Ce 28 septembre, avec 1.000 invités, des funambules, de la réalité augmentée et des petits fours végés, ouvre en Provence thecamp, «campus européen de l’exploration du futur».
Aix-en-Provence, envoyée spéciale
Les vitres sont encore sales et le gazon (artificiel) de l’amphithéâtre en plein air est en cours de pose. Les camions s’activent pour finaliser les équipements sportifs du futur, tandis qu’un groupe de « pionniers » entament un yoga du rire. Les pionniers ? Les premiers « campers » qui ont eu le droit de découvrir thecamp avant sa « bêta ouverture » – les guillemets soulignent le jargon de thecamp, mélange d’anglais, français et vocabulaire de l’innovation –, prévue ce jeudi 28 septembre, devant un parterre de 1.000 personnes (le président Macron a longtemps été annoncé mais ne devrait finalement pas venir…).
thecamp donc, est un lieu comme la France n’en connaît pas (encore ?), tout neuf, bâti au fin fond du pôle d’activités d’Aix-en-Provence, à 18km de la ville, flanqué de garrigues côté vallée de la Duranne (une tannée pour y aller, même si l’emplacement, à 5mn de la gare TGV d’Aix-en-Provence, a été âprement conquis par le fondateur de ce campus du futur). Un bâtiment en forme d’ovni sous canopée (treize bâtiments circulaires sur deux étages entourent des placettes avec olivier, jardin japonais et fontaine interactive), qui incarne le projet d’un « écosystème disruptif ».
Un projet provençal d’inspiration californienne
Une université de la singularité française ? Le projet provençal s’est inspiré de son équivalent de la Silicon Valley pour tout ce qui concerne son mélange de compétences pour réfléchir, expérimenter ensemble des innovateurs, des start-upeurs, des entrepreneurs de grands groupes européens, des makers, des artistes bidouilleurs, des « mentors » experts du design d’interaction ou de l’intelligence artificielle, des universités…
Pourtant, pas de gourou transhumaniste aux manettes, plutôt un projet un peu fou voulu par un entrepreneur de la hi-tech, Frédéric Chevalier, qui n’aura pas le bonheur de se faire applaudir jeudi : il est mort dans un accident de moto avant l’été, à 52 ans. L’ex-pdg de HighCo, le Xavier Niel provençal, avait fait fortune dans les solutions numériques d’influence du comportement des acheteurs. Et se battait depuis 2013 pour imposer sa vision d’un « endroit privilégié où l’on pense le monde, l’avenir, on travaille les ruptures, on innove et on expérimente », comme il l’expliquait en avril 2017. S’il a mis de sa poche (12 millions d’euros) pour sortir le projet de terre, il a néanmoins réussi à faire de thecamp un projet public-privé : avec un budget de 80 millions, réparti entre collectivités locales (région, département, métropole et CCI, uniquement sour forme de prêts à taux zéro), et une quinzaine de partenaires privés comme Accenture, La Poste, Cisco ou encore Vinci (36M€ pour l’immobilier, dont 26 du privé, 41M€ de fonctionnement pour cinq ans, dont 20 du privé).
A une semaine de l’ouverture, l’équipe (68 personnes) n’a pas encore vidé tous ses cartons et passe son temps à se chercher… Les bureaux, l’auditorium, la cafétéria (100% végétarienne), sont encore en rodage. Déjà, des groupes de visiteurs découvrent les lieux.
Sur 6 hectares, thecamp égrène tous les équipements possibles et imaginables (11.000m2 de bâti en chantier exemplaire, durable, zéro déchet, « écoresponsable », signé du cabinet marseillais d’architectes Corinne Vezzoni & Associés) : des bureaux bien sûr (depuis la microsalle de réunion jusqu’à l’espace enfants en passant par la salle de test de VR-AR), un fablab que gèrera ICI Marseille (une nouvelle antenne d’ICI Montreuil qui ouvrira en janvier 2018), un restaurant, un café, des résidences pour artistes, makers, prototypeurs, et 18 studios à l’arrière du bâtiment, une piscine en eau naturelle, des terrains de sport (dont un de foot connecté et une « salle de sport du futur » portée par une start-up locale qui y expérimentera son concept), un amphithéâtre pour des spectacles et représentations en extérieur… Et, à venir d’ici quelques mois, deux jardins, « un en permaculture, l’autre en prototypage d’agriculture urbaine », explique François Creton, le vice-président de thecamp.
Le futur est demandé à la cafétéria
Tandis que le vice-président organise les premières visites, ses deux petites filles dans les pattes, racontant ce théâtre de la ville du futur qui n’attend plus que ses acteurs (les « campers », donc), les premiers échanges opèrent : deux « pionniers » qui organiseront prochainement des workshops d’intelligence collective ont rejoint le barcamp du jour proposé par la Data Literacy Conference de la Fing, les trois organisateurs d’une cartopartie OpenStreetMap discutent avec d’autres régionaux de l’étape à la cafétéria…
Codeurs, makers, artistes et managers de l’innovation
La veille, on avait discuté avec l’équipe qui va accueillir les premiers « hivers » (on ne prononce pas « hiver » à la française, mais « aillever », de l’anglais hive, ruche) : Eric Viennot, pionnier français du jeu vidéo narratif et Sylvia Andriantsimahavandy sont les deux « head » de la Hive, l’artiste Djeff Regottaz en est le « program designer » (ou « sinon facilitateur », convient-il) et Tiphaine Pitoiset, « program manager ». La Hive, c’est la résidence collaborative de prototypage du monde de demain qui a conduit Makery à aller voir de plus près ce projet qui convoque à peu près tous les mot-clés du moment (en anglais de préférence, on a même entendu deux membres français de l’équipe se parler en anglais et le revendiquer…). La Hive est un programme de six mois de résidence tous frais payés et défrayés pour des artistes, makers, designers, codeurs, plutôt jeunes mais pas exclusivement, avec pour objectif de les faire participer à « changer le monde ».
La toute première installation interactive thecamp (Eric Viennot, réal. Bruno Samper, agence Nedd):c
La première promotion débarque cette semaine (il en est prévu deux par an), avec un parfait découpage hommes-femmes (10-10), Français-étrangers (10-10), un mélange équilibré de codeurs, makers, artistes et managers de l’innovation. L’idée ? Les faire collectivement réfléchir et développer cinq à six projets autour des océans, de l’éducation, et de la mobilité. En alternant des séquences « réalité du terrain » et « agile walk », c’est-à-dire des visites des ports de Marseille et de Fos-sur-Mer, du Zinc à la Belle de Mai ou de la gare d’Aix TGV (un partenariat entre thecamp et la SNCF prévoit d’ailleurs la mise en place de la Demoiselle, un véhicule autonome qui relierait la gare TGV à thecamp à travers la garrigue…), des rencontres avec l’auteur de SF Alain Damasio ou Judith Grumbach, réalisatrice d’Une idée folle, le docu sur les « changemaker schools » (les écoles qui font changer le monde selon l’ONG Ashoka), des pitchs de projets et du prototypage au fablab sur place (ou à ICI Marseille en cas de besoin). Fin mars, on se fera une idée des premières réalisations des « hivers ». A priori, on n’a pas fini d’aller voir ce qui se trame du côté de thecamp…
En savoir plus sur la résidence the Hive de thecamp