La communauté Global Open Science Hardware (Gosh) s’est réunie du 22 au 25 mars à Santiago du Chili. Makery a demandé à Freyja van den Boom, chercheuse et membre d’Open Knowledge International, qui y participait, de nous raconter.
Santiago, correspondance
L’an dernier, la communauté Global Open Science Hardware (Gosh) avait tenu sa première rencontre au Centre européen de recherche nucléaire (Cern) en Suisse. Le « Sud Global » étant une orientation forte du Manifeste Gosh, le Chili est devenu la destination cette année pour faire grandir la communauté et discuter des étapes à franchir pour mettre en œuvre les objectifs du réseau. 90 Goshers de plus de 30 pays et 5 continents, dont 30% d’Amérique latine, se sont réunis à l’université pontificale catholique du Chili à Santiago.
Feuille de route Gosh
Le mouvement Gosh cherche à réduire les barrières entre créateurs et utilisateurs d’outils scientifiques, de manière à encourager et soutenir l’accès à la connaissance. Bien qu’un nombre croissant de personnes dans le monde développent et utilisent du matériel scientifique ouvert, il n’existe toujours pas de communauté suffisamment forte et auto-organisée pour conduire ce changement social dans les institutions.
C’est pour cette raison que le mouvement Gosh a vu le jour en 2016, avec l’organisation d’une rencontre rassemblant un petit groupe de développeurs, utilisateurs et penseurs parmi les plus actifs de la communauté du matériel scientifique ouvert afin de discuter sur les façons d’engager ces changements côté institutions. À l’issue du premier rendez-vous au Cern, le Manifeste Gosh était né. S’appuyant sur ce manifeste, le rendez-vous de 2017 s’est donné pour mission de penser une feuille de route qui réponde à l’objectif suivant :
«Rendre omniprésent le matériel scientifique ouvert d’ici 2025.»
Le premier jour de Gosh2017 invitait les participants à présenter leurs projets et partager leurs expériences. Une manière de mieux comprendre la grande diversité de la communauté, ses besoins et les challenges à relever pour favoriser l’adoption de matériel scientifique ouvert.
Comment ouvrir le matériel scientifique
Jorge Appiah de Teaching and Research in Natural Sciences for Development in Africa (Trend) a insisté sur le besoin de workshops et de cours intensifs en fabrication de matériel de laboratoire ouvert, mentionnant notamment le cours prévu prochainement à Ibadan au Nigéria.
En recherche et expérimentation scientifiques, les chercheurs sont très dépendants des outils qui leur permettent de collecter les informations dépassant les capacités de la perception humaine. Il suffit de penser aux microscopes qui nous permettent de voir des choses invisibles à l’œil nu. Mais l’intérêt du matériel scientifique ouvert réside dans des applications qui vont au-delà de ce qu’un chercheur peut réaliser dans des laboratoires correctement financés et bien équipés.
Les Suisses de GaudiLabs fournissent par exemple des espaces créatifs permettant aux personnes de travailler librement comme de conduire une recherche ouverte en utilisant de la technologie open source. Ils ont développé GaudiLabs mobile, un ensemble de boîtes et outils portables, concepts et formats qui peuvent être proposés à n’importe quelle institution, espace public ou événement de manière à créer un espace de laboratoire temporaire de collaboration rassemblant des personnes issues de divers horizons.
L’importance de reconnaître la diversité a été soulevée dans d’autres projets et discussions. Max Liboiron a présenté des instruments de mesure DIY et des chaluts de collecte développés par le Civic Laboratory for Environmental Action Research (Clear), un laboratoire féministe associatif d’océanologie basé en Hollande et spécialisé en science citoyenne et mesures de l’impact environnemental de la pollution plastique.
Le plus souvent, les personnes les plus affectées sont dans l’impossibilité de se procurer les instruments industriels standards requis pour cibler les plastiques océaniques. Pour le dire autrement, les protocoles scientifiques dits « universels » ne prennent pas les facteurs locaux en considération. L’alternative proposée par le matériel open source permet à n’importe qui de mener des investigations sur son environnement et des actions à partir de ce qu’il en apprend.
Andrew Thaler a évoqué l’importance d’une océanographie pour tous et expliqué l’openCTD, un instrument océanographique open source bon marché qui permet de mesurer la conductivité, la température et la profondeur à l’aplomb vertical. Il devient urgent de proposer des instruments low-cost à la vaste population des usagers de la mer afin qu’ils puissent explorer et comprendre les océans, en particulier quand ceux-ci sont leur unique source de revenus.
Matériel libre et licences
Un autre sujet abordé durant Gosh fut la question des licences et du système juridique actuel qui empêchent la fabrication, le partage et l’amélioration ou l’adaptation de produits existants. Le Cern à Genève développe la Cern Open Hardware License pour partager des designs qui sont explicitement et légalement ouverts. Dans une veine similaire, l’Open Source Hardware Association a développé un programme de certification pour aider à la fois les producteurs et les consommateurs à mieux comprendre ce qu’est le matériel open source et comment répondre à la Définition 1.0 de l’Open Source Hardware (OSHW) :
«Open Source Hardware regroupe les conceptions matérielles réalisées publiquement et disponibles de manière à ce que n’importe qui puisse étudier, modifier, distribuer, créer et vendre un design ou un produit basé sur ce design.»
Open Source Hardware, définition 1.0
La communauté du matériel scientifique ouvert répond en partie à la question de l’accès par le partage de designs, de plans et de documentations approfondies des pratiques afin de permettre à d’autres d’utiliser, de s’approprier et d’améliorer les projets.
Microscopes open source
Les membres du réseau de bio-art open source Hackteria ont développé le Hackteria Microscopy Stage Kit, dont les utilisateurs continuent d’adapter le design pour répondre à leurs propres besoins (esthétiques).
Capteurs cérébraux open source
L’OpenBCI est une plateforme d’interfaçage cerveau-machine open source. N’importe qui peut utiliser les systèmes de capteurs cérébraux et imprimer ou acheter le casque permettant de capturer l’activité électro-encéphalographique (EEG). Les fichiers du casque à imprimer en 3D sont disponibles sur GitHub.
Art & science open source
Les capteurs sont également utilisés dans des projets où l’art rencontre la recherche scientifique. Pulsum Plantae s’intéresse par exemple à la sonification de l’activité bioélectrique de différentes plantes.
Some of the #opensciencehardware on display at #GOSH2017 was strikingly #beautiful. More beauty in #science please! pic.twitter.com/YTHc7JDakl
— Max Liboiron (@MaxLiboiron) March 23, 2017
Documentation
Puisqu’une documentation claire est vitale pour permettre aux autres de comprendre, utiliser et reproduire les projets de matériels, il n’est pas surprenant qu’une des initiatives ayant émergé de Gosh ait été un journal.
Le Journal of Open Hardware est un journal en libre accès qui veut offrir une plateforme aux concepteurs de matériel où ils pourront déposer et disséminer leur travail, comme aux chercheurs qui pourront y publier leurs travaux sur les projets de matériel ouvert. L’objectif est de rapprocher les pratiques expérimentales de design, de fabrication et de dissémination de matériel entre communautés professionnelles, académiques et non-académiques.
Politics of tools session by @PublicLab where we unpack the political design of repurposed objects #GOSH2017 pic.twitter.com/UrHmVW6bBy
— GOSH (@GOSHCommunity) March 25, 2017
En complément des présentations et discussions, du temps et de l’espace ont été dédiés au partage de compétences et aux collaborations autour de projets actuels ou futurs, avec des intérêts particuliers pour la mesure environnementale, l’empowerment citoyen par la science et les pratiques artistiques impliquant du matériel scientifique.
Pour en savoir plus sur le mouvement Gosh, le Manifeste et la feuille de route: suivez #GOSH2017 ou visitez Openhardware.science
Freyja van den Boom, chercheuse, est chargée de projet chez FutureTDM (structure européenne de valorisation de l’exploration de données) et membre d’Open Knowledge International