Solutions pour un futur plus respirable
Publié le 9 janvier 2017 par Nicolas Barrial
Les pics de pollution se multiplient, à Paris, Chamonix ou Pékin. Leurs conséquences sanitaires font peur: des morts par milliers, une espérance de vie diminuée… En attendant une hypothétique mobilisation internationale, des prototypes font déjà rimer pollution et solution.
La pollution tue plus que la grippe et il n’existe toujours pas de vaccin. Les Chinois ont déjà anticipé le problème, qui restent calfeutrés chez eux ou sortent masqués. Circulation alternée, masques anti-pollution… Comment concevoir des attitudes responsables et à la portée de tous ? En partageant ses informations sur les taux de particules fines dans l’air, en s’équipant de foulards et masques filtrants la pollution… Une nouvelle tendance, initiée par l’artiste chinois Brother Nut et sa brique de pollution fabriquée à partir de l’air de Pékin en 2015, envisage la pollution comme une matière première. Prototypes et nouveaux usages pour apprendre à vivre avec la pollution.
La pollution à Pékin le 2 janvier 2017 (20mn en 12s), par Chas Pope:
Un indice qualité de l’air pour et par tous
Fondée en 2015 par Romain Lacombe, la start-up française Plume Labs propose de relever les indices de pollution sur le modèle bottom up, c’est à dire par les individus eux-mêmes, pour compléter le modèle top down des associations type Airparif. En 2016, Plume Labs avait séduit les Londoniens avec Pigeon Air, une patrouille de pigeons équipés de capteurs qui cartographiait la pollution de l’air en temps réel (on vous en parlait ici). En ce début d’année, la start-up a pris la direction du salon CES de Las Vegas, du 5 au 8 janvier 2017, pour faire parler de Flow, son capteur connecté et portable de mesure de la qualité de l’air pour la maison, l’extérieur ou les transports. Et en est revenue auréolée d’un CES Innovation Award 2017.
Présentation du capteur Flow de Plume Labs (en anglais):
Si Plume Labs, Speck ou encore Tzoa proposent des solutions clés en main pour suivre la qualité de l’air, des capteurs DiY, comme ceux de la série de modules MQ, permettent de fabriquer son propre système pour quelques euros. Ils sont capables de distinguer différents type de gaz et peuvent être couplés avec des cartes Arduino pour l’exploitation des données.
Afin de prévenir des dangers de s’appuyer sur des données inexactes, l’agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA) a mis à disposition du public en 2015 un ensemble de ressources, le Air Sensor Toolbox, pour la fabrication des systèmes d’analyse DiY.
2017, l’an 1 du vêtement anti-pollution
Lorqu’elle fonde Wair en 2015, Caroline Van Renterghem s’appuie sur le constat que si l’environnement évolue, notamment via la dégradation de la qualité de l’air, le vêtement, lui, ne change pas. Pour corriger ce paradoxe, Wair propose une gamme de foulards anti-pollution. Ses écharpes et tours de cou abritent un masque en mousse qui épouse la forme du visage et filtre 99% des polluants (microparticules, pollens, gaz et bactéries) et se connecte à une application. Wair est sorti victorieux de sa campagne de crowdfunding sur Ulule en 2016 (34 666€ collectés sur un objectif de 15 000€) et faisait partie de la délégation French Tech au CES début 2017. Le foulard est disponible en pré-commande (de 65 à 105€ selon les modèles) pour une livraison au printemps.
Présentation du foulard anti-pollution Wair:
La pollution, nouvel or noir?
Le Graviky Labs fondé par l’ingénieur indien Anirudh Sharma a développé Kaalink, un appareil qui se fixe sur le pot d’échappement d’un véhicule pour transformer les émissions de particules fines en encre d’impression ou de peinture et l’encre Air-Ink (littéralement l’encre à air). Développé dès 2014 au MIT Media Lab, ce nouvel « or noir » comme l’appelle Anirudh Sharma, composé de carbone, est purifié par un procédé chimique. Durant l’été 2016, une campagne à Hong Kong pour populariser Air-Ink a mobilisé des graffiti artistes pour transformer la pollution en outil pour rendre la ville plus belle. Les marqueurs et stylos Air-Ink, selon leur épaisseur, utilisent 30 à 50mn d’émission de particules d’une voiture pour 30ml d’encre.
Présentation d’Air-Ink (en anglais):
Béton durable au CO2
L’entreprise américaine Solidia Technologies a imaginé remplacer l’eau par du CO2 pour produire du ciment. Résultat : la fabrication de ce ciment durable réduit les émissions de carbone jusqu’à 70% et l’eau qui intervient dans le processus est recyclable entre 60 et 100%. Qui plus est, le procédé améliore la qualité du ciment. Les Français sont de la partie puisque Air Liquide s’est associée à la start-up en 2016 pour développer et fournir le système d’injection de CO2, qui sera distribué en France par le groupe Lafarge. Un coup double pour Air Liquide qui sera aussi le fournisseur exclusif du dioxyde de carbone utilisé dans les technologies brevetées par Solidia.
La brique qui aspire la pollution
Les systèmes de filtrage de l’air intérieur des bâtiments sont encombrants et énergivores. Partant de ce constat, Carmen Trudell, professeur-assistante à l’école d’architecture de Cal Poly en Californie, a mis au point Breathe Brick, une brique designée selon le principe de l’aspirateur cyclonique. Les particules nocives sont entraînées par une distribution de cavités et finissent dans un collecteur à la base du mur. A vider après quelques mois. Le système qui élimine 30% des polluants et 100% des poussières est peu coûteux et s’adresse aux pays émergents où les règles environnementales font souvent défaut.