Depuis déjà une semaine, la Chine fête le Nouvel an du chien… avec des lunettes dignes de Cerbère. Autour du 16 février 2018, selon la presse locale, la migration humaine et massive provoquée par cette fête familiale et nationale sera dûment surveillée par la police chinoise portant des lunettes AR reliées à un logiciel de reconnaissance faciale.
Oublions l’échec techno-élitiste de Google Glass, cette année, place aux lunettes de réalité augmentée (AR) chinoises Glxss, fabriquées par l’entreprise pékinoise LLVision Technology. Ces lunettes (de soleil) équipées d’une caméra vidéo sont déjà mises en pratique dans les provinces de Henan, Shandong et Xinjiang, dont les départements de police ont collaboré à leur développement, pour surveiller les individus passant par les points de transport durant cette période classée rouge vif.
This is not Google Glass, but facial recognition glass connected to Chinese police database. Deployed to a Zhengzhou railway station 5 days ago, it has detected at least 7 fugitives and 26 fake ID holders. #surveillance pic.twitter.com/eXrzRgORam
— FAN Wenxin (@xinwenfan) February 6, 2018
Selon le PDG de LLVision, Wu Fei, rapporte le Wall Street Journal, la reconnaissance faciale associée aux lunettes a permis d’identifier lors des premiers essais en un dixième de seconde des individus dans une base de données de 10.000 visages. Mais son application pratique pourrait être « un peu plus lente ». L’ultrarapidité du système, plus efficace que la plupart des systèmes de surveillance vidéo actuels (prévus pour identifier 1,3 milliard de Chinois en 3 secondes), est due au fait que les lunettes interrogent une base de données offline stockée directement sur l’appareil associé.
Selon les estimations chinoises, jusqu’à 120.000 voyageurs passent par la gare ferroviaire de Zhengzhou, ville capitale de la province de Henan, chaque jour. Depuis le déploiement des lunettes Robocop début février, la police chinoise y aurait identifié et arrêté 7 suspects criminels et 26 personnes voyageant avec de fausses pièces d’identité.
La Chine compte déjà un réseau de quelque 170 millions de caméras de surveillance, avec 400 millions de plus prévues d’ici 2020. L’intelligence artificielle des systèmes utilise le deep learning pour apprendre l’évolution des visages au fil du temps, pendant que d’autres seront spécialistes de la démarche individuelle, par exemple. Les Chinois peuvent désormais compter sur la reconnaissance faciale pour accéder à des immeubles, monter dans l’avion sans carte d’embarquement, retirer de l’argent à des guichets automatiques, payer chez KFC… Cette technologie a également été déployée pour nommer et humilier les piétons indisciplinés à Shanghaï ou limiter votre ration de papier toilette au Temple du Ciel à Pékin.
«In Your Face», reportage de la BBC sur l’Etat chinois «qui voit tout» (déc. 2017):
La Chine table sans doute sur l’optimisme de ses citoyens pour implémenter ces mesures autrement inquiétantes : le South China Morning Post cite une enquête récente qui indique que 65% des Chinois penseraient que l’intelligence artificielle et la robotique créeront davantage d’emplois… contre 35% des Français, 23% des Américains et 22% des Japonais. Car à quoi bon la big data à l’échelle chinoise si on ne s’en sert pas pour mieux gérer sa population ?
Selon Wu Fei, LLVision a déjà vendu des versions simples de ses lunettes vidéo (sans la reconnaissance faciale) à des clients en Europe, aux Etats-Unis, au Japon et en Afrique, au prix de 3.999 yuan (510€). Il n’a pas encore déterminé le prix des lunettes capables d’identifier nos visages…