Un vagin 3D en procès à Tokyo
Tokyo, de notre correspondante
Un étrange procès s’est tenu à Tokyo le 1er février. Au tribunal, le procureur a demandé la condamnation de l’artiste Megumi Igarashi à 800 000 ¥ (6 110 €) d’amende pour obscénité. Sa « faute » ? Avoir distribué des scans 3D de sa propre vulve. L’accusée clame son innocence…
Au Japon, Megumi Igarashi, 43 ans, plus connue sous son nom d’auteure de manga Rokudenashiko (« mauvaise fille » en japonais), est encore plus renommée pour ses selfies de vagin. Ses dessins mignons du petit vagin Manko-chan ont fait grimper son nombre de fans, et lui ont permis de lancer en 2013 une campagne de financement participatif pour imprimer un modèle géant de son propre vagin transformé en kayak. La récompense offerte à tous ceux qui contribuaient pour plus de 3 000 ¥ ? Le fichier du scan 3D de sa fameuse zézette, pour que chacun puisse l’imprimer chez soi ou dans un fablab.
En octobre 2013, Rokudenashiko a sorti son « pussy boat » sur la rivière Tama à l’ouest de Tokyo. En juillet 2014, elle a exposé une autre œuvre « vaginale » dans une boutique de la capitale japonaise. Peu après, la police a perquisitionné son studio, confisqué ses œuvres, son ordinateur et son téléphone portable, et l’a arrêtée. Une pétition internationale, qui a récolté plus de 21 000 signatures, l’a aidée à sortir de prison cinq jours plus tard. Le 3 décembre 2014, rebelote. Elle reste cette fois 23 jours en détention (le maximum en préventive au Japon) et est inculpée pour « obscénité ». Le procès, lundi, a été l’occasion d’entendre les dernières plaidoiries des procureurs et des avocats de Megumi Igarashi. Verdict attendu le 9 mai.
Dans un pays où tout un festival est dédié à la célébration du pénis, où l’inceste, le viol des enfants et autres non-tabous figurent dans des mangas vendus au supermarché et où la possession de pornographie pédophile n’est devenue illégale qu’en juin 2014, l’hypocrisie patriarcale se fait encore lourdement sentir…
Les représentations de vagin, c’était déjà limite pour les autorités locales. Mais l’organe sexuel féminin allié aux nouvelles technologies, à l’impression 3D, au crowdfunding et au partage en ligne ? Voilà qui fait peur.
« Who’s Afraid of Vagina Art? », documentaire (en anglais) de Broadly (août 2015) :
Le site de Rokudenashiko (en japonais)