«Hacker Citizen»: 50 idées DiY pour hacker la ville
Publié le 11 octobre 2016 par Carine Claude
Un bonnet pour éblouir les caméras de surveillance, un banc public transformé en abri… «Hacker Citizen» est un livre de recettes pour se réapproprier l’espace urbain. Pour Makery, son auteur, le designer Geoffrey Dorne, en dévoile trois.
Un manuel ? Un guide ? Une compil’ ? Hacker Citizen s’effeuille plutôt comme un vade-mecum soft de l’hacktivisme urbain. Avec son livre aux allures de roman graphique, le designer Geoffrey Dorne dresse l’inventaire rafraîchissant de 50 bonnes idées micro-subversives pour hacker la ville, se réapproprier l’espace urbain et « réenchanter le quotidien ».
Dans le collimateur de ce diplômé de l’Ensad (École nationale supérieure des arts décoratifs), la surveillance généralisée, les dispositifs de reconnaissance faciale, la ségrégation urbaine ou encore l’uniformisation des villes. « J’ai commencé à m’intéresser à ces sujets en 2009 au moment des manifestations sur la loi Hadopi, explique-t-il. J’ai fait du hacking citoyen mon sujet de diplôme. » Il se lance alors dans l’élaboration de prototypes de design anti-surveillance pour générer des identités numériques aléatoires, cartographier les caméras de vidéo-surveillance, se protéger du tracking sur Internet.
L’idée le poursuit, de la fondation Mozilla où il travaille avec Tristan Nitot, fondateur de Mozilla Europe, en passant par le Commissariat à l’énergie atomique, la Quadrature du Net et l’Ensadlab. Sa série de protos finit par devenir un projet éditorial qui compile ses créations et d’autres idées glanées sur le Net. « Au fur et à mesure de mes recherches, j’ai repéré des centaines de projets d’artistes, de hackers, d’hacktivistes, tous ceux que j’ai contactés ont accepté de figurer dans le livre », se réjouit-il.
En mai 2016, il lance avec son éditeur une campagne de financement participatif sur Kickstarter et rafle 35 957€ (sur 9 000€ d’objectif), plus de 1 000 contributeurs ayant mis la main au porte-monnaie. Hasard de calendrier ? La campagne avait été lancée au plus fort du mouvement Nuit Debout. Geoffrey Dorne, qui se défend de tout opportunisme, explique plutôt le succès de cette campagne par une convergence de préoccupations citoyennes : « Nos premiers lecteurs sont des designers, des bidouilleurs et des makers, des hackers et des personnes engagées comme le Parti pirate, mais aussi des gens qui l’ont acheté pour leurs enfants. Faire du design, c’est faire des choses pour les autres. En soi, c’est déjà un regard politique. »
Organisés par grandes thématiques — surveillance, partage, ville, culture, nature —, les hacks de Geoffrey Dorne nécessitent peu de matériel ou d’électronique. Pour Makery, il livre trois des recettes de Hacker Citizen : un bonnet pour déjouer les caméras de surveillance, un banc public transformé en abri et l’identification des points d’accès gratuits à l’électricité en ville.
Le bonnet infrarouge anti-surveillance
Le bonnet infrarouge fait partie du projet de diplôme de Geoffrey Dorne. « Une envahissante pollution liberticide nous est imposée au quotidien : celle des caméras de surveillance, qui nous filment où que nous nous trouvions dans l’espace urbain. La moindre des politesses eût été de nous demander notre avis, de nous offrir une illusion de choix. Regagnons le droit de choisir avec ce bonnet infrarouge, qui se porte au niveau du visage, des yeux ou de la tête, et qui nous assure une protection contre ces caméras. Chapeauté de LEDs dégageant une lumière infrarouge, invisible pour l’œil humain, ce bonnet est cependant capable d’éblouir les caméras de surveillance et ainsi de nous restituer notre anonymat. »
Matériel
– Un bonnet sur lequel fixer vos LEDs ;
– Deux projecteurs infrarouges pour caméras de surveillance ;
– Une batterie externe pour alimenter le tout.
Montage
– Démonter les projecteurs et conserver toutes les LEDs infrarouges ;
– Les brancher sur la batterie externe à glisser dans votre poche ;
– Coudre les LEDs sur votre bonnet.
L’abri banc
« Et si l’on repensait les bancs parisiens ? C’est la question que s’est posée Florian Rivière [ndlr : un artiste hacktiviste strasbourgeois dont le terrain de jeu fétiche est l’espace public] dans l’optique de réinventer la fonction singulière de ces bancs mythiques. Avec un simple tournevis et un peu d’audace, vous allez pouvoir transformer un banc en un abri, directement dans la rue. »
Matériel
– Un tournevis et de la cordelette ;
– Une bâche, des couvertures de survie ;
– Un banc.
Montage
– Dévisser les quatre planches qui servent d’assise au banc ;
– Les placer en croix de part et d’autre du dossier du banc ;
– Recouvrir cette cabane improvisée en attachant la bâche à l’armature.
L’électricité gratuite
« Il reste beaucoup de personnes, dans notre société, pour lesquelles l’accès à l’électricité est loin d’être une évidence : pensons aux réfugiés, aux SDF, ou dans une moindre mesure aux nomades du numérique. Les points d’accès à des prises électriques existent, mais comment signifier leur présence et leur gratuité dans la ville ? Créez votre plus beau symbole à base d’une flèche et d’une prise, munissez-vous d’un pochoir et arpentez les rues pour rendre visible ce bien invisible. »
Matériel
– Du carton ;
– De la peinture rouge (en bombe par exemple) ;
– Un crayon, un cutter ;
– Un chargeur de téléphone qui se branche sur une prise.
Montage
– Dessiner votre symbole qui mentionne la présence d’une prise accessible à tous ;
– Découper ce symbole pour en faire un pochoir ;
– Découvrir ces prises de rues et vérifier avec votre chargeur que la prise fonctionne bien ;
– Peindre votre pochoir de façon bien visible pour signifier l’emplacement de cette prise.
«Hacker Citizen», par Geoffrey Dorne. Editions Tind, bilingue français/anglais, 24,90€