A Paris, la première exposition sur l’impression 3D s’installe au Lieu du design jusqu’au 9 juillet. Une mise en bouche de ce que d’aucuns annoncent comme la troisième révolution industrielle.
C’est une expo petite, mais costaude, qui prend place au Lieu du design à Paris, la première en France à s’intéresser à la technique de fabrication additive. Son commissaire, François Brument, designer dont on a déjà repéré le talent, nous invite à déambuler avec Impression 3D, L’usine du futur dans la (pas si) courte histoire de cette technique.
Preuve que le sujet est dans l’air du temps, le centre Pompidou prépare lui aussi une exposition sur la 3D pour le printemps prochain, qui privilégiera le côté artistique des réalisations imprimées en 3D. Le moment paraît donc venu de « prendre un peu de recul », explique François Brument, pour présenter une exposition « critique, historique et prospective ».
3D soufflée et pont en acier
L’usine du futur tient dans une salle. Mais comme le designer spécialiste de l’impression 3D s’applique à le démontrer, on peut faire de grandes choses dans de petites : c’est ce qu’il appelle « l’hyperoptimisation », soit l’économie des étapes ou de la matière. Comme ces vases de Roos Meerman, imprimés en petit format puis soufflés, cette maison imprimée en 3D à Amsterdam ou ce luminaire de 15 mètres, Hyperform, de Marcelo Coelho et Skylar Tibbits, imprimé en une seule fois grâce à une technique de pliage qui permet de remplir entièrement le bac de résine.
«Hyperform», Marcelo Coelho et Skylar Tibbits, 2013:
Entre art et prototype, les designers expérimentent à tout-va. Les formes, déjà, comme Chairgenics de Jan Habraken, cette drôle de collection de chaises, une hybridation des modèles cultes de l’histoire du design. Les matières aussi : impression 3D de pièces en titane pour le vélo sur mesure VRZ 2 réalisé par Ralf Holleis, ces briques de construction aux propriétés de climatisation naturelle et bien sûr le MX3D Bridge, ce pont construit en acier et entièrement en 3D à Amsterdam.
Robot humanoïde, prothèse et open source
Les makers aussi ont le droit à leur îlot — et, bonne nouvelle, il est plutôt bien rempli. Peut-être parce qu’il y a « plus de makers français qui se sont emparés de la 3D que d’industriels français », avance le commissaire. Sûrement aussi parce que si les makers sont ravis de partager leurs projets, ce n’est pas toujours le cas des industriels. « Les domaines les plus foisonnants sont sans doute l’industrie de l’aéronautique ou de l’automobile, mais ils ne veulent pas montrer ce qu’ils font et révéler leurs savoir-faire. »
Espaces alternatifs et collaboratifs ou principe de l’open source, François Brument présente en quelques objets un panorama du mouvement. L’utile d’abord : la RepRap d’Adrian Bowyer, imprimante 3D auto-reproductible (ou presque) ; Inmoov de Gaël Langevin, pionnier de la robotique humanoïde open source ; les prothèses low-cost et open source de la communauté E-Nable ou encore Open E-component du designer Weilun Tseng, un système modulaire qui permet de fabriquer de petits appareils électroménagers et lutter contre l’obsolescence programmée. Le plus ludique aussi, comme cet adaptateur universel de jouets de construction du F.A.T Lab ou l’Éléphant de Samuel Bernier, jouet articulé imprimable en une fois que plus de 800 makers ont déjà réalisés, un vrai carton chez les objets open source.
Et demain ? Evalué à 4,3 milliards de dollars en 2015, le marché de l’impression 3D ne se développe pas sans heurts. Mais l’industrie se laisse bel et bien séduire par la promesse d’objets hyperpersonnalisés (les joaillers se sont d’ailleurs emparés de la fabrication additive avec enthousiasme) et par ce « modèle hybride mi-collaboratif mi-marchand » où le nombre d’intermédiaires, et donc les coûts de production, est réduit drastiquement. « L’usine du futur », des prothèses auditives stylées aux clubs de golf sur mesure en passant par les montures de lunettes imprimées en 3D, se dessine sous nos yeux ; et ça vaut le coup d’œil.