politisés… Ils dessinent ce que Thomas appelle « le non-profil de l’entrepreneur ». Ces héros ordinaires « cassent l’image du superhéros ». Ils montrent que changer la donne est possible : « Ces gens font plein de choses et arrivent à monter leur projet en s’entourant collectivement. Si ça pouvait donner des clés aux gens qui ont ce genre d’envies… », dit Thomas.
Sa démarche, très Do it Yourself, est à l’image de ces acteurs européens de la démerde et d’une économie solidaire à échelle humaine. Il dit d’ailleurs avoir « construit ce voyage à petits pas » : « J’ai lancé le projet, je vois comment ça prend, j’envisage de créer des ateliers ou conférences sur l’innovation sociale et l’engagement citoyen. Je resterai de toute façon dans l’économie collaborative et solidaire et à la rencontre des gens. »
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