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60 millions de Français, tous fichés!

Toutes les données biométriques des Français vont être enregistrées dans un unique fichier. © CC0 public domain

Si le gouvernement voulait le faire passer en douce, c’est raté. La polémique enfle autour du mégafichier TES (titres électroniques sécurisés) instauré par décret en catimini le dimanche de la Toussaint. Son objet ? La création d’une base gigantesque pour centraliser les données biométriques de tous les Français.

L’affaire, dévoilée par Nextinpact, est de taille : le fichier TES, qui existe déjà pour les passeports, va être élargi aux cartes d’identité. Etat civil, filiation, taille, couleur des yeux, photo numérisée, signature, e-mail, téléphone… Les données sensibles de près de 60 millions de personnes seront cataloguées dans un seul et unique fichier pour y être conservées entre 15 et 20 ans, au motif de lutter contre la fraude des pièces d’identité. Or, le fichier pourra être réquisitionné par voie judiciaire et surtout, être utilisé à des fins de renseignement.

La première charge a été portée par le Conseil national du numérique (Cnnum). Dans un communiqué du 7 novembre, l’institution s’insurge contre ce fichier « qui laisse la porte ouverte à des dérives aussi probables qu’inacceptables », pointant le risque de piratage massif et un inacceptable fichage généralisé des citoyens. Une première depuis le régime de Vichy…

Le ton monte au sein même de l’exécutif. Dans un entretien publié le même jour dans L’Opinion, Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique et de l’innovation, dénonce un décret « pris en douce », qualifiant la manœuvre de « dysfonctionnement majeur ». Elle explique qu’il n’a fait l’objet d’aucune réunion interministérielle et n’avoir été informée de son existence que « le jour de sa signature ». La place Beauvau a répliqué sans attendre. Dans une lettre adressée au président du Cnnum, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve affirme que le projet de décret a été travaillé « dans la plus grande transparence », « après les consultations ministérielles habituelles », taclant au passage la secrétaire d’Etat.

Le Cnnum, qui demande la suspension du fichier, regrette « une opacité qui contraste fortement avec les objectifs affichés par les pouvoirs publics en matière de transparence, sans compter qu’elle s’inscrit à rebours de la démarche de consultation initiée par Axelle Lemaire sur les décrets d’application de la loi pour une République numérique ». A un mois du sommet mondial Open Government accueilli par la France, ça fait désordre…