Moins d’un quart de la population au Cameroun accède à l’Internet. EduAir développe une solution pour diffuser des contenus numériques pour l’éducation.
Douala, correspondance
Comment faire profiter du numérique aux villages les plus reculés, à ceux qui, isolés, ne bénéficient que de peu de courant électrique et d’une connexion internet inexistante ? Au Cameroun, le taux de pénétration d’Internet est encore très faible (21%) et le coût pour y accéder reste le plus souvent très élevé. Ajoutez à cela une capacité d’accueil des établissements de formation très faible et vous aurez une petite idée du défi que relève la start-up EduAir.
Montée autour de Yann Nkengne, un jeune entrepreneur qui est aussi contributeur technique de la fondation Wikimedia, par une équipe de passionnés (que j’ai rejoint il y a peu), EduAir a pour but de proposer à tous une plateforme permettant d’accéder à distance, avec ou sans connexion internet, à des contenus pédagogiques et culturels de qualité, localisés, provenant des meilleures sources.
Pour rendre la solution abordable, il a fallu repenser local, en repartant de ce qui se fait dans le monde des makers. Un Raspberry Pi, la plateforme Wikipédia hors-ligne Kiwix et un logiciel maison, le tout embarqué dans une plateforme Raspberry Pi 3 pour la première version, puis sur un Intel Nuc lorsque le besoin de disposer de plus de puissance de calcul s’est fait sentir. Concernant la tablette, un Raspberry Pi avec écran et une couche logicielle dédiée au système d’exploitation Raspbian permettent de proposer une solution tactile accessible et reproductible. Et surtout, détail non négligeable, on peut se procurer tous ces éléments au Cameroun.
Dès lors qu’un prototype a fait la démonstration de l’outil, le projet a intéressé les universités comme les écoles. Il faut dire que d’autres pays, comme la Côte d’Ivoire, où la solution est basée sur Emmabuntüs et Jerry, y ont déjà pensé. Jusqu’au ministère camerounais des Postes et télécommunications qui a décidé d’accompagner la start-up dans sa démarche d’agrément auprès du ministère de l’Education. EduAir a également reçu le prix de la meilleure start-up EduTech 2016 au Cameroun et a été lauréate à la COP22 de Marrakech dans la catégorie Edutech.
EduAir vient de lancer une offre de franchises pour permettre l’utilisation de la solution dans d’autres pays, afin de diffuser la solution technique tout en favorisant un développement par de petites entités locales. Et à chaque utilisateur sa solution : les contextes sont très variés, depuis la bibliothèque de l’université de Douala jusqu’aux fablabs mobiles et aux projets de bibliobus.
Pour les grandes infrastructures, l’entreprise propose le EduAirPipeline, une solution installée chez les opérateurs permettant aux bénéficiaires d’accéder aux contenus depuis leur connexion personnelle sans avoir à payer un quelconque forfait data. Cette solution astucieuse, vu le fort taux de diffusion des smartphones en ville, permet aux étudiants de profiter au maximum des contenus proposés par leurs établissements, mais aussi à terme de s’auto-évaluer et de collaborer pour la préparation de projets communs.
Formation en ligne
A l’Institut universitaire de la Côte (IUC) et à l’université de Douala, les professeurs comme les étudiants peuvent désormais mettre en ligne des supports de cours, des exercices, les ateliers et vidéos réalisés lors des rencontres du club Arduino, en complément des kits achetés par l’établissement. Le but à terme : « Nous souhaitons rendre chaque étudiant entrepreneur de sa formation en participant à sa construction, explique un des directeurs de l’IUC. Chaque protagoniste a sa pierre à apporter, quelles que soient sa condition ou sa formation, peu importent ses notes. » La plateforme permet aux étudiants accusant un léger retard de niveau de mettre en valeur leurs compétences et résultats de travaux personnels, facilitant ainsi le travail de suivi des enseignants qui peuvent les orienter vers les domaines dans lesquels ils pourront réussir.
Cette plateforme pourrait jouer un rôle très important pour la formation professionnelle au Cameroun. Beaucoup d’étudiants ont un petit job informel qui vient compléter leur salaire d’apprenti ou de stagiaire et n’ont par conséquent pas le temps ou les moyens de venir aux cours du soir, souvent éloignés de leur lieu de travail. Cette solution numérique leur apporte ce qui leur manquait pour réussir : une formation à la maison, adaptée à leurs besoins, et surtout bien plus accessible que les nombreux sites web dont les forfaits ne sont pas adaptés aux revenus d’un étudiant camerounais.
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