A Mexico, le mouvement maker prend son envol. Après le premier chapitre de notre enquête consacrée aux pionniers, Makery vous emmène aujourd’hui à la rencontre des nouveaux acteurs… et de ceux qui continuent de préférer l’art au business.
Mexico, envoyée spéciale (texte et photos)
Ça buzz à Mexico. Après un développement discontinu, la communauté hacker/maker aujourd’hui explose. Makerspaces de l’Internet des objets, fablab incubateur, même le Numa a décidé de poser ses valises dans la capitale mexicaine.
Avec sa population jeune, un ratio population/ingénieurs trois fois supérieur à celui des États-Unis et le marché hispanophone à portée de main, Mexico City fait rêver. « Le Mexique se présente comme le second écosystème le plus attractif pour les investisseurs en Amérique Latine », vante l’équipe de l’incubateur parisien dans son communiqué. Et la communauté du biohacking ? Une jeune génération cherche à s’installer elle aussi. Suivez le guide à la rencontre des makers nouvelle génération.
Fablab Impact, le vaisseau amiral
A quelques pas du makerspace Hacedores, voici le Fablab Impact, projet très ambitieux qui ouvrira la semaine suivant notre passage. Le bâtiment a été choisi pour devenir un centre d’innovation, vaisseau amiral d’une régénération du centre historique de la ville. Un quartier stratégique puisque s’y regroupe pléthore d’artisans spécialisés : travail du bois, de l’électronique, de l’alimentation, des vêtements ou chaussures, « peu importe ce que vous cherchez, vous le trouvez », nous explique Sinuhe Acosta, architecte et co-fondateur du fablab.
Le terrain de jeu est énorme. Dans ce bâtiment de huit étages couvert par la poussière des travaux, Oscar Velazquez, business developer, et Sinuhe font le tour du propriétaire. Bientôt, au rez-de-chaussée, une autre équipe ouvrira un espace de co-working.
Avec son pitch bien rôdé et une expérience en tant que directeur d’un espace de co-working dans le quartier trendy de Coyoacan, Oscar a convaincu les investisseurs privés, la ville et le ministère de l’Entrepreneuriat d’investir dans son projet.
Ici, on parle « impact positif » de l’innovation et gros sous. Le crédo : « démocratiser l’innovation ». D’un côté, le fablab, avec lequel les créateurs espèrent séduire et mobiliser le voisinage traditionnel. Intérêt porté à la fabrication numérique par les artisans du quartier : « 50/50 », reconnaît Sinuhe. De l’autre, un incubateur de start-ups « impactantes » : écologie, santé, fintech ou robotique, entre autres.
Fablab Impact, República de Perú 88, Mexico
Maker Space Mexico, le dernier né
Dernier né des makerspaces mexicains, Maker Space Mexico, 6 mois d’existence, est situé dans le nord de la ville. Ses fondateurs, Osvaldo Lopez Acuna et Hector Leal, deux ingénieurs en électronique, se sont spécialisés dans l’Internet des objets et organisent régulièrement des défis pour leur communauté : hardware, réseaux sociaux, datas… Aujourd’hui c’est le troisième et la salle est comble.
Les réunions ont lieu dans les locaux de l’entreprise d’ingénierie électronique de Hector, qui se transforme en makerspace selon les besoins. Le déclic leur est venu lors d’un atelier Arduino au makerspace 330ohms alors que le duo entamait la fabrication d’un mécanisme de jeu de fête foraine. Le cours fini, ils décident de se retrouver pour continuer le projet. Le makerspace est né.
Désormais, deux projets se dessinent à plein temps dans le makerspace : Conluce, un système de contrôle électrique par Internet, et Superboard, un rétroprojecteur, avec écran LCD, rideau de projection et écran synchronisé. « Ne manque plus que la caméra », dit Osvaldo.
Si la paire organise pour l’instant les réunions plutôt par plaisir et curiosité, ils espèrent bien y trouver des « opportunités de business ». « On sent que quelque chose se passe avec l’Internet des objets, dit Ovaldo. Ici on peut rencontrer des gens, et peut-être créer des entreprises communes. »
Maker Space Mexico, avenida Montevideo 303, colonia Lindavista, ouvert à la demande
Media Lab, les chercheurs arty
Attention, intellectuels au travail. Dans le centre de la ville, voici le Media Lab. Malgré l’ambiance de bidouille qui y règne, le Media Lab ne se revendique pas comme makerspace. D’ailleurs, l’équipe est « plutôt critique du mouvement des makers à Mexico, nous avoue Leonardo Aranda. Il devient trop commercial, mainstream ». Eux veulent « utiliser la technologie différemment », explique-t-il.
Le Media Lab est une association et l’équipe est composée de sept personnes : ingénieurs, programmeurs, philosophes ou artistes visuels. Par cycle, ils s’emparent d’un sujet, se plongent dans les recherches et en retirent des ateliers qu’ils proposent à leurs publics, le plus souvent des institutions culturelles.
Parmi leurs réalisations, une carte collaborative qui soulève les problématiques urbaines (écologiques, sociales et de sécurité), un projet d’art électronique qui explore comment « Internet est devenu un espace utopique » en traduisant les actions virtuelles dans le monde réelle. C’est une des marottes du groupe : rendre visible les interactions numériques et les données émises.
Ils accompagnent aussi des projets extérieurs, comme Parasitos Urbanos, des « espèces de parasites robots » fabriqués à partir de déchets électroniques.
Media Lab, Eligio Ancona 116, casa 8, colonia Santa Maria la Ribera, ouvert au public pendant les ateliers
Biohackers CDMX, la communauté en construction
La communauté de biohacking n’en est qu’à ses débuts, mais il se pourrait que cela devienne quelque chose de grandiose. Leonardo Moreno Urbieta, étudiant en physique, a été un des premiers moteurs du mouvement à Mexico. « Je suis profondément intéressé par la biotechnologie et son expansion de ces dernières années », explique-t-il par Skype. Persuadé que la biotechnologie « va changer notre vie d’une manière que l’on n’imagine pas encore », Leonardo décide de se mettre à la recherche d’une communauté qui s’intéresse aux mêmes problématiques que lui, et à la façon dont les outils « deviennent de plus en plus accessibles, et de moins en moins cher ».
En vain. Il contacte donc Joël de la Barrera, responsable depuis trois ans de la communauté facebook Biohackers Mexico et qui construit en ce moment même un biohacklab open source à Leon, Guanajuato (toutes les étapes seront documentées et partagées). Joël lui transmet la liste des personnes intéressés par un tel endroit à Mexico City : une mailing-list de 150 personnes. « Beaucoup de monde pour commencer », se réjouit Leonardo.
Le premier rendez-vous a été organisé le 9 mars « de la façon la plus DiY qu’il existe » : dans le garage de Leonardo. Une vingtaine de personnes se déplace jusqu’à la maison de cet inconnu — assez pour convaincre Leonardo que son intuition est la bonne.
S’il n’a pas encore trouvé les lieux pour son lab, il a les machines essentielles (dont une construite par ses soins) et espère s’associer avec le makerspace 330ohms. Il collabore aussi avec les biohackers du Mexique et de l’Amérique Latine. « Établir un réseau est le plus important, pense-t-il. Nous apprenons à nous connaître et nous partageons le savoir. »
B10S, le lab nomade
Enfin, une autre initiative, le B10S (lire bios), un programme mobile de « labs » en bioart DiY. Lors de la Transmediale en février à Berlin, Makery avait rencontré Interspecifics, les artistes bioart animatrices du programme. Leurs objectifs se concentrent sur la diffusion de savoir-faire en biohacking dans une démarche de science ouverte.
Lire notre interview d’Interspecifics, le collectif mexicain de bioart DiY
Retrouvez ici la première partie de notre reportage, à la rencontre des pionniers de Mexico