Le petit Fab Space malaisien dans le grand magasin japonais
Publié le 30 octobre 2017 par Cherise Fong
Niché au troisième étage d’un centre commercial japonais à Kuala Lumpur, le premier Fabcafé malaisien a ouvert il y a tout juste un an. Visite.
Kuala Lumpur, envoyée spéciale (texte et photos)
Pour trouver le Fab Space de Kuala Lumpur, il faut d’abord passer par Isetan, « The Japan Store » qui trône au-dessus du chaos commercial de Bukit Bintang avec un raffinement et une élégance toute nipponne. Ce n’est qu’au bout de trois escalators qu’on découvre le Cube, un étage tout entier dédié à la création et la culture japonaises, avec son décor de poutres en bois croisées qui rappellent l’architecture de Kengo Kuma.
Entre une galerie d’art et un studio photo avec scanner 3D, le Fab Space, affilié au Fabcafé original de Tokyo, qui depuis 2012 gère un réseau international de Fabcafé, côtoie un café, une librairie, une pièce au style traditionnel japonais qui sert d’espace d’apprentissage… et une agence de voyage JTB pour organiser son prochain voyage au Japon.
Comme beaucoup de Malaisiens, les deux cofondateurs du Fab Space, Gwyneth Jong et Andi Ignatius, sont des fondus de design japonais. Leur volonté d’ouvrir un espace local de fabrication numérique remonte plutôt à leur désir partagé de continuer à utiliser ces machines au-delà de leur études à la fac.
Gwyneth et Andi sont en effet tous deux anciens étudiants en design graphique. Ils se sont rencontrés à la First City University College de Petaling Jaya à l’ouest de Kuala Lumpur, où ils disposaient de tous les outils et machines pour la fabrication numérique. Après avoir terminé leurs études, en 2014, ils découvrent en ligne le Fabcafé de Tokyo, et rêvent de donner eux aussi accès public à ces machines hi-tech. Ils contactent alors le Fabcafé pour leur proposer d’ouvrir un espace affilié au centre de Kuala Lumpur.
En parallèle cependant, Isetan a invité le même Fabcafé Tokyo à installer un espace au troisième étage de son plus grand magasin malaisien. Le Fabcafé original concilie alors les deux initiatives, l’une indépendante et l’autre privée, et permet le lancement du premier Fabcafé de Malaisie au sein du grand magasin japonais à Kuala Lumpur le 26 octobre 2016.
«C’est fabriqué au Japon?»
Un an plus tard, le Fab Space emploie quatre personnes à temps plein, collabore régulièrement avec des artistes japonais et malaisiens grâce à l’écosystème de l’espace Cube, organise des workshops deux fois par mois, accueille les rencontres du groupe Etsy Malaysia et vend même des kits pour assembler chez soi des projets réalisés et exposés dans ce fablab cinq étoiles.
« Tout ce qu’on fabrique est vendable », dit Gwyneth, en expliquant que dans le cadre d’un grand magasin, il n’est pas surprenant que les gens aient du mal à lâcher leur mentalité de consommateur. Un peu dans le même esprit que le service &Fab au dernier étage du magasin Loft à Tokyo, beaucoup de clients veulent customiser des produits qu’ils viennent d’acheter… chez Muji, l’autre grand magasin japonais à Kuala Lumpur, raconte Gwyneth.
Si le petit Fab Space est équipé d’un arsenal de machines de fabrication numérique (découpe laser, imprimante 3D, imprimante UV, imprimante latex, machine à broder, machine à coudre, fraiseuse…), son plus gros défi, selon Gwyneth, reste d’amener les visiteurs à s’en servir.
Les deux fabmanagers laissent le soin à Isetan de communiquer au grand public à propos de tout l’espace créatif du Cube, pendant qu’ils vont eux-mêmes dans les écoles d’art et de design pour présenter le matériel et les activités du Fab Space. Ce n’est que récemment que certaines écoles malaisiennes ont été équipées d’une découpe laser, disent-ils. Et les quelques lieux équipés de machines à commande numérique sont plutôt privés et loin du centre de Kuala Lumpur. Ce sont surtout les étudiants et anciens étudiants en design qui viennent utiliser les machines du Fab Space. Car les non-designers ne savent pas préparer les fichiers.
Un problème auquel l’équipe tente de remédier en proposant des formations aux machines, du conseil sur mesure, des workshops ludiques accessibles à tous, des enfants aux retraités, ou tout simplement une tablette pour dessiner selon ses désirs. En espérant inciter le plus grand nombre sans discrimination à réaliser des objets uniques à partir d’idées ou d’images qui leur tiennent à cœur.
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Ce samedi après-midi, le Fab Space propose ainsi un workshop pour fabriquer un synthétiseur encaissé dans une jolie boîte de musique personnalisée au laser. En trois heures, pour un prix de 150 ringgits (30€), les participants, dont un ingénieur du son, apprennent à souder les composants électroniques pour produire les sons avant d’assembler la caisse en bois et la graver avec leur propre design. Résultat : un instrument de musique électronique d’une apparence à la fois impeccable et unique.
Comme à Singapour, disent les fondateurs, les communautés malaisiennes de makers et de hackers ont leurs propres réseaux en dehors du mainstream. Mais comme au Japon, ici, le mot « maker » évoque moins le geek bricodeur DiY avec le nez collé à son fer à souder que l’artisan numérique qui sait passer habilement de la conception artistique à l’objet physique. Une image plus élégante que n’importe qui pourra s’approprier, grâce à la démocratisation croissante des outils de fabrication dans un cadre accessible, amical et clean comme le Fab Space au centre de Kuala Lumpur.
Le site du Fab Space à Kuala Lumpur