Le buste de Néfertiti hacké en 3D
Néfertiti pour tous ! Deux artistes allemands ont scanné le célèbre buste de la reine égyptienne conservé au Neues Museum de Berlin puis mis en ligne les fichiers d’impression 3D sous licence libre. Banal ? Pas tant que ça. Car le musée berlinois conserve farouchement les scans originaux du fameux portrait et en limite l’exploitation au compte-gouttes. Il n’en fallait pas plus pour que Nora Al-Badri et Jan Nikolai Nelles imaginent une performance artistique militante visant à « rendre les objets culturels accessibles au grand public ».
Une authentique copie hackée de l’original
Armés de scanners portables camouflés sous leur veste, les deux artistes ont réussi à se glisser dans le musée pour numériser clandestinement l’icône datant de 1340 avant J.-C.. Et ils ont choisi le Chaos Communication Congress, la grand messe des hackers à Hambourg en décembre dernier, pour dévoiler leur projet intitulé The Other Nefertiti et mettre en ligne leurs datas sur le site Nefertiti Hack. Dans le même temps, le buste imprimé en 3D était exposé au Caire lors de la biennale Something Else. Une première en Egypte depuis un siècle, même s’il ne s’agissait que de la version 3D de l’inestimable trésor.
«Le musée de Berlin possède ces données numérisées depuis des années, mais il n’a jamais eu la volonté de les partager avec le public, car il capitalise dessus.»
Nora Al-Badri, artiste hackeuse
Les deux artistes filmés en train de scanner clandestinement le buste:
Le buste de la discorde
Car l’Egypte ne cesse de réclamer à l’Allemagne le retour du buste découvert en 1912 par Ludwig Borchardt. En vain. Avec The Other Nefertiti, le duo dénonce le « cynisme » et l’« exploitation culturelle », revendiquant un geste politique en écho aux pillages actuels des patrimoines syriens et irakiens. Leur démarche rencontre d’ailleurs le soutien de plusieurs universitaires égyptiens, dont celui de Salima Ikram, directrice du département d’égyptologie de l’Université américaine du Caire, où le buste en 3D devrait être prochainement exposé.
« Nous sommes optimistes, à l’avenir, les possibilités technologiques et la pression du public finiront par conduire au rapatriement de la plupart des objets vers les communautés et les nations dont ils sont originaires, tandis que nous pourrons toujours montrer des copies ou des incarnations digitales aux visiteurs des musées occidentaux », nous déclare Nora Al-Badri.
Pour pousser plus loin la performance et marquer les esprits, les deux artistes ont même mis en scène la vraie-fausse découverte du buste 3D dans des conditions archéologiques ultra-réalistes sur un authentique site de fouilles, grâce aux conseils de l’égyptologue Monica Hanna. « Nous avons recherché des douzaines de vidéos de fouilles illégales qui sont mises en ligne par les pilleurs eux-mêmes pour montrer leurs découvertes, nous explique Nora Al-Badri. Notre vidéo démontre qu’une seconde icône pourrait être trouvée. La possibilité d’une telle découverte n’est pas improbable, étant admis que le sculpteur a créé plusieurs bustes. »
La vidéo de la vraie-fausse découverte du buste de Néfertiti en 3D:
Les deux artistes affirment qu’il s’agit de la reproduction la plus fidèle du portrait de la reine. On les croit sur parole, les milliers de reproductions bon marché, y compris celles en 3D, se basant sur des photos ou des copies de copies de copies.
Le site Nefertiti Hack