Artisan’s Asylum, le berceau des robots géants à Boston
Publié le 17 octobre 2017 par Ewen Chardronnet
C’est au makerspace Artisan’s Asylum, l’un des plus grands ateliers partagés des Etats-Unis, qu’est né MegaBots, dont le mégarobot EaglePrime combat ce mardi son rival japonais Kuratas. Visite.
Somerville, envoyé spécial
A 4h du matin, ce mardi, ils seront nombreux à regarder le combat d’EaglePrime contre Kuratas sur Twitch. Ces deux robots géants se sont affrontés dans une aciérie désaffectée cet été au Japon, l’un conçu par la start-up américaine MegaBots, l’autre par le Japonais Suidobashi Heavy Industry. Si MegaBots est depuis 2014 installée en Californie, l’aventure mécatronique ludique a commencé à Somerville, dans la banlieue de Boston, chez Artisan’s Asylum. A un mile à peine au nord-est de l’université de Harvard, ce makerspace géant est installé dans un ancien entrepôt industriel sans fenêtre, le long d’une voie ferrée, avec pour voisins l’espace communautaire des amateurs d’escalade Brooklyn Boulders Somerville et la brasserie Aeronaut Brewing Company.
Le robot EaglePrime de MegaBots (en anglais):
Un makerspace pour roboticiens et artisans
En 2010, Gui Cavalcanti, ingénieur robotique amateur de science-fiction et des jeux BattleTech et MechWarrior, travaille chez Boston Dynamics sur les robots LS3, Petman et BigDog. Il rêve d’un espace et d’outils pour développer des robots fantasmatiques. Avec son amie costumière Jenn Martinez, qui cherche à partager des machines textiles, ils cofondent alors Artisan’s Asylum (l’asile de l’artisan) à Somerville, afin de fédérer les makers et artisans chevronnés de la région.
Derek Seabury, actuel directeur exécutif, nous fait visiter cet espace de 3.700m2 initialement dédié à la robotique, mais qui s’est rapidement transformé en lieu de mise en commun de machines et savoir-faire.
«Tout se fait sur la confiance»
Sept ans plus tard, et après plusieurs agrandissements, le makerspace accueille douze « shops » : électronique, joaillerie, cycles, découpe bois, laser, métal, CNC, peinture, textile, travaux métalliques de précision et deux ateliers multi-usages. Il compte 400 adhérents et chaque membre peut y venir à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. « Ils sont ici chez eux », dit Derek.
Ce makerspace associatif propose des cours, de l’apprentissage, des microstudios personnels, de l’espace de stockage et de l’accompagnement de projets de fabrication. « Il n’y a pas de règles réellement édictées, tout se fait sur la confiance, explique Derek. Nous voulons que les personnes soient à l’écoute, qu’ils entendent le “hey, tu ne devrais pas faire comme ça, tu pourrais te blesser” ou “pourquoi tu ne ferais pas plutôt comme ça”. »
Lutter contre la gentrification
Les équipements et consommables sont souvent mutualisés. « L’idée était que chacun ramène ici le matériel qu’il ne veut pas jeter depuis des lustres, explique Derek. On se dit toujours que ça servira un jour, et on garde des trucs parfois des années sans s’en servir… » Dans l’atelier électronique, on trouve en effet tout ce qu’on veut. « Avec les frais de port, ça coûte quasiment la même chose d’acheter cent exemplaires que les vingt dont on va avoir besoin. Ici, on partage le surplus. Il suffit de fixer la ligne entre déchets électroniques et dons. » Derek affirme qu’Artisan’s Asylum est à l’opposé de l’esprit des fablabs dont la maison-mère se trouve non loin de là, au Center for Bits and Atoms du MIT à Cambridge : « Notre objectif n’est pas d’avoir la dernière machine hors de prix, mais plutôt de lutter contre la gentrification en offrant des cours, des formations et un lieu de travail mutualisé aux gens du quartier. »
Dès sa création, Artisan’s Asylum a ainsi accueilli une variété de fans de robots, de vieilles machines et d’adeptes de savoir-faire artistiques et artisanaux, de développeurs d’imprimantes 3D et autres CNC (comme l’équipe de Black Cat Labs), des bricoleurs « skunkadelics » (des skunks works de l’aéronautique) qui ont conçu de folles créations pour des événements comme le Hungry Tiger Festival de Somerville, les festivités du 4 Juillet, Burning Man ou encore des éditions répétées de la Maker Faire.
De Artisan’s Asylum à MegaBots
En 2012, l’équipe de roboticiens d’Artisan’s Asylum lève 98.000$ sur Kickstarter pour développer Stompy, un robot hexapode géant (à six pattes) pouvant accueillir deux personnes. Ce qui permet notamment au makerspace de s’équiper d’une CNC industrielle Multicam, d’une ShopBot, d’une découpe jet d’eau et d’une découpe plasma, autrement dit du matériel nécessaire pour découper les éléments des jambes des robots et du châssis. L’aventure des robots mécatroniques géants est lancée.
En 2014, Gui Cavalcanti crée avec Matt Oehrlein l’entreprise MegaBots. Les deux hommes rêvent de lancer une ligue sportive internationale de combats de robots géants pilotés par des humains et parviennent l’année suivante à réaliser une levée de fonds de 2,4 millions de dollars ! Artisan’s Asylum devient trop petit pour MegaBots… et l’entreprise déménage en Californie.
En 2016, MegaBots lance un défi à son rival japonais Suidobashi : un affrontement, sur le terrain de leur choix, entre EaglePrime, leur robot géant de 4,9m et 12t, et Kuratas, un poids plume de 4m pour 6,5t. « Construire quelque chose de gros et y coller des armes, c’est tellement américain, répond Kogoro Kurata, le fondateur de Suidobashi. Mais les robots géants font partie de la culture japonaise, on ne peut pas laisser un autre pays gagner ! » Les deux entreprises se donnent un an avant le grand combat. MegaBots réunit entretemps 500.000$ sur Kickstarter pour mettre à jour son robot. Le spectacle peut commencer…
Le défi lancé par MegaBots à Suidobashi (en anglais):
Les sites de Artisan’s Asylum et MegaBots
Voir le combat sur Twitch et, d’ici une semaine, sur la chaîne YouTube de MegaBots