Et les grands gagnants du toucher sont… Réponse au Fabcafé Tokyo où, du 26 mars au 2 avril, sont exposés les prototypes gagnants des Prix du design haptique. Si ces prix, organisés par le Embodied Media Project de l’université de Keio, n’en sont qu’à leur deuxième édition, les lauréats, choisis parmi 70 projets proposés par des chercheurs, artistes et designers, n’en sont pas moins touchants. Rappelons que les Prix Youfab, également exposés au Fabcafé Tokyo et promus par le réseau japonais Loftwork depuis 2012, ont commencé par s’appeler les Prix du design à la découpe laser…
Moins spectaculaires que les gadgets robotiques et numériques de Youfab, plusieurs des lauréats haptiques sont aussi résolument analogiques. Dans notre réalité de plus en plus numérique et virtuelle, il est rafraîchissant de noter que ce concours privilégie le haptique, moins au sens électrique et artificiel qu’au sens premier et sensoriel. Une occasion de remettre en contexte physique les technologies haptiques actuelles en remontant aux origines du toucher pur et simple.
Le grand prix, Edge User Interface du professeur Shigeya Yasui, est un parfait mariage du bricodage Arduino et du DiY artisanal pour un prototype qui plaît aux universitaires comme au grand public. A partir du concept de l’interrupteur électrique, Yasui a façonné en argile différents modèles d’arêtes en relief qui, selon qu’on les effleure du doigt en glissant à droite ou à gauche, allument ou éteignent la lumière. Toujours selon les variations de relief, évocatrices de runes, l’interrupteur en argile peut aussi servir de variateur d’ambiance.
Les premier prix font tous deux appel aux perceptions primordiales de l’enfance. Dans la catégorie œuvres, Tsumishi (« papier empilé ») de Minami Kawasaki réinterprète les blocs de construction incassables des bébés en objets géométriques ultrafragiles fabriqués en papier artisanal washi léger et transparent. Et donne la sensation de manipuler des guimauves comme des bulles.
Dans la catégorie des idées, Lip Service des non-fumeurs Kyoko Kita et Kentaro Sako cherche à augmenter les cigarettes, électroniques ou pas, et autres sucettes pour adultes, de différentes textures qui stimuleraient les lèvres.
Plus hi-tech, WIM, conçu par trois étudiants du Royal College of Art, est une combinaison qui peut recevoir des informations sur le mouvement implicite du corps afin d’activer l’expansion, la contraction et la vibration de muscles artificiels. Les applications iraient de la rééducation physique à l’entraînement des athlètes en passant par le partage du mouvement à plusieurs.
Autre wearable qui pourrait augmenter nos expériences virtuelles, le prototype commercial Hapbeat de Yusuke Yamazaki est une ceinture qui enrichit nos perceptions musicales (à l’instar du métronome Pulse de Soundbrenner).
Cross-Field Haptics, de Satoshi Hashizume du Digital Nature Laboratory à l’université de Tsukuba, utilise le fluide magnétique et l’adsorption électrostatique pour rendre des textures haptiques de façon à mieux représenter les organismes vivants dans les milieux pédagogique et hospitalier.
Réconciliant artisanat traditionnel et interface pour non-voyants, Connect Project de Akira Ohira, inspiré par le tissage japonais saori de Misao Jo à Osaka en 1972, propose un langage à partir de nœuds. Une manière de nous relier les un(e)s aux autres à travers les fils d’une activité accessible à tous.
Plus ludiques, jouant sur les émotions évoquées par l’anthropomorphisme, Cover de l’artiste Megumieda Kuroda se présente sous forme de masque à peluches, tandis que 傘ぶくろくんの手 (« main de housse à parapluie ») est une housse plastique pour parapluie qui se termine en gant figurant une main de bébé à cinq petits doigts dégoulinants.
Lorsque tout objet et toute action possède une âme palpable, semblent dire les organisateurs du concours, le design haptique nous rend plus sensible à notre environnement et plus compatissant aux autres.
Exposition des Prix du design haptique au Fabcafé Tokyo jusqu’au 2 avril