C’est quoi, une résidence dans un fablab?
Publié le 26 avril 2016 par Nicolas Barrial
Trois makers hackers et artistes ont passé deux semaines en résidence à la Fruitière numérique, le fablab de Lourmarin, dans le Vaucluse, pour y concevoir les installations d’une exposition in situ. Retour d’expérience avec Cédric Honnet, «ingénieur en interhacktivité».
A la Fruitière numérique, près d’Avignon, les installations de l’exposition Créalux à voir jusqu’au 1er mai, et qui iront ensuite se promener au festival d’Avignon, ont été conçues sur place, au fablab de Lourmarin, dans le cadre d’une résidence d’artistes de deux semaines. Cédric Honnet, « explorateur du son et de l’interaction homme-machine », Sébastien Fau, réalisateur de films d’animation, et Fabien Acathla, informaticien-électronicien hacker, se sont croisés au Jack, le hackerspace du Jardin d’Alice à Montreuil. Cédric Honnet revient sur cette expérience inédite de résidence pour makers, financée par le fonds Edis pour l’art numérique.
Comment avez-vous été accueillis au fablab?
La mairie de Lourmarin dispose d’habitations municipales, des “cellules monastiques” idéales pour se concentrer. Le fablab, lui, est équipé de tous les outils de fabrication numérique imaginables, imprimantes, découpes laser, CNC… On y avait accès 24h/24, ce qui est très utile car la journée ne manquait pas de distractions avec les bricoleurs locaux qui venaient nous montrer leurs projets.
A quoi avez-vous passé ces deux semaines?
Il a d’abord fallu se calmer ! Difficile de retenir deux geeks et un artiste dans un fablab avec de la matière première à volonté. On a décidé de partir des sculptures en bois de Sébastien pour les rendre “vivantes”. Le fablab ayant été construit sur les ruines d’une coopérative fruitière, le nom de notre intervention, Fructus Animalis, était logique. Nous avons privilégié l’humour. Reine-Scie, notre requin à jambes humaines par exemple, est l’inverse d’une sirène (une reine scie en verlan), plus on s’en approche, plus elle émet un son de scie stressant. Sous l’impulsion de Sébastien, qui vient de l’animation artisanale, d’autres œuvres impliquent des ancêtres du cinéma, comme le praxinoscope et l’électrotachyscope.
Comment avez-vous procédé pour la réalisation?
On a passé plusieurs jours à inspecter la réserve de déchets électroniques. Tout était bon à démonter. Par exemple, on a désossé un stroboscope pour envoyer des animations sur la roue à facettes d’un électrotachyscope. Et pour la synchro, le capteur infrarouge d’un magnétoscope a fait l’affaire. Pour notre Praxiphonoscope, une sculpture rotative qui permet de scratcher du son, le capteur optique d’une souris lit les variations de la rotation. On a aussi dépouillé des cartes son pour les connecteurs mini-jack et récupéré des câbles de photocopieurs.
Quelles sont les pièces qui vous ont posé le plus de difficultés?
Les installations les plus compliquées sont celles qui nous ont apporté le plus de plaisir. Par exemple, la Reine scie utilise un capteur ultrasonique bon marché qu’il a fallu modifier pour que les sons ne soient pas interrompus. Le facteur temps ajoutait à la complexité : quelques minutes avant le vernissage, j’affinais encore le son émis par le Praxiphonoscope. Enfin, pour Statera, une installation qui permet de générer une vidéo-projection à plusieurs, Fabien a trouvé des astuces géniales : on a intégré un capteur de rotation magnétique dans ce pèse-charge d’époque pour mesurer l’orientation de l’aiguille. Ensuite, un microcontrôleur envoie la mesure vers un ordinateur qui dirige l’animation avec un script Python.
Plus d’infos sur les réalisations issues de la résidence à Lourmarin
Exposition «Créalux cultures numériques» à la Fruitière numérique jusqu’au 1er mai; les installations seront visibles au Festival d’Avignon en juillet 2016