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OctoberMake: la réunion IRL fait la force des fablabs français

Photo de famille de la 1ère édition d'OctoberMake. © Romain Angiolini

Les makers français ont répondu nombreux à l’appel d’OctoberMake, le 1er séminaire du Réseau français des fablabs (RFFLabs), à Moulins dans l’Allier du 27 au 29 octobre. On y était.

Moulins, envoyée spéciale (texte et photos)

« Lier, structurer, coordonner. » Le mot d’ordre aura été martelé tout au long d’OctoberMake, le rassemblement national du Réseau français des fablabs (RFFLabs) réuni pour la première fois en « séminaire stratégique » à Moulins, dans l’Allier, du 27 au 29 octobre. L’objectif ? Permettre à la communauté des makers français de se rencontrer une fois par an pour travailler au calme, loin de l’agitation des événements grand public.

Lancement du séminaire OctoberMake vendredi 27 octobre. 

« Dans l’année, il existe plusieurs temps forts pour les makers, comme le Fablab Festival, les Fabconférences, les Maker Faire ou encore les Open Bidouille Camps, explique Alexandre Rousselet, coorganisateur d’OctoberMake en introduction du séminaire vendredi matin. Mais d’une part, nous ne participons pas forcément à tous ces événements et d’autre part, nous avons besoin de nous réunir physiquement pour travailler en concertation dans de bonnes conditions, sans machines, ni public. »

Makers au cloître

Du calme et de la verdure, les 90 participants du séminaire n’en auront pas manqué. Au milieu d’un immense parc arboré, la première session d’OctoberMake s’est tenue à la Maison diocésaine de Moulins, une communauté religieuse active hébergeant quelques associations laïques. « C’est d’ailleurs là que le projet du fablab l’Atallier est né », dit Alexandre Rousselet, qui, sortant à peine de l’inauguration du nouveau fablab de Moulins le 21 octobre, enchaînait déjà avec la préparation du séminaire.

Rien de monacal cependant pour ce rassemblement où régnaient ripailles et esprit bon enfant, « une vraie colonie de vacances pour makers », selon Constance Garnier, l’une des participantes. Après le coup d’envoi à Moulins, le rendez-vous annuel des makers devrait devenir itinérant pour mettre en lumière les communautés régionales, en s’appuyant sur les réseaux locaux.

Des makers aux petits oignons entre bonnes bouffes et workshops.
Team building: on révise sa géographie en positionnant les fablabs sur la carte de France.

«Pas de fablab sans réseau» 

« Le RFFLabs sert aussi à coordonner les nouveaux fablabs qui se montent, en mettant à leur disposition des conseils ou de la documentation sur les services civiques, les statuts, les règlements intérieurs ou encore les tarifs machines », expose en assemblée Kévin Mazars de l’Albilab. Pour cette première édition, pas mal de nouveaux venus dans l’univers des fablabs avaient fait le déplacement. Parmi eux, Bénédicte Amigues, porteuse d’un projet de fablab au nord de Toulouse dont l’inauguration est prévue en mai 2018, était venue chercher ressources et conseils auprès de la communauté. « Je suis très contente d’être ici, car je ne conçois pas un fablab sans réseau », s’enthousiasme cette directrice de MJC qui avoue avoir découvert l’univers des fablabs il y a quelques mois à peine. « Lorsque nous avons lancé l’idée d’un nouveau fablab en métropole toulousaine, j’ai retenu le conseil de Kévin Mazars du fablab d’Albi qui nous a expliqué qu’il ne servait à rien de monter un fablab sans communauté pour le soutenir. Nous sommes donc partis du terrain avant de répondre à l’appel à projets fablabs de la région Occitanie, dont nous sommes lauréats », précise-t-elle.

Bénédicte Amigues, directrice de la MJC de Saint-Jean, future fabmanageuse.

« J’attends surtout d’OctoberMake de faire du lien, de connaître les autres et d’apprendre des bonnes pratiques », ajoute Xavier de Mazenod, directeur de l’Ecloserie numérique qui a lancé un fablab rural fin 2016 à Boitron, un village de 340 habitants dans l’Orne en Normandie. « Ici, on travaille dans une atmosphère plus intime que dans les festivals comme celui de Toulouse où on est plus dans le show ou dans la com’. »

Xavier de Mazenod, directeur de l’Ecloserie numérique à Boitron, en Normandie.

Pour le pionnier Emmanuel Gilloz, fondateur de la société de fabrication d’imprimantes 3D Open Edge (à l’origine de la FoldaRap), OctoberMake est surtout l’occasion de renouer avec le terrain. « Pendant une bonne période, j’ai fait de l’impression 3D côté industrie, mais depuis cet été, je me penche sur des thématiques liant fablabs et éducation, notamment les open badges. Quand j’ai entendu parler d’OctoberMake, je me suis dit c’est parfait, il y a un enfin un événement pour reprendre contact avec tout le monde. Et m’impliquer à nouveau dans le réseau. » Il ajoute : « Le programme Vulca m’intéresse aussi énormément car j’ai toujours pensé que les fablabs pourraient fonctionner comme Erasmus, et puis aussi FAB14. »

Emmanuel Gilloz, pionnier avec la FoldaRap, la première imprimante 3D pliable et transportable.

FAB14 au cœur des discussions

En introduction du séminaire, Bart Bakker, cofondateur du réseau Fablab Benelux a souhaité son mot de bienvenue par vidéo interposée, et pour cause. Ce maker européanophile était le parrain de ce premier OctoberMake placé sous l’égide de l’Europe, avec la présence d’une dizaine de fablabs internationaux venus à Moulins dès le 25 octobre dans le cadre du programme Vulca.

Mais ce premier rassemblement des makers français visait surtout à entériner l’organisation de FAB14, la conférence internationale des fablabs organisée en juillet 2018 un peu partout en France et dont la gouvernance est portée par le fablab toulousain Artilect, le RFFLabs et Fab City Grand Paris, une association cornaquée par WoMa, Volumes, les Arts codés et OuiShare (et dont Makery fait partie).

Présenté lors de FAB13 au Chili en août dernier, son cadre initial avait été resserré, notamment suite aux remarques de Neil Gershenfeld, père fondateur des fablabs. Pas simple en effet de coordonner pendant dix jours un événement à échelle nationale fonctionnant sur quatre tempos différents, alors que les traditionnelles Fabconférences mondiales se déroulent sur quelques jours dans une seule ville…

Après quelques remous autour des dates et quelques mises au point entre organisateurs, le coup d’envoi devrait finalement être donné par un Fab City Summit les 12 et 13 juillet à Paris, suivi par une version distribuée de l’événement dans une dizaine de fablabs en France les 14 et 15 juillet, avant d’attaquer le cœur de la conférence, du 16 au 20 juillet à Toulouse. Dans la foulée, le Fablab Festival sera ouvert au grand public le week-end des 21 et 22 juillet, à Toulouse toujours, pour conclure cet événement marathon.

Entre coordination et autonomie

A Toulouse, le classique symposium des Fabconférences mondiales sera évacué au profit de thématiques quotidiennes décortiquées lors de workshops portant sur l’alimentation (le 16 juillet), l’argent (le 17), les machines (le 18), l’accessibilité (le 19) et enfin la mobilité (le 20). Difficile de s’y retrouver ? Pas pour le président du RFFLabs, Olivier Ballerini-Gendrin : « Les choses sont claires, y’a pas de recouvrement, les événements sont bien séparés. »

Pourtant, ce n’est pas simple non plus de coordonner les actions de la version décentralisée de FAB14, intitulée « FAB+ ». Le RFFLabs propose de garder un « regard bienveillant » sur le programme, et chaque fablab sera libre de sa propre organisation. Alors que certains réseaux régionaux ont déjà bien avancé sur la question, à l’instar de la Bretagne avec la Fabrique du Loch d’Auray et son budget prévisionnel de 90.000€ pour organiser un hackathon géant environnement et santé, quelques voix discordantes se sont fait entendre sur la délicate question du financement.

Déjà bien avancé, le projet FAB14 distribué en région Bretagne est porté par la Fabrique du Loch.

« Pour accueillir 40 makers, on peut aller chercher des budgets à hauteur de 20.000 ou 30.000€ auprès des partenaires et des collectivités, on n’est pas obligés de monter plus haut », tempère Alexandre Rousselet qui rappelle que les financements peuvent être mutualisés entre fablabs. Et puis, déclare Constance Garnier, membre du comité de pilotage, histoire de couper court à toute polémique, « FAB+ distribué est aussi un moyen d’envoyer un message fort à la Fab Foundation (la fondation américaine porteuse de la charte du MIT sur les fablabs, ndlr), car la France à elle seule représente plus de 10% du réseau mondial des fablabs ».

A chaque région son thème

Objectif des organisateurs : accueillir 600 makers dans dix lieux partout en France. Des fablabs de chaque région choisissent un thème donné sur lequel il feront plancher leur communauté et les makers internationaux en visite pendant FAB14. Pour l’heure, une demi-douzaine d’événements sont calés. Côté environnement, le thème Share ecology sera porté par l’Atelier des Beaux Boulons à Auxerre et Make Ecology par la Fabrique du Loch à Auray à échelle de la Bretagne. Sur la question de l’art et de la culture, les Usines nouvelles de Ligugé (Centre-Ouest) se sont positionnées en trio avec BetaPi (Melle) et la Quincaillerie (Guéret) sur un budget de 23.000€ pour une jauge d’accueil de 40 makers (20 français, 20 internationaux), tandis que le Lab du Pensio au Puy-en-Velay s’associe avec plusieurs structures, dont Les Petits Débrouillards, la Cocotte numérique de Murat et l’Atallier pour traiter des questions de mobilité avec un prévisionnel de 40.000€ pour 50 personnes. En sous-thèmes : désenclavement, territoires ruraux, transports écologiques, tiny house ou encore transfert d’énergie.Côté agriculture urbaine et alimentation, l’Albilab portera une proposition dans la lignée la ville d’Albi qui vise l’autonomie alimentaire dans vingt ans. Enfin, la santé et la solidarité seront portées par le LabSud de Montpellier, tandis que l’éducation et la résilience partiront vers le Grand-Est. 

Edit 08/11/2017: Perpignan s’est positionné sur le thème « Fablabs et économie ».

Olivier Ballerini-Gendrin, président du RFFLabs (à g.) et Alexandre Rousselet, coorganisateur d’OctoberMake.

Après le bénévolat

En mai 2018, les fablabs devraient se rassembler à nouveau pour un ultime temps de réglage, histoire de peaufiner FAB14. « Actuellement, le RFFLabs ne fonctionne qu’avec des bénévoles. Or, nous avons besoin d’un salarié qui puisse suivre les dossiers. Dans l’idéal, il faudrait une personne par région, même à temps partiel », dit Olivier Ballerini-Gendrin. Un point de vue que le président du RFFLabs entend bien soumettre au conseil d’administration, mais également à l’Assemblée nationale le 9 novembre prochain lors de son audition par l’association des maires des villes moyennes. « Chaque communauté de communes pourrait aussi déléguer un salarié chargé d’étudier l’environnement socio-économique local qui fasse le tour des associations, des collectivités, des entreprises, des EPAD et des écoles pour voir quelle serait la meilleure réponse à apporter en termes de tiers-lieu. Pas forcément un fablab, d’ailleurs. »

En savoir plus sur le wiki du RFFLabs