Nouvelles formes collaboratives au Ouishare Fest 2016
Publié le 23 mai 2016 par Elsa Ferreira
Fini l’âge d’or de l’économie du partage? Au Ouishare Fest, qui se tenait à Paris du 18 au 21 mai, ses acteurs ont pourtant réfléchi à la prochaine étape. Points de vue.
« L’économie du partage ne suscite plus le même engouement qu’à ses débuts », considérait Francesca Pick, coordinatrice du Ouishare Fest dans une tribune publiée en décembre 2015. Ce qui n’a pas empêché quelque 5000 visiteurs et 200 participants d’assister à la quatrième édition du rendez-vous de l’économie collaborative, à Paris. Après une première journée consacrée à la blockchain et la construction de la ville, le Cabaret sauvage a été le recueil de discussions autour du futur de l’économie collaborative, du mouvement maker, de la décentralisation et de la permaculture. Makery, en quatre points de vue de participants, donne à voir les pistes pour demain.
Hannah Stewart
Chercheuse au Royal College of Art de Londres, en charge d’une étude sur le futur des makerspaces
«Produire localement dans les makerspaces»
« Nous sommes à une époque charnière. Pendant la “ruée vers l’or”, tout le monde était enthousiaste à l’idée de parler de maker, d’avoir un fablab ou un makerspace. A présent, nous cherchons à consolider tout ça et à comprendre comment exploiter à bien ce réseau global de makerspaces et d’individus émancipés, et à produire en réduisant les conséquences matérielles.
« Beaucoup de projets naissent des makerspaces : ce sont des lieux importants d’innovation. Ils expérimentent de nouvelles formes de réseaux en transportant des données plutôt que des matériaux, rendant possible une production locale, comme par exemple Open Desk et son modèle d’open making.
« Il faudrait trouver des manières de produire plus localement plutôt que de créer des prototypes dans des makerspaces et envoyer la production en Chine parce que les composants viennent de là-bas ou que cela s’inscrit dans une économie d’échelle. C’est une frustration pour beaucoup de monde. »
Mattia Bernini
Designer pour Precious Plastic, une machine de recylage plastique personnelle de Dave Hakkens
«Des outils simples pour tout le monde»
« Nous avons un gigantesque problème (avec la pollution) et les gens s’en soucient. Nous avons pris des outils simples pour tout le monde, en Europe, en Afrique ou en Amérique latine. Cela demande seulement des compétences de soudures et de DiY basiques, comme faire des trous. Le processus est simple : on coupe le plastique en tous petits morceaux, qu’on insère dans un compartiment, qu’on chauffe et presse dans un moule.
« Beaucoup de gens sont en train de construire la Precious Plastic. Nous avons lancé une campagne pour cartographier les endroits où les projets étaient construits et nous avons un forum où les gens discutent de plastique, partagent leurs savoirs, leurs peurs et leurs frustrations parfois quand la construction coûte plus que ce que nous avions prévu. »
Le recyclage selon Precious Plastic, 2016 :
Guilherme Lito
Chargé des relations humaines à Brownie do Luiz (Brésil), une entreprise qui s’inspire des principes de la permaculture
«Une nouvelle façon de penser»
« Les gens sont plus ouverts quand ils font face à une grande crise, parce qu’ils voient que le modèle mental échoue. [La permaculture appliquée à l’entreprise] n’est pas une nouvelle méthode, c’est une nouvelle façon de penser. Nous avons été éduqués d’une façon scientifique, cartésienne, mais la nature n’agit pas de cette façon.
« Dans mon entreprise (de fabrication de brownies), 40 à 50% de nos revenus viennent de ce qui était avant considéré comme des déchets. Comme la partie dure des brownies, qui cuit contre le métal. C’est la partie croustillante, elle se vend très bien. Les protections pour les cheveux de nos employés sont utilisés pour des rembourrages de coussins. Prochaine étape : utiliser les coquilles d’œufs, riches en calcium, pour résoudre le problème de la nutrition au Brésil. »
Primavera de Filippi
Chercheuse au CNRS, travaille sur les enjeux légaux des architectures distribuées
«Aller plus loin que la blockchain»
« The DAO est un logiciel sur la blockchain qui se présente comme une organisation ou un fonds d’investissement décentralisé. Tous ceux qui envoient de l’argent (sous la forme d’Ether) à l’adresse de ce logiciel vont obtenir en échange des tokens de The DAO, ce qui va leur permettre de participer à sa gouvernance. N’importe qui peut soumettre des propositions sur la manière dont ils envisagent de dépenser l’argent accumulé par The DAO. Les tokens permettent aux gens de voter sur les propositions qui seront financées.
« La constitution de l’organisation n’est pas écrite sur un bout de papier (c’est-à-dire un contrat) mais codifiée dans la blockchain — elle est donc incorruptible. C’est une garantie que la procédure de gouvernance s’exécute telle qu’elle a été décrite dans le code.
« La blockchain est une technologie dite “trustless” — qui élimine le besoin de confiance. Mais cela n’est utile que pour les applications où il n’y a effectivement pas besoin de confiance, notamment les applications financières. Cette technologie ne suffit pas, à elle seule, à gérer des interactions sociales où la confiance est considérée comme un atout, et non plus une limitation. »
Pour en savoir plus sur le Ouishare Fest