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Au Sex Tech Hack, plus vous criez, plus ça vibre

Réalité virtuelle et hilarité à la seconde édition de Sex Tech Hack, à Londres. © Elsa Ferreira

Du 24 au 26 novembre, l’association de technologie de l’université Goldsmiths à Londres organisait la seconde édition du Sex Tech Hack, toujours aussi farouchement inclusive et indé. Reportage.

A Londres, de notre correspondante

Samedi 25 novembre. Direction le campus de la Goldsmiths University, qui pour la deuxième année consécutive accueille le Sex Tech Hack, un hackathon de deux jours autour des thèmes de la compagnie, l’intimité et la sexualité dans une ancienne église transformée en atelier créatif et, pour l’occasion, en camp de hackers.

L’année dernière, à la même époque, Hacksmiths, l’association de technologie de l’université, organisait le premier hackathon sur la sexualité d’Europe. Le concept s’est depuis imposé en France, avec le SexTechLab organisé en mai dernier à l’école 42 (on vous en parlait ici) et aux États-Unis avec le premier SexTech Hackathon à New York. L’Australie accueillera le sien en février 2018.

Avec cette seconde édition, le Sex Tech Hack de Londres monte d’un cran, estime Kevin Lewis, l’un des organisateurs. D’abord, parce que l’équipe est plus expérimentée. Depuis l’année dernière, Hacksmiths a organisé une trentaine de hackathons, explique-t-il. Aussi parce que le dialogue est encore plus ouvert, grâce à une journée de présentations et de discussions. Et la cinquantaine de hackathoniens du sexe ont pu obtenir beaucoup plus de matériel électronique pour réaliser 17 projets : des moteurs de vibrateurs, des capteurs de chaleur, des capteurs flexibles… « des outils qui s’appliquent bien à ce qu’on veut faire », résume Kevin.

Dorcel veille au grain

Les prix : des sextoys bien sûr, offerts par les start-ups de jouets techno pour adultes Hot Octopuss, Mystery Vibe ou la compagnie japonaise Tenga. La fondatrice de Mystery Vibe, Stephanie Alys, déjà présente en 2016, est venue parler du difficile passage de l’idée à la mise sur le marché. Ce sera la seule présence visible de l’industrie ce week-end.

Ça n’est pas que l’industrie du sextoy ne s’intéresse pas à la technologie. Pour Kate Devlin, professeure à la Goldsmiths University, chercheuse en science cognitive, genre et sexualité, « nous sommes passés de l’ancien temps des jouets sexuels à des objets beaucoup plus avancés en matière de technologie, des appareils connectés avec une très belle esthétique ». Cette coorganisatrice du hackathon résume : « Nous sommes passés d’une phase d’ingénierie à une phase de design et c’est très important. »

En marge des sextoys produits en masse, des start-ups apparaissent qui se soucient non seulement du plaisir de leurs clients mais aussi de l’accessibilité, argumente-t-elle. Ainsi Hot Octopuss cible-t-elle ses produits pour des usages thérapeutiques, pour des personnes paralysées ou des problèmes d’érection.

Les grands noms de l’industrie sont néanmoins absents de Sex Tech Hack. « On a discuté avec les grosses entreprises, mais ça n’a pas abouti », explique Kate Devlin, qui garde néanmoins bon espoir pour les prochaines éditions. « Nous voulons qu’ils participent mais nous ne voulons pas que de leur argent, nous voulons qu’ils soient impliqués, qu’ils rejoignent la communauté. Il ne s’agit pas seulement de partenariats, il faut construire des relations avec ces entreprises. » Dorcel Lab, très présent au SexTechLab à Paris, veille en tout cas au grain (dans le tweet ci-dessous, l’un des leaders du X en France dit attendre « avec impatience le compte-rendu du Sex Tech Hack »)…

Pavlov et la simulation

Sur place, des têtes connues. Lisa Evelyn Rombout, chercheuse en science cognitive et intelligence artificielle et lauréate l’année dernière avec sa création poétique Peacock, un appareil qui s’ouvre comme une queue de paon lorsque l’environnement auquel il est relié devient humide, est de retour. Cette année, elle s’est associée avec Oli Lipski, nouvelle arrivante sur le hackathon dont les recherches portent sur l’industrie de la sextech. Leur projet s’inspire de l’auteur de science-fiction Charles Stross et ses romans saturés de sexe, et du mythe de Zeus qui, pour avoir une relation avec une femme, s’incarne en pluie d’or. « La masturbation est ennuyeuse », proclame Lisa Evelyn un brin provocatrice. Leur solution : une couverture dans laquelle sont placés des vibrateurs. Une projection en réalité augmentée agit comme un miroir magique ; l’utilisateur peut alors observer la pluie dorée tomber sur son corps en même temps que les vibrateurs stimulent les parties du corps illuminées.

Autre style pour le lit de Caroline Yan Zheng, chercheuse au Royal College of Art, elle aussi présente l’année dernière. Son équipe a mis au point Sense Me, un hamac sensoriel aux allures de lit de torture qui stimule certaines parties du corps grâce à des lanières connectées. A terme, les vibrateurs pourront être contrôlés par la voix, rendant ainsi ce masturbateur augmenté accessible à des personnes handicapées.

Kate Devlin, confortablement installée dans le hamac sensoriel :

Des hacks plus simples aussi, comme le Fake it till you make it de Sabrina Verhage, venue du Danemark où elle organise des hackathons avec Lisa Evelyn, et elle aussi récidiviste du Sex Tech Hack. Un sextoy connecté à un Arduino intensifie ses vibrations en réponse à vos gémissements : plus vous criez, plus ça vibre. Le bonus : un effet pavlovien, explique-t-elle devant une salle hilare. Bientôt, votre cerveau associera gémissements à plaisir… Le Nose Stroker permet d’apprendre à votre partenaire comment caresser votre nez, ou toute autre partie de votre corps probablement plus érogène. Un hack ludique qui, grâce à un système de points, encourage monsieur ou madame à s’entraîner.

Si Pavlov avait créé des sextoys… © Elsa Ferreira

On aime aussi Softdongs, qui remporte le prix de la personnalisation, un site web pour customiser les packers, ces objets phalliques portés par les transgenres pour apaiser la dysphorie, grâce à l’impression 3D. « Ce sont des objets très personnels mais il n’existe pas de personnalisation », explique Cam Wildridge, lui aussi présent l’année dernière (il avait alors travaillé sur un soutien-gorge connecté).

Portable également, le projet de Jo Franchetti est une écharpe connectée à Twitter qui permet de contrôler la couleur des LEDs via le compte @CheerLights. Un hack qu’elle dit vouloir implémenter sur sa robe de mariage. « Je suis anxieuse quand je ne peux pas regarder mon portable, explique-t-elle. Comme ça, je saurai que mes invités pensent à moi et me soutiennent. »

Whac-a-Dick

Cette année a aussi été celle de la réalité virtuelle (VR), avec un atelier organisé par Samsung Internet, l’un des sponsors de l’événement, pour apprendre à créer des mondes virtuels. « La technologie devient de plus en plus facile à utiliser en coût et en charge technique, explique Kevin. L’un de nos thèmes est aussi l’accessibilité et la VR présente une opportunité intéressante pour un environnement attirant sans avoir besoin d’un corps pleinement valide. »

L’occasion pour Sinead Doyle et François Hoehl, nouveaux arrivants au Sex Tech Hack, d’avancer le développement de leur application Clitocopia, un jeu en VR pour trouver le clitoris caché parmi les fruits sur le modèle de Où est Charlie. L’occasion aussi pour Oded Sharon de démontrer ses talents. Le développeur de jeux vidéo a fait le voyage depuis Israël pour participer au hackathon, où il a bricodé trois jeux. Une application qui trompe votre cerveau qui pense que ce qui vous touche (ici un doigt) est un pénis en projetant l’image dans le casque. Convaincant. Le second, une application de robot sexuel. Le malheureux cobaye, un brin gêné, devait s’adonner à des relations en VR. Le troisième, un classique d’arcade, le jeu de la taupe où vous devez provoquer le plus vite possible l’éjaculation de pénis pour les faire disparaître. Malaisant… et surtout très drôle.

Le site de Sex Tech Hack II

Retrouvez notre reportage à la première édition de Sex Tech Hack