Depuis la fin de TechShop aux Etats-Unis le 15 novembre, les annonces de résurrection et démentis pleuvent. Pendant ce temps, un TechShop est inauguré à Station F à Paris et celui de Tokyo affiche un optimisme impassible.
A Paris (Carine Claude) et Tokyo (Cherise Fong)
Chez TechShop aux Etats-Unis, même quand ça va mal, on communique. Et parfois un peu trop vite. Sans crier gare, la chaîne de makerspaces annonçait le 15 novembre la fermeture de ses dix magasins aux Etats-Unis pour cause de faillite. Chez les makers, ce fut la consternation : personne n’avait vu venir la fin de cette entreprise emblématique fondée en 2006, qui avait contribué à populariser le mouvement maker en proposant à ses membres de venir bricoder sur abonnement à la manière d’une salle de sport.
It is with heavy hearts that we announce that effective today all TechShops, including TechShop Brooklyn, are closed for business. Thank you for all of the support in the short time that we've been open. For questions, please email: techshop.trustee@gmail.com. pic.twitter.com/ZPYE51QyO6
— TechShop Brooklyn (@TechshopBK) November 15, 2017
Premier coup de théâtre : le 3 décembre, Dan Woods, PDG de TechShop Inc., annonce qu’un accord a été trouvé avec un tiers pour acquérir l’ensemble des actifs de l’entreprise. Selon lui, le repreneur providentiel, Dan Rasure, aurait manifesté son intérêt pour le rachat de TechShop Inc. quelques heures seulement avant la signature définitive du dépôt de bilan, le 17 novembre. Une nouvelle entreprise, baptisée TechShop 2.0 LLC, est alors créée au Kansas le 1er décembre. Pilotée par l’investisseur et d’anciens membres de TechShop Inc., la nouvelle entité garantit avant la fin de l’année la réouverture « du plus grand nombre possible de magasins ». Un memorandum of understanding (un protocole d’accord formel actant un partenariat mais n’ayant pas de valeur légale, ndlr), est alors signé entre Dan Rasure et le comité de direction de TechShop Inc. pour sceller l’arrangement.
Mais le 12 décembre, patatras ! Le mémorandum est annulé. Doug Busch, membre du comité de direction de TechShop Inc., l’annonce sur les réseaux sociaux puis détaille les raisons de ce revirement de situation le lendemain dans un courrier adressé aux différentes parties, argumentant que Dan Rasure n’aurait pas fourni les informations garantissant qu’il avait « le capital, les équipes et la structure juridique nécessaires pour redémarrer les activités opérationnelles. » Selon Make Magazine, le comité de direction de TechShop aurait surtout émis des réserves quant aux capacités de Dan Rasure à pouvoir reprendre l’affaire en main et aurait purement et simplement annulé l’accord.
Acte 3 : Oui, mais… A son tour, Dan Rasure affirme sur Facebook le 13 décembre qu’il est toujours dans le jeu et que sa société aurait déjà avancé les fonds pour payer « l’avocat, la couverture santé des employés, certaines payes et les frais des services de messagerie » de TechShop Inc. Délicat dans ce cas de revenir sur l’accord. Pour Doug Busch, ces paiements feraient seulement partie d’un engagement à hauteur de 200.000$ pris par TechShop 2.0 dans le mémorandum pour couvrir certains frais de liquidation de TechShop Inc.
Dernier rebondissement, en date du 16 décembre : Dan Rasure refait une mise au point dans un post sur Facebook : « Nous n’avons pas encore signé d’accord, mais le cadre a été établi. » Il affirme que les magasins vont bien réouvrir comme prévu, et tacle au passage : « La semaine a été frustrante pour toutes les personnes impliquées et je pense que les choses ont échappé à tout contrôle sur les réseaux sociaux. » A voir si, quand et combien de magasins TechShop réouvriront… Feuilleton en cours.
Quid des licences internationales?
Ces soubresauts ne devraient pas affecter l’activité internationale des TechShop hors zone US. Développés sous licences, les magasins de la marque TechShop implantés à Tokyo (Japon), Abu Dhabi (Emirats arabes unis), Ivry-sur-Seine (Paris) et Lille (France) fonctionnent indépendamment du réseau américain. Et sont adossés à de solides entreprises : Fujitsu au Japon ou Leroy Merlin en France, le géant du bricolage affichant un chiffre d’affaires de 6,2 milliards d’euros. « Bien que nous partagions le même nom, TechShop, les entreprises américaines et françaises ont toujours été distinctes (…), l’aventure TechShop-Ateliers Leroy Merlin continue », réagissait d’ailleurs la direction de TechShop Ivry à l’annonce de la fermeture des magasins américains.
Une même position affichée par Dan Woods, PDG de TechShop, dès le 15 novembre : « Les sites TechShop Global (les TechShop internationaux, ndlr) ne seront pas concernés, dans la mesure où ils appartiennent à des détenteurs de licences étrangers. » Cependant, toutes les mentions concernant le sort des TechShop internationaux ont depuis disparu du communiqué officiel reprenant la déclaration de Dan Woods, sans autre indication de mise à jour ou de modification. Alors, crise de prudence juridique ou flottement quant au devenir global de TechShop ?
Triplette française
Côté français, les ambitions de TechShop restent au beau fixe : l’arrêt des activités aux Etats-Unis est sans conséquence pour la France, affirme la direction. D’ailleurs, en pleines tergiversations sur l’avenir des makerspaces américains, la licence TechShop made in France dévoilait son nouveau fleuron le 1er décembre : un makerspace intégré à Station F, l’incubateur de start-ups XXL de Xavier Niel dans le 13ème arrondissement de Paris. Après le TechShop d’Ivry (inauguré en 2015) et celui de Lille (au printemps 2017), le 3ème TechShop français joue la carte du service clés en main. Occupant une aile de 650m2 au rez-de-chaussée du campus hi-tech, il est doté d’un concept store, d’un corner pour la customisation, d’une matériauthèque, d’un espace de coworking et de plusieurs ateliers de prototypage.
« Les choses se sont construites avec Station F de manière rapide et agile, en moins d’un an », explique Maud Berenger, directrice de TechShop Ateliers-Leroy Merlin, qui pilote également le site d’Ivry-sur-Seine. « Dès le début, Station F voulait ouvrir un techlab de prototypage hardware pour ses start-ups, ils nous ont contacté pour voir quelle serait notre capacité d’accompagnement », précise-t-elle, expliquant que TechShop est locataire de Station F et a conclu un accord d’exploitation avec eux, sans donner les détails du montant.
Atelier métal, zone de fabrication additive ou encore labo d’électronique… En tout, une trentaine de machines conventionnelles et numériques (contre 150 à Ivry) équipe les espaces de prototypage sagement alignés derrière leurs verrières impeccables. « Nous avons pensé les zones pour qu’elles soient cohérentes en termes de fabrication, explique Mathilde Berchon, corporate manager chez TechShop et spécialiste de l’impression 3D. Chaque espace est conçu comme un petit parcours avec des machines réparties par usage, ce qui facilite la disponibilité et la maintenance. Par exemple, dans la zone de fabrication additive qu’on appelle la Couveuse, on trouve d’abord les imprimantes 3D, avec des machines réservées aux matériaux composites comme le bois, puis les scanners 3D, les découpes laser et enfin un espace pour le moulage et les résines. »
Pour faire tourner les ateliers, une seule équipe sera répartie entre Station F et le site voisin d’Ivry, les parcs machines ayant été pensés pour fonctionner de manière complémentaire. « Les deux lieux fonctionneront en synergie, ajoute Mathilde Berchon. Un startupeur qui aura besoin de textile ou de sublimation ira à Ivry et à l’inverse, un membre du TechShop Ivry qui travaille sur l’IoT pourra venir à Station F pour l’électronique. » Accessibles aux 1.000 startupeurs de Station F, les ateliers seront également ouverts aux membres des autres TechShop, une « communauté active de 500 membres », affirme Maud Beranger.
Pour elle, l’équilibre du business model des TechShop à la française repose sur la part croissante occupée par la formation. « Depuis février dernier, nous sommes organisme certifié, ce qui veut dire que nous pouvons faire de la formation qualifiante pour les entreprises ou les personnes en reconversion par exemple. »
700 TechShopers à Tokyo
Au Japon, TechShop Tokyo est indissociable de sa maison mère Fujitsu. Suite à l’initiative de makerspace mobile « TechShop Inside! – Powered by Fujitsu » en décembre 2014, le géant japonais a lancé l’unique TechShop asiatique en avril 2016 à deux pas de l’ambassade américaine de Tokyo. Occupant 1.200m2 du 3ème étage d’un centre commercial dans une zone d’affaires et de luxe, TechShop Tokyo propose un véritable arsenal de machines à contrôle numérique, machines à coudre et de broderie et tout ce qu’il faut pour travailler le bois et le métal, les textiles et les matières, imprimer et souder ses propres circuits en cuivre, imprimer en UV et en 3D, découper au laser, mouler le plastique par le vide… le tout dans un espace quasi industriel et une ambiance toujours professionnelle.
Dès l’annonce de la liquidation de TechShop aux Etats-Unis, le patron de TechShop Japan s’est fendu d’un communiqué pour assurer à tous les membres que rien n’allait changer à Tokyo. Affirmation répétée par Kazuhiko Seki, responsable de la communication chez Fujitsu : « Depuis l’ouverture, le nombre de membres augmente en permanence et notre périmètre d’affaires s’élargit », dit-il. TechShop Tokyo revendique plus de 700 membres, des étudiants comme des entreprises, des makers indépendants et des jeunes entrepreneurs. Selon Fujitsu, plus de 3.000 personnes ont participé à des ateliers et des événements dans l’espace depuis son ouverture.
Depuis mai 2017, TechShop Japan collabore d’ailleurs avec la start-up Quantum, filiale de l’agence de publicité TBWA/Hakuhodo (qui a racheté 15% des actions de Fujitsu), pour développer ses activités et propose désormais de l’incubation pour start-ups, du développement produit pour les entreprises, des cours de prototypage et de fabrication industrielle pour créatifs, un atelier de programmation informatique et de fabrication pour les élèves de collège et de lycée…
Très exactement une semaine après l’annonce de la fermeture des TechShop US, la boutique japonaise organisait une Still Alive Party. Jusqu’ici, tout va bien…
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