Makery

La maison flottante dans la campagne japonaise

La maison DiY de Rob et Yuka est capable de résister aux inondations, même si le risque est très faible à 500 m au-dessus du niveau de la mer. © Cherise Fong

La maison des bâtisseurs DiY Rob Oudendijk et Yuka Hayashi pèse 4 tonnes. Sans fondations, ses murs sont en polystyrène extrudé et mortier, l’électricité est fournie par l’énergie du vent et du soleil. Visite de ce proto d’habitat DiY, entre cabane à la Thoreau et abri du futur.

Nabari, envoyée spéciale (texte et photos)

Une maison flottante DiY qui résiste aux tsunamis et aux inondations, c’est le projet un peu fou d’un couple de makers néerlando-japonais devenu réalité, à l’ombre de la forêt japonaise. L’ingénieur Rob Oudendijk est l’un des principaux artisans de Pointcast, le réseau de compteurs Geiger. Designeuse, Yuka Hayashi a cofondé avec lui en 2008 la société YR Design (dédiée au projet de maison 100% DiY).

Installé au Japon depuis 25 ans, Rob Oudendijk rêvait d’une maison flottante. En 2011, après deux ans de recherche en terrain et matériaux, le couple achète un lopin à l’ombre de la forêt, près de la ville de Nabari, à 50 km à l’est de Nara, au Japon. C’est Kitty-chan, leur chatte, qui en a choisi l’emplacement. Le site, loin de la côte, 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, leur permet de développer leur prototype rêvé en toute tranquillité.

Il ne leur faut pas longtemps avant de venir y planter leur tente, et commencer à construire leur maison prototype à base de polystyrène extrudé XPS, un matériau léger, durable, facile à manipuler et surtout, 100% étanche.

Échantillon de polystyrène extrudé recouvert de mortier.

Une construction empirique : ils fabriquent les murs et ajustent au fur et à mesure l’architecture d’ensemble à l’aide d’un logiciel 3D. Le couple de bâtisseurs DiY a toute liberté de construction puisque la structure, qui n’a pas de fondations, se trouve hors zone urbaine, et qu’elle n’est donc pas considérée comme une maison par les autorités locales. Trois ans plus tard, la « maison rose » tient toute seule comme une cabane autonome au cœur de la forêt, et ses habitants y vivent en quasi-autarcie, comme des Walden du XXIème siècle !

La boîte postale de YR Design, à l’entrée du terrain de la maison rose. 

A notre arrivée, c’est d’abord le son de l’eau ruisselante qu’on entend, créant une ambiance pastorale. Devant la maison, une éolienne, des panneaux solaires et un rudimentaire jardin d’herbes et de légumes. A l’arrière, des champignons, quelques tuyaux qui apportent l’eau, des récipients pour le compost, des réservoirs de gaz, un générateur…

La maison en elle-même est hermétiquement scellée par ses jointures en silicone. Les fenêtres sont en acrylique, le plancher en polystyrène extrudé est surélevé de 30 cm, la toiture renforcée, et tout l’extérieur est recouvert de mortier afin de protéger la surface du soleil, du vent, de la pluie… Seule la grande porte d’entrée s’ouvre verticalement comme un vaisseau spatial, doublée d’une porte moustiquaire lorsqu’elle reste ouverte pour aérer.

Façade extérieure de la maison étanche.

A l’intérieur, la cuisine est alimentée en eau filtrée par un filtre céramique argenté et l’électricité est stockée par un arsenal de batteries alignées contre le mur, elle-mêmes nourries par trois sources d’énergie, solaire, hydraulique et éolienne. Le générateur prend automatiquement le relais en hiver (de novembre à mars). Seule l’eau de la douche (au-dessus de la baignoire toujours en construction) est chauffée au gaz (grâce aux réservoirs extérieurs).

La cuisine en rose.
De petites lampes suffisent pour éclairer la pièce la nuit.
Arsenal de batteries chargées à trois sources d’énergie, solaire, hydraulique et éolienne.

La température de la pièce est réglée par un système de ventilation des courants d’air filtrés par une membrane dans un coin sous le toit : l’air chaud sortant produit par la cuisine ou un radiateur électrique réchauffe l’air entrant. La prochaine version du système passera par le plancher, qui maintient déjà une température constante d’environ 11°. Dans un coin près du lit, un déshumidificateur garde l’humidité sous 70%.

La douche au-dessus de la baignoire en construction, élevée afin de pouvoir récupérer l’eau.

Si leur maison est DiY, leur existence est à l’avenant. Tous deux strictement végétaliens, ils cuisinent sans huile avec une seule plaque électrique, n’ont pas de réfrigérateur et conservent leur nourriture dans des boîtes étanches sous le comptoir. Ils ne vont en ville en voiture que tous les quatre jours pour faire les courses et laver leur linge, se passent volontiers de télévision, écoutent radio et musique en streaming grâce à leurs abonnements cellulaires LTE (proche de la 4G).

Le WC compost DiY contenant de la sciure de bois locale.

Sur la table de travail, on reconnaît les outils d’un maker et bricodeur averti : fer à souder, tiroirs remplis de circuits, mini Makerbot Replicator, bras robotique CNC… Rob est membre de Pointcast et mène une multitude d’autres projets qu’il consulte à distance, en plus de ses inventions maison. Yuka, quant à elle, cultive des pousses hydroponiques.

Rob Oudendijk dans son fauteuil DiY fabriqué à partir de matériel récupéré d’un camion.
Rob et Yuka chez eux.

Les longues fenêtres horizontales, toutes sans rideaux, ont été conçues pour offrir une vue de la forêt à chaque niveau : la plus basse pour Kitty-chan, celle du milieu pour une position assise, et la plus haute pour une perspective debout. Il va sans dire que la maison rose flottante est toujours inondée de lumière…

Kitty-chan dans son lit de carton fabriqué sur mesure par Yuka.

Ainsi isolée en pleine campagne, comment savoir si d’ici le prochain tsunami, ce prototype de maison flottera pour de vrai ? « Je vous promets qu’elle flotte, affirme Rob. C’est un simple calcul : le plancher tout seul a une capacité de 40 tonnes alors que la maison en pèse 4! »

Rob Oudendijk à l’entrée de sa maison flottante.

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