Bioart, architecture minimaliste, haptique, impression 3D de nouveaux matériaux… revue des lauréats de la 6ème édition du concours international de fabrication numérique YouFab.
Tokyo, de notre correspondante
Chaque année, le nombre de projets concourant pour les prestigieux prix YouFab organisés par le Fabcafe Tokyo augmente, parmi lesquels une vingtaine de finalistes sont retenus et, une fois le palmarès annoncé, exposés dans la capitale japonaise. Pour l’édition 2017, 20 projets ont été sélectionnés parmi 227 œuvres et prototypes provenant de 26 pays. Les lauréats et finalistes seront exposés à la galerie Good Design Marunouchi du 9 au 23 février 2018.
La prime à l’Occident
Cette année, sur les cinq projets primés, deux œuvres artistiques sont issues des Etats-Unis, deux prototypes ont été développés en Grande-Bretagne et le prix étudiant est remis à un projet expérimental japonais. Confirmant que le succès d’un prototype est indissociable des ressources matérielles, logistiques et médiatiques qui lui sont octroyées. Le concours attire cependant toujours un grand nombre de projets nippons.
Revue des prix YouFab
Le grand prix attribué au projet Regenerative Reliquary de la bioartiste américaine Amy Karle, conçu lors d’une résidence au Pier 9 d’Autodesk à San Francisco, est à la fois une œuvre artistique à l’impressionnante esthétique et une illustration des technologies de pointe en matière de culture cellulaire et d’impression 3D de matériel vivant. Inspiré par l’ossature humaine, il s’agit d’une sorte de treillis en forme de main, imprimé en hydrogel Pegda (polyéthylène glycol diacrylate) biodégradable, qui servirait à la culture de cellules souches mésenchymateuses… Une façon très SF de faire pousser de la chair humaine à l’intérieur d’un bioréacteur-incubateur transparent. Au-delà de l’esthétique de la main lumineuse plongée dans son fluide nutritif, le concept pourrait servir à la conception de prothèses médicales personnalisées, cultivées à partir des cellules du corps du patient. En bonus, l’artiste a partagé tout son processus sur Instructables.
Amy Karle, «Bringing Bones to Life» (donner vie aux os), présentation (en anglais):
Le premier prix est attribué à Minima | Maxima, un pavillon conçu pour l’Expo 2017 d’Astana au Kazakhstan par l’architecte Marc Fornes avec son studio new-yorkais TheVeryMany. La sculpture est l’aboutissement de ses recherches autour des « bandes structurelles » d’aluminium, ultrafines et ultralégères, qui mettent en valeur les courbes autoportantes d’une architecture de maille algorithmique. Le pavillon écoconscient est devenu une structure publique permanente dans cette ville en plein développement.
Marc Fornes, «The Stripes Effect» (l’effet bandes), présentation (en anglais):
Le prix général, 3D Weaver d’Oluwaseyi Sosanya (Londres), est un métier à tisser CNC à trois axes qui tisse des motifs en fil renforcé de silicone liquide. Le textile ainsi produit pourrait notamment servir d’armure souple et plus confortable à porter en situation de combat, ou de semelles de sneakers en paysages rugueux. Ce projet de 2014 rappelle la vogue des premières imprimantes 3D spécialisées en nouvelles matières… qui attend toujours sa killer app.
«3D Weaver», Oluwaseyi Sosanya, présentation:
En collaboration avec l’association Haptic Design, le prix haptique est remis au projet très ludique The Third Thumb du designer néo-zélandais installé en Grande-Bretagne Dani Clode, un pouce prothétique contrôlé… par les pieds.
«The Third Thumb Project», Dani Clode, présentation:
Explorant un autre angle de l’haptique, le lauréat du prix étudiant est remis au projet expérimental Spring-Pen, un stylo-ressort à la pointe souple, imprimable et customisable aux préférences d’écriture et de peinture de chacun. Les membres de l’équipe conceptrice du prototype, issue du prolifique Digital Nature Group de l’université de Tsukuba, promettent de partager la recette.
«Spring-Pen», présentation:
Nos coups de cœur
Difficile de comparer les projets quand toutes les catégories se confondent (et que les contributeurs vont du medialab du MIT au maker isolé), mais voici nos deux coups de cœur.
Un pur produit maker musicien DiY avec la Modular Rhythm Machine de Nicolas Kisic Aguirre. Il s’agit d’un tambour modulaire qui permet de (dé)construire des rythmes mécaniques et visuels à partir de servomoteurs attachés à des éléments en bois. L’instrument a été développé par l’architecte péruvien lors de la Fab Academy à Providence (Etats-Unis) en 2016.
«Modular Rhythm Machine», Nicolas Kisic Aguirre, présentation:
Plus hacker et en développement constant, Noodlefeet de Sarah Petkus est un projet de robotique décalé comme on les aime. Sarah est blogueuse, makeuse, illustratrice, youtubeuse et américaine… Elle développe ses pieds de robot-nouille à la manière d’une artiste, interrogeant la part d’humanité en nous (et lui). A la faveur d’une conférence Hackaday qu’elle donnait en Californie en novembre, intitulée TastingFeet (les pieds qui sentent), un maker lui a demandé ce que sentait réellement son robot. Elle s’est alors lancée dans des tests de matières alimentaires puis a transformé une patte en distributeur de haricots… Parce qu’elle entend le faire « grandir et évoluer comme un humain ou un organisme qui mûrit avec l’âge ».
Noodle sur le terrain de jeu simulant Mars de l’Agence spatiale européenne, août 2017: