En six mois de pérégrinations en France, les lab-trotteurs du MakerTour ont plus que découvert la diversité des ateliers partagés. Apparus à la fin des années 2000, les pionniers ont une expertise qui devrait servir au développement du mouvement maker.
Nés entre les murs du MIT, les premiers fablabs dans le monde furent créés par des collaborations en Inde, au Costa Rica ou encore en Norvège. Mais où le mouvement fablab a-t-il pris racine en France ? A l’image d’Artilect à Toulouse qui a ouvert la voie dès 2009, différents foyers ont apparu sur le territoire entre 2010 et 2012. L’expédition MakerTour nous a menés sur les traces de certains pionniers français : Nybi à Nancy (2010) et le Labfab à Rennes (2012).
Pionniers français
Début janvier 2016, nous avons poursuivi ces rencontres d’initiatives historiques de fablabs en France. En Bourgogne tout d’abord. L’association Net-Iki (« l’Internet de chez nous » en patois local) s’est créée en 2009 dans un village de 350 habitants du Jura. Elle fournissait alors le seul accès internet du village ainsi que des formations à l’utilisation d’outils type appareil photo numérique ou smartphone. En juin 2012, l’association ouvre le Fablab Net-Iki à Biarne pour poursuivre sa mission de « dédramatiser l’extraterrestre numérique » au quotidien et créer un « bistrot numérique 2.0 » au service des habitants et communes alentours. La communauté de Net-Iki a démontré l’intérêt d’un fablab en milieu rural et inspiré l’ouverture de nombreux autres labs dans la région !
Quelques mois auparavant, un fablab ouvrait à La Casemate de Grenoble. Premier Centre de culture scientifique technique et industrielle (CCSTI) ouvert en France en 1979, l’institution est hébergée dans les casemates, ces anciennes fortifications de la ville de Grenoble d’où elle tire son nom. Le concept de fablab fait rapidement écho à leur mission de médiation et de vulgarisation de la culture scientifique auprès de tous les publics. Créé dans le cadre d’une exposition temporaire fin 2011, le fablab de La Casemate ne fut jamais démonté et continue d’occuper l’étage de La Casemate depuis quatre ans. Les visiteurs atterrissent dans un fablab sans le savoir, une configuration rare ! Pour autant, dépendre d’une structure institutionnelle (financement, ressources) et de son cadre (horaires, réglementation) est une contrainte non négligeable.
La région parisienne, fourmilière d’ateliers
Notre passage au fablab La Casemate en janvier 2016 clôtura le tour de France de MakerTour. Quelques jours plus tard, nous lancions la seconde phase du tour : l’exploration de la région parisienne. Au-delà des seuls fablabs, ce territoire concentre toute une foule d’ateliers : des hackerspaces comme l’Electrolab, des makerspaces comme ICI Montreuil ou encore des labs d’entreprise comme celui de l’AIS (Atelier innovation services) de Snecma.
Premier fablab francilien, le Faclab a été créé en mars 2012 à Gennevilliers en plein cœur de l’université de Cergy-Pontoise (UCP). L’aventure a débuté fin 2011 par une discussion fortuite entre Laurent Ricard, Emmanuelle Roux et un directeur de l’UCP : les fablabs et les universités n’ont-ils pas une essence commune de lieux de savoir, de partage et de mutualisation ? Que donnerait la fusion des deux ? Et depuis quatre ans, le dénommé Faclab est gratuit d’utilisation, ouvert à tous sans barrière à l’entrée, et repose au quotidien sur la contribution de sa communauté de membres particulièrement hétérogène. Un modèle unique en son genre.
Ouvrir des ateliers à tout va?
L’incroyable expérience du MakerTour nous a permis de rencontrer les pionniers des ateliers partagés, et d’ouvrir les yeux sur la diversité des expérimentations menées dans ces fablabs, sur la diversité des environnements dans lesquels ils sont déployés et la multitude d’acteurs qui y voient un intérêt. Un point commun cependant : créer un atelier et une communauté demande du temps, de l’énergie et de la passion.
Il ne suffit pas de distribuer des subventions… Comme on en a l’impression avec le plan récemment annoncé de « Paris, cité des makers » qui veut « notamment doubler le nombre de lieux dans la capitale liés à la fabrication (fablabs, makerspaces, etc.) ». S’emparer du sujet est une bonne chose, le faire sans consulter les intéressés en est une autre. La Ville de Paris retombe dans les travers du maladroit appel à projets « d’aide au développement des ateliers de fabrication numérique » du ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique fin 2013. Ce dernier avait alors divisé le mouvement en créant de la compétition et de la division entre les initiatives. Plutôt que se focaliser sur la quantité d’ateliers sur le territoire, parlons plutôt de la qualité des modèles existants, et aidons-les à s’ancrer plus durablement dans notre société.
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